23 jan 2025

L’interview mode d’Arthur Robert, fondateur de la marque Ouest

Depuis la naissance du label Ouest en 2022, Arthur Robert fait souffler un vent de liberté sur la mode masculine en proposant des créations en denim, influencées par le vestiaire des surfeurs californiens. Alors qu’il présentera sa nouvelle collection automne-hiver 2025-2026 à la Fashion Week de Paris ce jeudi 23 janvier, Numéro s’est entretenu avec le créateur afin d’en apprendre un peu plus sur sa vision et ses inspirations…

Propos recueillis par Nathan Merchadier.

Chez Ouest, les surfeurs sont vêtus de denim

En quelques années seulement, les créations en denim d’Arthur Robert ont su s’imposer parmi les pièces les plus remarquées du calendrier officiel de la Fashion Week. Après sept ans passés aux côtés d’Alexandre Mattiussi chez Ami, le créateur prend le pari (audacieux) de voler de ses propres ailes, un choix judicieux qui sera couronné, seulement quelques années plus tard, d’une place parmi les finalistes du prestigieux prix de l’Andam en 2023.

Avec son label Ouest, lancé en 2022, Arthur Robert originaire du sud-ouest de la France puise son inspiration aussi bien dans l’univers du cinéma de Gus Van Sant que dans les clichés insouciants associés à la culture du surf.

Pour présenter ses dernières créations, le créateur imagine des mises en scènes amusantes, rompant avec le format traditionnel des défilés de mode, à l’image de sa collection printemps-été 2024, pour laquelle il convie ses invités à l’Hôtel national des arts et métiers, transformant l’une des pièces principales en véritable club. Au petit matin, une dizaine de mannequins s’y déhanchent sur une bande sonore techno, vêtus de shorts en imitation aluminium, leur conférant des allures d’astronautes. 

Quelques mois plus tard, à l’occasion de sa présentation automne-hiver 2024-2025, Arthur Robert renouvelle l’expérience et investit les murs d’une concession automobile en travaux, à deux pas du Bon Marché. Les invités présents ce jour-là découvrent une faune de mannequins qui semblent poursuivre une fête endiablée jusqu’en after. Sous des vestes de blazer, ces derniers portent des tee-shirts aux décolletés plongeants, laissant apparaître la clé que l’on suppose être celle de chez eux, perchée au bout d’un collier en argent.

Ce qui séduit chez Ouest ? Cet esprit californien libre et effervescent, qui insuffle une sensualité assumée à chacun des hommes habillés par la marque. Une vision que défend Arthur Robert avec aplomb et créativité…

L’interview d’Arthur Robert, fondateur du label Ouest Paris

Numéro : Quel est votre premier souvenir lié à la mode ?

Mon premier souvenir mode est lié la télévision et aux émissions « Mode 6 » et « Amour Gloire et Beauté », diffusées quand j’étais enfant. Mais j’ai commencé à vraiment m’intéresser à la mode plus tard, au lycée, en découvrant le pouvoir qu’avaient les vêtements sur les rapports entre les gens, puis en découvrant certains créateurs en déambulant dans les grands magasins…

Quels souvenirs avez-vous de la première pièce de mode que vous avez acheté ou reçu ?

Un jeans Dior, de la dernière collection d’Hedi Slimane. Puis, à l’été de mes 18 ans, lorsque j’ai perçu mon premier salaire, j’ai couru acheter un jeans Rick Owens.

À quel moment de votre vie avez-vous décidé de faire carrière dans ce milieu et pourquoi ?

Alors que je commençais des études de droit, j’ai très vite compris que ça n’était pas spécialement pour moi, et que j’avais envie de quelque chose de plus créatif.

Pourriez-vous nous partager votre parcours en quelques mots ?

Après ma petite aventure à la fac de droit, j’ai d’abord travaillé en boutique pour Margiela, avant de commencer l’Atelier Chardon Savard. Suite à quelques stages, j’ai débuté chez Ami, auprès d’Alexandre Mattiussi, en 2012. J’y suis resté 7 ans, avant de quitter mon poste fin 2019, et de me concentrer sur mon projet personnel, qui allait devenir Ouest. J’ai travaillé ensuite pour plusieurs marques en freelance et mon label Ouest est né en janvier 2022. 

Comment est née l’envie de lancer votre marque ?

J’avais envie de créer un univers unique autour du denim, une marque que je ne trouvais pas vraiment sur le marché, abordable, cool, avec un propos. Et bien sûr le fait d’avoir vu Ami grandir et de voir Alexandre (Mattiussi) construire et développer sa marque a été une immense inspiration. 

Quelles sont vos inspirations ?

La photo, particulièrement le travail de photographes comme Karlheinz Weinberger ou Stanley Stellar, et leur regard sur les milieux queer depuis les années 70. Je m’inspire également du vestiaire des clichés de l’Americana ainsi que de mes souvenirs des surfeurs sur la plage, pendant mes vacances en famille dans le Sud Ouest. Enfin, je citerais Helmut Lang et Martin Margiela pour leur rigueur et leur travail sur le denim. 

Comment décririez-vous le style de vos collections ?

Un uniforme tough et sexy, et beaucoup de denim.

Que voulez-vous transmettre à travers vos créations ?

Je suis attaché à l’idée d’un vestiaire fonctionnel, dans lequel on peut vivre, travailler et sortir après. Une vision sexy et playful de la masculinité. 

Depuis que vous avez lancé votre marque, avez-vous vécu un moment dont vous êtes particulièrement fier ?

Lorsque j’ai vu un portant Ouest aux côtés de créateurs que j’admire dans un grand magasin, je n’ai pas pu contenir ma fierté… Mais plus généralement, voir des vêtements Ouest dans la rue, sur des garçons que je ne connais pas, et voir qu’ils sont beaux avec. En tant que designer, la nomination à l’Andam l’année dernière a aussi été un grand honneur. C’est vrai qu’on fait souvent face à des étapes difficiles, mais il y a toujours des moments de grande joie qui viennent contrebalancer. 

En tant qu’entrepreneur, quel est le plus gros challenge auquel vous êtes confronté ?

Les temps sont difficiles pour la mode en général, et pour les jeunes créateurs en particulier. On est tout le temps confrontés à des problèmes de trésorerie et à des rapports difficiles avec nos fournisseurs, qui pourtant nous soutiennent. 

Parlez-nous brièvement de votre prochaine collection.

J’avais envie d’un vestiaire un peu plus habillé. Toujours des références au surf, au denim, à l’Americana, mais le contexte actuel m’a amené à repenser ces inspirations. J’ai beaucoup revu Twin Peaks et le regard distant que David Lynch pose sur l’Amérique m’a beaucoup inspiré.