26 jan 2025

Le tout premier défilé Fursac raconté par Gauthier Borsarello, son directeur créatif

Pour son premier défilé à la Fashion Week de Paris, Fursac revisite le vestiaire de l’homme contemporain, avec élégance et décontraction. Gauthier Borsarello, directeur créatif de la marque française, raconte ce baptême du feu.

Le premier défilé Fursac à la Fashion Week de Paris

Si cette Fashion Week homme automne-hiver 2025-2026 est loin d’être la plus excitante de ses dernières années, elle révèle néanmoins de bonnes surprises. Et le premier défilé Fursac, qui s’est tenu vendredi 24 janvier 2025, en fait partie.

Fondée en 1973, la marque spécialisée dans le costume pour homme, fait partie de la tradition française en matière de tailoring. Jusqu’à son rachat en 2019 par le groupe SMCP, qui va impulser un tournant créatif salvateur. Une aubaine pour l’industrie du prêt-à-porter français, qui souffre du succès croissant de la Fast Fashion.

Deux ans plus tard, débute la nouvelle ère Fursac, avec la nomination de Gauthier Borsarello à la direction créative. Archiviste et co-fonder du magazine de mode masculine L’Étiquette en 2018 avec So Press, ce violoncelliste de formation revendique un goût pour une silhouette classique.

Cette saison, Gaultier Borsarello présente son tout premier défilé pour Fursac. À cette occasion, le directeur créatif raconte à Numéro son baptême du feu.

Rencontre avec Gauthier Borsarello, directeur artistique de Fursac

Numéro : Quel a été le point de départ de cette collection Fursac automne-hiver 2025-2026 ?

Gaultier Borsarello : J’avais en tête le film Reporters de Raymond Depardon sorti en 1981, un long-métrage documentaire sur les reporters. On voit des mecs sur des scooters ou en planque dans des voitures, habillés de parkas techniques sur des costumes-cravate ? J’aimais bien cette époque et ce mix-là. Puis j’ai repensé à mes oncles qui ont fait le Paris-Dakar, et cette génération des années 80 qui rêvait d’aventure et se prenait pour des bikers. Enfin, je dirai aussi les films comme La Boom ou Les Sous-doués et ceux d’Eric Rohmer, car les acteurs portaient leur propre vêtement faute de budget.

Vous aimez le côté authentique des costumes de ces films ?

Oui, je voulais un rendu très naturel pour ce défilé. En réalité, j’aurais aimé donner les vêtements aux mannequins, qu’ils les portent et les usent pendant trois ans avant de les faire défiler. Ces pièces ont été pensées pour être utilisées. Surtout que je préfère que les vêtements soient usés par un vrai humain, plutôt que vieillis en usine.

Vous êtes archiviste et créateur de mode, comment utilisez-vous le vintage pour construire un vêtement contemporain ?

Pour commencer, je les analyse attentivement. En observant de vieux vêtements, on peut identifier ce qui a été mal exécuté. Une pièce vintage n’est pas nécessairement meilleure qu’une pièce neuve. Et j’aime particulièrement examiner les défauts afin d’éviter de les reproduire. Ensuite, j’étudie ce qui a été bien réalisé et je m’efforce de l’égaler.

On ne retrouve jamais ce côté patiné des pièces vintage dans vos collections ?

Non parce que chez Fursac, j’aime bien l’idée de concevoir le vintage de demain. je fais des vêtements qui ont le potentiel de vieillir pendant vingt ans, et de vieillir bien.

Que vouliez-vous montrer de Fursac avec ce premier défilé ?

À la différence d’une présentation, un défilé c’est du volume, du mouvement, de l’incarnation. Nous sommes une petite maison, donc impossible de concevoir des prototypes dans toutes les tailles. Donc sur le podium, on retrouve plutôt des morphotypes identiques. En revanche nous avons des mannequins d’âges et de cultures différents. Ils ont un truc fort dans le regard, quelque chose de puissant.

Comment décririez-vous la collection en trois mots ?

Sexy, pressé, élancé.

Aux côtés des silhouettes très classiques, on observe des propositions un peu plus audacieuses. Notamment les shorts très courts, les chemises rentrées dans des caleçons assortis, les pins… Est-ce difficile pour une marque comme Fursac d’oser quelques excentricités ?

C’est un jeu d’équilibriste. En fait, j’essaie toujours de raccrocher ces fantaisies à un détail culturel. Le caleçon et la chemise existent dans le vestiaire Fursac depuis toujours. Simplement nous avons proposé une association qui rappelle ma période skate. Quand des filles portaient les caleçons de leurs mecs et rentraient leur tee-shirt dedans montrer la ceinture et le logo. Mais ça n’a pas de sens de proposer des pures fantaisies chez Fursac.

C’est justement cet équilibre entre vestiaire classique et discrète fantaisie qui est intéressant dans ce show.

Exactement. Auparavant, j’ai travaillé avec des stylistes qui partageaient mes goûts et étaient tout le temps d’accord avec moi. Et mes équipes ont souligné que ce n’était peut-être pas très utile. Pour ce défilé Fursac, j’ai collaboré avec le styliste Imruh Asha, qui a fait preuve d’une gentillesse et d’un talent absolument extraordinaires. Nous étions à l’écoute de l’autre en sachant que nos deux univers sont très différents. À mes côtés il voulait apprendre des codes classiques, tandis que je recherchais des propositions beaucoup plus créatives. Finalement, nous avons trouvé un compromis que je trouve assez cohérent à la fin.

Et alors dernière question, quel est look préféré et pourquoi ?

Je dirai le premier avec le pull vert en laine et les badges sur les épaules. Le mannequin a un regard hyper franc, et le style colle vraiment bien avec les codes de la maison. C’est un pull en shetland traditionnel avec un pantalon double pince. En fait, c’est le bon mix entre super classique et super créatif. C’est un look qui synthétise le mieux la collection. C’est d’ailleurs pour ça que je l’ai mis en ouverture du défilé.