12 mar 2025

Un défilé Burc Akyol entre transparence et puissance

Au sommet de l’Institut du monde arabe, à Paris, le créateur français Burç Akyol dévoilait ce mardi son défilé automne-hiver 2025-2026, présenté pour la première fois pendant la Fashion Week femme de Paris. Rencontre.

Les sublimes silhouettes du défilé Burc Akyol

Finaliste du prix LVMH en 2023, Burç Akyol attire au fil des saisons de plus en plus de curieux à ses défilés parisiens. Intégré habituellement au calendrier de la Fashion Week masculine, il fait, à l’occasion de l’automne-hiver 2025-2026, une entrée remarquée au sein du (très chargé) programme de la semaine de la mode féminine. “C’est toujours autant de travail les défilés, que ce soit pour l’homme ou la femme. Je me sens un peu comme une libellule qui passe de fleur en fleur !” nous avoue le créateur français, euphorique et enjoué, le lendemain de son défilé.

Depuis ses débuts, ses créations se nourrissent de ses origines turques, et mêlent subtilement le Moyen-Orient à l’Occident. “Mon vestiaire oscille entre force et vulnérabilité.” explique-t-il. “Dans ce défilé, je réunis des pièces floues, légères et libres en mousseline, autant que d’autres plus érotique et puissantes.” Sur le podium de son défilé organisé au dernier étage de l’Institut du monde arabe, ses idées se traduisent au gré de silhouettes jouant avec la transparence et la fluidité d’une robe ou d’un pantalon. D’autres armées d’épaulettes droites et structurées ou de larges cols en fourrure, façonnent une allure pleine de prestance et de puissance. “Ces fourrures ont quelque chose de très grande dame. Quant aux épaulettes, nous les avons quasiment quadruplées cette saison. Mais ça ne se voit pas car elles se fondent dans le tombé du vêtement.”

Une collection automne-hiver 2025-2026 entre habillé et déshabillé

Intitulée “FEM”, cette collection automne-hiver 2025-2026 célèbre la part féminine de Burç Akyol. “Je n’ai pas envie de parler à la place des femmes. Alors, j’ai préféré me concentrer sur ce que je ressens de féminin en moi. J’ai grandi entouré de femmes, que j’ai beaucoup copiées dans leur gestuelle, leur façon de parler et de séduire. Aussi, j’ai été très inspiré par le film Femme [de Sam H. Freeman et Ng Choon Ping, sorti en 2023], qui raconte l’histoire d’une drag qui tente de séduire la personne l’a agressée. Le récit est toxique, mystérieux, et jusqu’à la fin, on ne sait pas s’ils vont finir par tomber amoureux. Je me suis dit que ça ressemblait beaucoup au combat intérieur d’une femme : dès que tu es dans l’over-féminin, est-ce que tu deviens un sujet en proie aux à priori patriarcaux ? Se dire que le maquillage, les talons et la sensualité sont des outils plus que des restrictions m’intéresse. Cet affranchissement est intéressant.” poursuit-il.

Son défilé déploie alors des looks qui dévoilent çà et là des morceaux de corps et de peau, tandis que d’autres sont cachés par des étoffes de tissus épaisses et protectrices. Mais chaque pièce épouse subtilement les courbes ou les souligne de façon quasi architecturale. “Je voulais faire des vêtements aussi facilement ‘habillable’ que ‘déshabillable’.” À l’image, par exemple, des looks décorés de petites médailles dorées, inspirés par les jupes des danseuses orientales – plus précisément égyptiennes. “Au cours de mes recherches, j’ai découvert que ces femmes devaient demander une licence pour devenir danseuse ! Vous pouvez vous dénuder et danser grâce à cette licence, sans être attaquée. Mais cette liberté reste donc régulée.

Se réapproprier sa part de féminité

Se réappropriant ce symbole entre féminité et système patriarcal oppressif, Burç Akyol déplace les médailles, habituellement portées sur les hanches ou la poitrine, vers les bras, le bout des doigts et le buste, transformant leur dimension suggestive en apparat protecteur. “Par exemple, le haut façonné de dizaines de médailles ressemble à une cote de maille. Il possède un côté presque militaire, maintenant que j’y pense !” ajoute-t-il en souriant.

Jouant avec les frontières de la sensualité, le créateur français puise ainsi l’origine de cette collection dans sa propre histoire. De ses origines turques à son enfance, passée à danser avec sa tante ou à dessiner à l’école. “Ma maîtresse m’empêchait de dessiner par peur que je n’absorbe pas les autres leçons. Pareil pour la danse. Aujourd’hui, c’est comme si je me réappropriais ce dont on m’a toujours privé. Mes amis m’ont récemment demandé d’où venait mon inspiration. En y réfléchissant, je me suis aperçu que je me mettais à créer dès que j’étais en colère.” Une force créative redoutable, qui distingue assurément les sublimes créations de Burç Akyol de ses pairs.