25 juin 2025

Avec son premier défilé, Jah Jah imagine la mode rastafari moderne

Ce 25 juin 2025, Jah Jah signe son premier défilé à l’occasion de la Fashion Week homme printemps-été 2026. À l’origine restaurant afro-végétalien basé à Paris et revisitant la culture rastafari, le lieu se mue aujourd’hui en marque de mode. Fidèle à ses inspirations, le créateur Daquisiline Gomis signe une myriade de looks imprégnant des éléments emblématiques de ce mouvement sur des vêtements du quotidien.

  • par Jordan Bako.

  • Publié le 25 juin 2025. Modifié le 1 juillet 2025.

    Jah Jah, de la gastronomie à la mode

    À l’origine, Daquisiline Gomis et Coralie Jouhier fondaient ensemble en 2014 un food truck baptisé Le Tricycle, et spécialisé dans les hot dogs végétaliens. Et peu à peu, leur initiative se métamorphose en un véritable lieu de pèlerinage, à la croisée des cultures afro-caribéennes.

    Aujourd’hui érigée en adresse incontournable du 10e arrondissement, le restaurant Jah Jah est baptisé selon le nom de Dieu dans la foi rastafari (mouvement social, culturel et spirituel développé en Jamaïque dans les années 1930). Devenu temple de la gastronomie Ital, le lieu proposait une cuisine fidèle au régime alimentaire suivi assidûment par les Rastafaris, proscrivant tout alcool, sel et produits d’origine animale. 

    Plus qu’un restaurant parisien, Jah Jah est également l’épicentre de diverses activités culturelles. Un espace fédérateur, accueillant aussi bien pour des soirées dansantes, qu’une réunion de club de randonnée ainsi que pour des collaborations avec des maisons de mode. En témoigne plus récemment une capsule co-imaginée avec Comme des Garçons en janvier dernier. L’univers de la maison japonaise rencontrait alors celui de Jah Jah. En effet, l’un des emblèmes de la culture rastafari, le lion à couronne, se retrouvait, par exemple, sur une chemise en jean.

    Quelques mois après cette association, Jah Jah lance ainsi son premier défilé de mode ce 24 juin 2025, à l’occasion de la Fashion Week homme printemps-été 2026 à Paris. Presque une évidence pour l’institution qui ne cesse de se démarquer par sa versatilité. Numéro s’est empressé d’assister aux premières loges de ce nouveau chapitre pour Jah Jah…

    Le défilé Jah Jah printemps-été 2026 à la Fashion Week de Paris

    C’est au sous-sol du concept store Dover Street Market que la marque nous donne rendez-vous. Comme pour rompre avec l’effervescence que l’on connaît aux rues passantes du Marais. Le pas de la porte passé, Jah Jah donne déjà le ton du tableau qui nous attend.

    Une cabane faite de planches de bois dépareillées, des affiches de concert factices annonçant le défilé aux murs et des chants d’oiseaux transperçant le sempiternel bourdonnement de la Fashion Week parisienne… Seul aux commandes pour ce défilé, Daquisiline Gomis nous convie alors à un instant de méditation. Loin de la capitale, loin des effusions qui l’accompagnent.

    Sur des lignes de basses reggae, les mannequins s’élancent à travers la porte de la cabane. Les dos tantôt voûtés, tantôt fiers, mais toujours dignes. La tête souvent auréolée de couronnes et de dreadlocks, ils adoptent une démarche tranquille, des références à la culture rastafari parsemées sur les vêtements.

    On remarque alors des touches de noir, de rouge, de jaune et de vert, çà et là, couleurs emblématiques de ce mouvement. Un nuancier de couleurs, en contraste avec d’autres éléments des tenues décontractées. Un trench coat beige jure ainsi avec l’image d’un lion peint en jaune sur le torse. Un ensemble sportswear noir se retrouve orné de bandelettes rouges et vertes, volant au gré du vent. Le visage de Haïlé Sélassié 1er, leader du mouvement rastafari, est imprimé sur un gilet turquoise, serti d’un short noir.

    Une ode à la culture rastafari, entre révolte et décontraction

    Des empiècements de tartan apparaissent également sur une myriade de looks. Ce tissu, d’origine écossaise, fut largement importé en Jamaïque à partir du 17e siècle et témoigne ainsi de l’indélébile colonisation de ces terres.

    Plus encore, le créateur s’amuse à hybrider les techniques de confection tout au long du défilé. Recouvert des couleurs rastafari, le logo Jah Jah rencontre tour à tour des bonnets en crochet, du jean, des rosaces faites en tartan, des bandes de tissu tressées ainsi que des textiles teints en dégradés de couleur. 

    La marque compose donc un vestiaire résolument moderne, toujours baigné de ces influences afro-caribéennes. “Des instruments de mémoire active, évoquant les hommes d’Afrique de l’Ouest des années 1970, les costumes de tailleur portés sur les chantiers en tant qu’armures dignes, les prophètes de Rasta, les leaders culturels oubliés et les artisans du quotidien”, explique le créateur de la marque dans un communiqué de presse.

    Daquisiline Gomis opère ainsi une véritable procession, révolution silencieuse d’une culture rastafari d’abord boudée par les podiums, puis récupérée et absoute de sa valeur politique par d’autres créateurs.