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Poète ou pornographe monstrueux : Nobuyoshi Araki réunit ses images érotiques favorites chez Taschen
Le photographe japonais Nobuyoshi Araki a sélectionné ses images de bondage favorites… Celui qui a écumé les bars, les boîtes de strip-tease, rencontré les geishas et les prostituées rassemble ses clichés phares dans l’ouvrage Araki. Bondage édité chez Taschen.
Par Alexis Thibault.
1. Le shibari ou l’art du ligotage japonais
Héros de la contre-culture nippone et habitué des clubs subversifs, Nobuyoshi Araki a eu le temps d’immortaliser les lolitas et leurs cris d’extase, les yeux révulsés des voyeurs et l’esprit libertaire d’une époque révolue. Mais son péché mignon demeure le shibari, l’art du ligotage japonais… La mort et le sexe sont si intrinsèquement liés chez Araki que l’on ne sait plus où il se situe lui-même, comme s’il regardait les femmes depuis le versant opposé de la vie. Il dit d’ailleurs ficeler le corps des femmes “car seul le corps des femmes peut être noué. Je ligote les femmes parce que je sais que je ne peux pas attacher leur âme”. C’est surtout dans les années 80 qu’Araki transformera son fétichisme en photographie d’art.
2. Nobuyoshi Araki : de l’image sereine à l’image choc
Pour présenter ce nouvel ouvrage – Araki. Bondage – les éditions Taschen s’attardent évidemment sur le concept même de Kinbaku-bi, l’art japonais traditionnel du bondage érotique – ou magnifique bondage – et décortiquent cette fascination de l’artiste : “Signifiant ‘la beauté de la liaison serrée’, Kinbaku-bi, a longtemps fasciné le photographe, devenant l’un de ses sujets les plus importants, peut-on lire en guise de présentation du beau livre. Araki joue avec les schémas d’assujettissement et d’émancipation, de mort et de désir et avec le glissement entre image sereine et choc. Au propre ou au figuré, ses modèles sont certes immobilisés, mais de la manière la plus alléchante : des filles ligotées mais défiantes, suspendues au plafond, en tenue traditionnelle ou nues, de face, parfois avec une fleur subtilement positionnée entre leurs jambes.”
Qualifié tour à tour de génie, de poète, de misogyne, de pornographe, de monstre… son œuvre transcende les simples classifications moralisatrices. Il dira d’ailleurs de son travail : “Il n’y a pas de conclusion. C’est complètement ouvert. Cela ne va nulle part.” Nobuyoshi Araki naît à Tokyo en 1940. Il étudie la photographie à l’université de Chiba et obtient son diplôme en 1963. Photographe freelance, il intègre l’agence de publicité Dentsu en tant que caméraman et réalise son premier film en 1963 : “Les enfants des cités”. Inspiré du néoréalisme italien, mouvement cinématographique qui documente le quotidien et porte son regard sur le collectif, ce film donne lieu à une série de photographies un an plus tard : Satchin, qui lui vaut son premier prix artistique. Dès lors, le photographe d’après-guerre explore les spécificités de chaque médium : Polaroïd, collage, peinture ou cinéma. Nobuyoshi Araki écume alors les bars, les boîtes de strip-tease, rencontre les geishas et les prostituées, collabore avec des revues SM et s’autorise les poses les plus suggestives (Love Hotel en 1981, My Love and Sex en 1982).
3. Métaphore du désir : lorsque les fleurs recouvrent les sexes
Portraits insouciants, nus idéalistes, imagerie bondage… il faut aussi mentionner Blue Period/Last Summer, Arakinema qui mêle trois séries d’images issues des années 1980. D’abord, un assemblage de portraits, de nus et de paysages urbains, dans lesquels s’invite une imagerie florale, métaphore du désir, de l’érotisme et du sexe féminin. Araki photographie des femmes dénudées puis dissimule leur sexe avec les plus belles fleurs. En effaçant la couleur à l’aide d’une solution chimique, Blue Period convoque un passé glacial. Ensuite, Last Summer, au contraire, injecte des teintes vermeilles aux images et propose un futur potentiel. “Last Summer est l’avenir, on y trouve un certain sentiment de résignation. Blue Period renvoie au passé, car il s’agit de la façon dont nous nous souvenons. Malgré tout, nous n’avons pas de souvenir du futur.” explique l’artiste. L’ouvrage révèle enfin des œuvres cachées du maître japonais : des projections d’images photographique intimes et provocantes sur écran géant issues de ses performances Arakinema au Palais de Tokyo en 2005.
Araki. Bondage aux éditions Taschen. Disponible.