2 mai 2025

Caroline Poggi et Jonathan Vinel, les cinéastes de l’impur exposés chez Reiffers Art Initiatives

Le cinéma “impur” de Caroline Poggi & Jonathan Vinel résiste à toute classification et à toute tonalité : l’animation 3D se mêle à la prise de vue réelle, l’absurdité à la violence ultime, le cynisme à la naïveté. Deux films inédits du duo sont présentés jusqu’au 10 mai dans “1000 milliards d’images”, l’exposition du Prix Reiffers Art Initiatives, à Paris.

  • Portrait par Jonathan Llense

    Propos recueillis par Thibaut Wychowanok.

  • L’interview des artistes Caroline Poggi et Jonathan Vinel, exposés chez Reiffers Art Initiatives

    Numéro art : Au sein de l’exposition “1000 milliards d’images” chez Reiffers Art Initiatives, vous présentez deux films : La fille qui explose et Comment ça va ? Que racontent-ils ?
    Caroline Poggi :
    Il y est question d’une certaine colère générationnelle. La fille qui explose nous invite à suivre Candice, une jeune fille qui explose (littéralement) tous les jours. C’est une sorte de journal intime qui nous livre ses pensées, son mal-être, sa solitude, sa tristesse. Elle cherche une réponse à ses douleurs. Comment ça va ? nous emmène, lui, au sein d’un groupe de femmes dans une zone un peu isolée, à l’écart du monde. Elles aussi cherchent à soigner leurs maux, en lisant des livres, en se parlant, comme dans une thérapie de groupe. Ces deux films sont pour nous une façon de mettre des mots sur des sensations, des émotions assez violentes qui pouvaient nous traverser ces dernières années et de leur donner une forme.

    Jonathan Vinel : Nous venons tous les deux du cinéma. Nous naviguons entre cinéma et art contemporain, notre manière d’écrire est vraiment hybride. Cela se retrouve dans notre montage, notre mix entre prises de vue réelles et 3D, et nos références aux jeux vidéo.

    Ces films sont à l’intersection des deux, en effet. La fille qui explose est réalisé en animation 3D mais fait aussi bien référence au cinéma de genre – body horror par exemple – qu’aux jeux vidéo. Comment ça va ? mêle quant à lui prises de vue réelles et animation 3D.  En quoi cette hybridité, ce cinéma que l’on pourrait qualifier de volontairement “impur”, caractérise-t-il vos œuvres  ?
    Jonathan Vinel : Nous nous questionnons sur ce que pourrait être un cinéma d’aujourd’hui : pour nous, il se doit d’utiliser tous les outils de notre époque actuelle. Nous venons du cinéma traditionnel et sommes amoureux du découpage, des focales, de la mise en scène en général, mais nous mettons à son service tous les outils actuels, comme les moteurs de jeux vidéo par exemple.

    Comment ça va ? évoque le film Madagascar…
    Caroline Poggi : 
    Ces personnages appartiennent tellement à tout le monde qu’ils deviennent des coquilles vides auxquelles nous pouvons injecter des pensées. De la même manière, dans La fille qui explose, le corps du personnage ressemble à un mélange de différents avatars existants que nous explosons pour recréer une forme d’hybridité, qui, pour moi, est un dialogue avec le monde contemporain.

    Cette hybridité est présente aussi dans les tonalités mêmes des films : des moments de grande innocence suivent une grande violence, le cynisme se mêle à l’humour…  
    Jonathan Vinel : Ce mélange se retrouve sur Internet et les réseaux sociaux : une vidéo de guerre va suivre une vidéo humoristique et ainsi de suite. Ce passage d’une émotion à une autre fait que tu ne sais plus comment te comporter face à ce flux d’images. C’est ce qui caractérise tous les personnages des films : ils sont extrêmement perdus, ils cherchent un point d’ancrage face à des sentiments qui les assaillent. Nous essayons de trouver une forme à nos films qui corresponde à cet état de nos personnages.

    Les films de Caroline Poggi et Jonathan Vinel sont à voir jusqu’au 10 mai 2025 dans l’exposition “1000 milliards d’images” chez Reiffers Art Initiatives, Paris 17e.