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25 juin 2025

L’architecte Bijoy Jain imagine un jeu de société géant pour le dernier défilé Louis Vuitton homme

Présenté hier soir sur le parvis du Centre Pompidou, le défilé Louis Vuitton homme printemps-été 2026 imaginé par Pharrell Williams prenait place dans une structure conçue par l’architecte indien Bijoy Jain, inspirée d’un jeu de société ancestral.

  • Par Matthieu Jacquet.

  • Pharrell Williams présente son défilé Louis Vuitton homme dans un jeu de société géant

    Le défilé de mode peut-il devenir un immense terrain de jeu ? C’est en tout cas ce que Pharrell Williams a prouvé hier soir à Paris, avec la scénographie ludique du défilé Louis Vuitton homme printemps-été 2026. Présenté sur le parvis du Centre Pompidou, l’événement a pris place dans une immense structure édifiée pour l’occasion. Seuls les invités assis sur les rangées et les gradins ont pu, en exclusivité, découvrir le contenu de ce décor éphémère : le plateau du jeu de société “Serpent et échelles”, répliqué à taille humaine grâce à l’architecte et designer indien Bijoy Jain et son équipe du Studio Mumbai.

    Un décor signé Bijoy Jain

    La règle de ce jeu ancestral est simple : face à un damier de cases numérotées de bas en haut, les joueurs jettent les dés pour faire progresser leur pion. S’ils rencontrent des échelles sur leur chemin, elles leur permettent d’avancer bien plus vite vers la ligne d’arrivée, mais s’ils croisent la route des serpents, ceux-ci les ramènent en arrière. La structure imaginée par Bijoy Jain reprend les composantes principales du plateau, soit le damier de cases contrastées et cinq serpents colorés, peints à même le sol.

    Absentes, les échelles pourraient bien être matérialisées par les deux rangées de sièges entre lesquelles un immense serpent bleu turquoise paraissait onduler. Vus du ciel, les mannequins et les invités – dont Beyoncé et Jay-Z, Bradley Cooper ou encore Spike Lee – sont ainsi devenus, pendant quelques minutes, les acteurs d’une partie imaginaire.

    Depuis son arrivée à la direction créative de Louis Vuitton homme il y a deux ans, Pharrell Williams a enchaîné les défilés marquants. À plusieurs reprises, leurs décors y ont repris le motif du damier, afin de célébrer l’histoire de la maison tout en jouant sur l’un de ses plus grands emblèmes, décliné depuis le 19e siècle sur une grande partie de ses sacs, mallettes et vêtements. En version dorée sur le Pont-Neuf en juin 2023, pour le tout premier défilé du créateur américain pour la maison, ou façon pelouse au siège de l’UNESCO l’an passé, le damier dévoile désormais, avec ce nouveau défilé, son potentiel ludique.

    L’Inde, grande source d’inspiration du défilé printemps-été 2026

    Car l’inspiration derrière cette impressionnante scénographie rejoint celle de cette nouvelle collection estivale : l’Inde. Pièces en cachemire, motif emprunté au film The Darjeeling Limited de Wes Anderson, couleurs rabattues et terreuses, tissages et teintures traditionnels… La foisonnante culture du pays le plus peuplé du monde imprégnait complètement le défilé d’hier soir, jusqu’à la réinterprétation de ce jeu ancestral issu de la philosophie hindoue, dont on remonte la création aux 2e ou 3e siècles.

    Pharrell Williams confie, dans un communiqué, avoir particulièrement apprécié la dimension spirituelle et allégorique de “Serpents et échelles“, voyant dans le jeu “une véritable métaphore des réussites, des échecs et des leçons que l’on rencontre dans une vie.” Dans la culture hindoue, l’ascension des joueurs illustre en effet le chemin pour atteindre le ciel, semé d’embûches à éviter – les serpents –, au risque que ces derniers ne les fassent chuter et reculer dans sa route vers l’élévation.

    Bijoy Jain et le Studio Mumbai : un lieu de création foisonnant

    Fort de cette curiosité pour l’Inde et ses cultures séculaires, le créateur américain s’est tourné vers l’un des plus célèbres architectes et designers du pays : Bijoy Jain. Depuis la création de son Studio Mumbai en 1995, l’homme s’est distingué par une production sensible et intemporelle, aux confins des disciplines – design, peinture, sculpture –, qui mobilise aussi bien matériaux naturels qu’artisanat traditionnel.

    Maisons construites du Chili au Japon, appartements réaménagés dans le cœur de Mumbai, pavillons éphémères présentés à Melbourne, à Milan ou encore à Venise, mais aussi sculptures en pierre, structures en bambous, assises, jarres et autres pièces de mobilier, dont certaines furent réalisées en collaboration avec la maison Hermès… La liste des projets de l’équipe est longue et incroyablement variée, comme en attestait la grande exposition que Bijoy Jain inaugurait à la Fondation Cartier fin 2023.

    Une création fidèle à la philosophie du designer

    Un événement parisien important qui, sans doute, a éveillé l’intérêt du directeur créatif de Louis Vuitton homme. Suite à son invitation, Bijoy Jain a conçu un décor faisant usage exclusivement de matériaux naturels, conformément à ses principes fondateurs, et de techniques ancestrales – son équipe, réunie dans un fascinant atelier au cœur de Mumbai, comporte aussi bien des charpentiers que des maçons et des tisserands. La structure édifiée devant le Centre Pompidou a donc été conçue entièrement en bois, lui-même teinté grâce à un revêtement d’argile avec des pigments de terre d’ombre brûlée, pour obtenir cette couleur marron sombre.

    À l’aide de cordes tendues pour la structure et de chaux pour le dessin, que le Studio Mumbai utilise abondamment, l’équipe a tracé les lignes du damier, avant de peindre par-dessus les serpents en utilisant des pigments bruts. Passionné par les principes mathématiques très anciens, parfois même antérieurs à la géométrie euclidienne, Bijoy Jain continue ainsi de démontrer avec ce projet son goût pour la géométrie, l’équilibre et l’harmonie, montrant un échantillon inédit de sa vision holistique de la création.