Artiste

Tatiana Trouvé

Née le 4 août 1968 à Cosenza (Italie), Tatiana Trouvé forge un art tangible et énigmatique. Après des études à la Villa Arson et aux Ateliers 63, elle installe des espaces-ruines, des simulations de bureau et des sculptures labyrinthiques. Désormais, elle interroge la mémoire, le temps et l’espace, à travers des installations hybrides, manifeste mental autant que physique

Tatiana Trouvé : sculptrice du temps suspendu

Depuis ses débuts, Tatiana Trouvé façonne un langage plastique à la frontière du réel et de la fiction. À travers Le Bureau d’activités implicites (1997–2007), elle transforme ses démarches administratives et objets personnels en installation mentale. Ce projet, autant autobiographique que conceptuel, détourne les signes ordinaires du travail invisible pour les inscrire dans un espace de tension silencieuse.

Puis, avec la série Polders, entamée en 2000, elle compose des maquettes d’intérieurs vides, volontairement inaccessibles. Ces architectures miniatures, à la fois précises et dérangeantes, figent le mouvement et mettent à distance notre regard.

Entre abstraction, dessin et architecture mentale

Dès 2005, Tatiana Trouvé poursuit cette exploration dans ses dessins Intranquillity. Elle y réinvente des paysages architecturaux à partir d’images altérées. Ainsi, elle construit un univers parallèle, incertain, où les repères se dérobent. Loin d’une représentation descriptive, ces dessins installent une dérive visuelle. Le connu devient flou, le familier, insaisissable.

L’installation comme expérience sensorielle

Tatiana Trouvé ne conçoit pas l’art comme une simple contemplation. Au contraire, elle imagine des œuvres à traverser, où la posture du visiteur se redéfinit. Cabanes suspendues, structures bancales, sols déformés : tout dans ses installations convoque le corps et le déséquilibre. Le spectateur ne regarde pas seulement, il s’oriente, ressent, doute.

« The Strange Life of Things » : une exposition manifeste

Présentée au Palazzo Grassi à Venise, du 6 avril 2025 au 4 janvier 2026, l’exposition The Strange Life of Things marque un tournant dans son parcours. Commissariée par Caroline Bourgeois et James Lingwood, cette rétrospective réunit ses œuvres majeures des dix dernières années. Dans l’atrium, l’installation Hors-sol recouvre le sol d’asphalte incrusté de plaques métalliques gravées. Ces surfaces gravées agissent comme des seuils imaginaires, des portes ouvertes vers des mondes invisibles. Autour, dessins, sculptures et œuvres issues de la collection Pinault forment un récit discontinu, mêlant mémoires enfouies et traces mentales.

Une artiste reconnue, discrète et décisive

Tatiana Trouvé n’éblouit pas, elle infuse. Depuis vingt-cinq ans, elle accumule les récompenses : le prix Ricard en 2001, le prix Marcel Duchamp en 2007, ou encore le prix Rosa Schapire en 2019. En 2024, le musée Kistefos la nomme sculptrice de l’année. Son parcours, ancré à Paris depuis les années 1990, passe aussi par Dakar et Haarlem. Chaque étape nourrit une œuvre pensée comme un journal fragmentaire, habité par le silence et la mémoire.

Et après ?

En 2025, Tatiana Trouvé continue d’inventer des formes à la fois absentes et persistantes. Son art, suspendu entre ce qui fut et ce qui pourrait être, défie les contours du présent. Elle compose un espace lent, poreux, hanté. Un territoire mental pour ceux qui acceptent de ne pas tout saisir.