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Le créateur nigérian Kenneth Ize signe une collection pour le label Karl Lagerfeld
Mêlant imprimés et silhouettes épurées, codes occidentaux et africains, la capsule de Kenneth Ize pour le label Karl Lagerfeld est une invitation joyeuse à célébrer la vie.
par Delphine Roche.
Après un an et demi de pandémie, tout le monde guette avec une impatience fébrile les signes d’une renaissance tant espérée. Dans tous les secteurs d’activité, la moindre parcelle de lumière, de joie, d’énergie positive est donc accueillie avec enthousiasme. C’est résolument sous ces auspices que se présente la collaboration du label Karl Largefeld avec le créateur nigérian Kenneth Ize. Sa sortie escomptée a certes été repoussée, mais finalement, pour Kenneth Ize, ce retard est une nouvelle pierre apportée à la recherche d’un timing propice aux réjouissances : “Très honnêtement, je n’étais pas déçu de ce retard imposé, car je préfère que la collection sorte à un moment où les gens commencent à apercevoir une lumière au bout du tunnel, quand nous pourrons nous revoir tous ensemble pour célébrer nos retrouvailles, précise le créateur. Je voudrais que la présentation, qui aura lieu pendant la Semaine de la couture, en juillet, soit comme ces mariages africains où tout le monde danse.”
Partageant son temps entre Lagos – ville du Nigeria récemment marquée par des affrontements très violents autour du mouvement #endSARS – et Vienne, Kenneth Ize a su puiser, dans les restrictions nées de la pandémie, une nouvelle énergie et une nouvelle façon de travailler. C’est avec ce plaisir toujours intact de concevoir des collections, et avec le vif désir de revenir à Paris présenter son travail, que le créateur s’est penché sur l’ADN de la marque Karl Lagerfeld. Comme une façon, aussi, de rendre hommage à l’esprit du grand couturier disparu. “Je voulais que Karl Lagerfeld soit présent dans cette collection, il devait être à la source de tout. J’ai pensé notamment à sa passion du blanc et du noir. La question, ensuite, était juste de trouver comment apporter ma propre culture et mon identité dans une marque aussi enracinée dans les contrastes purs de noir et de blanc.”
À une époque où les débats sur l’appropriation culturelle font rage, la collaboration de Kenneth Ize avec Karl Lagerfeld démontre par l’exemple que le dialogue des cultures peut se faire de façon respectueuse, sur un pied d’égalité. Le résultat n’en est que plus probant. “Je souhaitais exprimer mon amour de la culture visuelle africaine”, explique Kenneth Ize. Qu’il s’agisse des superbes chemises aux coupes 70, des pantalons trompette, des imprimés inspirés des motifs girafe ou zèbre, retravaillés de façon épurée et graphique, des très beaux cotons rayés multicolores ou encore du clash maîtrisé de couleurs primaires (bleu cobalt et jaune canari), la collection se lit comme un parfait mix d’influences occidentales et africaines. Le tout au service non pas d’un discours, mais bien d’une très belle proposition de mode. “J’aurais voulu faire une collection plus étoffée encore, mais puisqu’il s’agissait de délivrer un nombre limité de pièces, j’ai travaillé sur la cohérence et sur l’efficacité. Il fallait qu’une silhouette raconte une histoire entière. Je suis surtout très heureux de la fabrication des pièces et de la qualité des matières”, précise encore Kenneth Ize. Comme dans les collections qu’il présente sous son propre nom, et qui ont déjà reçu un accueil enthousiaste lors des Fashion Weeks parisiennes, les silhouettes féminines et masculines se répondent souvent de façon symétrique. À rebours des représentations genrées éculées, la collaboration du créateur avec Karl Lagerfeld dessine un bel horizon pour le fameux “monde d’après” que l’ensemble de la planète appelle de ses vœux.