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Prix LVMH 2025 : Soshi Otsuki, le créateur qui rêve de transformer la mode masculine, lauréat du Grand Prix
Entre héritage japonais et rigueur sartoriale, le designer Soshi Otsuki bouscule les codes du costume masculin. Grand gagnant du Prix LVMH 2025, son label Soshiotsuki redonne au tailoring une aura sophistiquée, entre silhouettes fluides, détails raffinés et élégance assumée. Rencontre.
propos recueillis par Nathan Merchadier.
Publié le 3 septembre 2025. Modifié le 4 septembre 2025.

Soshiotsuki, grand gagnant du prix LVMH 2025
Réinventer la mode masculine : c’est le pari audacieux du designer japonais Soshi Otsuki, 35 ans, originaire de Chiba. Formé au Bunka Fashion College puis à la prestigieuse école de mode Coconogacco, il développe dès ses débuts une double approche (technique et poétique) qui nourrit l’ADN de son label Soshiotsuki, fondé en 2015. Son ambition ? Redonner au costume un souffle de sophistication, loin de la simple fonctionnalité à laquelle il est parfois (injustement) réduite chez l’homme.
Ses créations évoquent l’élégance italienne des années 1980, façonnée par Giorgio Armani, l’un de ses designers fétiche, mais aussi un certain héritage théâtral japonais, conjuguant coupes amples et silhouettes fluides. Admirateur du travail affûté d’Hedi Slimane, il se trace pourtant une voie singulière, ponctuant ses vestes de détails raffinés (boutonnages croisés, cravates fines), qui font de chaque pièce un manifeste discret d’élégance et d’audace.
Lauréat du Tokyo New Designer Award en 2019, le créateur s’impose aujourd’hui sur la scène internationale. Comme en témoigne sa consécration en tant que lauréat du Grand Prix LVMH 2025, décerné ce mercredi 3 septembre, il incarne une nouvelle génération de designers capables de bousculer la silhouette masculine, sans pour autant trahir l’exigence du tailoring. Rencontre avec un perfectionniste qui veut changer l’allure des hommes.

L’interview de Soshi Otsuki, lauréat du prix LVMH 2025
Numéro : Quel est votre premier souvenir lié à la mode ?
Soshi Otsuki : À l’âge de quinze ans, j’ai découvert les défilés Dior Homme sur YouTube. Jusque-là, la mode n’existait dans mon esprit que comme une question d’élégance vestimentaire. À cet instant, ma perspective a changé : j’ai réalisé que la mode pouvait également être une forme d’art.
Devenir créateur, était-ce un rêve d’enfant ?
Pas du tout. Quand j’étais enfant, ma grand-mère souhaitait que j’aille à l’Académie nationale de défense, alors j’ai naturellement supposé que je rejoindrais les forces d’autodéfense. Ce n’est qu’au lycée, lorsque j’ai découvert la mode, que l’idée de devenir créateur a commencé à germer dans mon esprit. Ayant grandi dans une ville regorgeant de boutiques vintage, je portais beaucoup de vêtements de seconde main. Mais lorsque j’ai commencé à regarder les défilés de la Fashion Week de Paris, je me suis dit que j’allais créer une marque qui pourrait être présentée sur cette scène.
Vous êtes diplômé du Bunka Fashion College de Tokyo. Que retenez-vous de cette formation ?
Au Bunka Fashion College, la discipline régnait presque comme à l’armée. Chaque journée commençait et se terminait par des salutations, et nous respections des horaires stricts. Jusqu’alors, je ne m’étais jamais vraiment consacré à quoi que ce soit, mais pendant ma deuxième année, j’ai suivi le programme avec une assiduité parfaite, ce qui a révélé une nouvelle facette de ma personnalité.
“Giorgio Armani a provoqué une transformation radicale dans l’histoire du prêt-à-porter masculin.” Soshi Otsuki
Y-a-t-il des créateurs ou des créatrices dont le travail vous inspire particulièrement ?
Il y en a beaucoup, mais je citerai surtout Giorgio Armani, Yohji Yamamoto, Rei Kawakubo et Hedi Slimane. Monsieur Armani, en particulier, a provoqué une transformation radicale dans l’histoire du prêt-à-porter masculin. Je m’efforce d’être un pionnier dans le domaine du costume, tout comme lui.
Comment définiriez-vous votre label Soshiotsuki, en quelques mots ?
La “tradition japonaise”. La plupart des gens pensent immédiatement au kimono, mais pour Soshiotsuki, il s’agit davantage des caractéristiques nationales, telles que l’uniformité et la discipline, de la manière dont ces valeurs ont façonné la société et m’ont influencé. C’est ce que j’essaie d’exprimer à travers mes créations.
Quelle réflexion a guidé la création de votre collection printemps-été 2025 ?
Depuis le rebranding de Soshiotsuki au printemps-été 2025, chaque saison commence par un thème ou un objectif clair. La saison suivante s’ajoute alors à la précédente, comme si l’on construisait sur des fondations. Le titre est “The Shape Itself”. L’atmosphère des années 1980 dont elle est inspirée rappelle celle des défilés Armani et celle des Japonais qui importaient et portaient ces costumes à l’époque.
“La mission de Soshiotsuki est de changer le monde à partir de la perspective des costumes.” Soshi Otsuki
Que signifie pour vous le fait d’être finaliste du prix LVMH 2025 ?
Cela signifie que les idées que j’ai développées ont été reconnues dans un contexte mondialement respecté. J’ai l’impression d’avoir pu mettre un pied dans l’histoire de la mode.
Comment souhaitez-vous développer votre marque à l’avenir ?
La mission de Soshiotsuki est de changer le monde à partir de la perspective des costumes, tout comme Armani a autrefois adouci le costume pour le monde entier. Mon objectif est que le style de Soshiotsuki s’impose et soit reconnu comme une tradition japonaise unique.