2 déc 2025

Performative male, Tradwife… Les mots qui ont marqué la pop culture en 2025

Après les tendances Brat et Demure qui ont régné sur les réseaux sociaux en 2024, l’année 2025 a regorgé de mots devenus des expressions fétiches de la Gen Z. Alors que l’on passera bientôt en 2026, Numéro revient sur cinq locutions qui ont marqué la culture pop ces derniers mois, de Performative male à Baddie en passant par Tradwife.

  • par Violaine Schütz

    et Jordan Bako.

  • Publié le 2 décembre 2025. Modifié le 10 décembre 2025.

    Performative male, ou quand les hommes faussement déconstruits s’emparent de la rue

    Apparue en 2025 sur les réseaux sociaux, TikTok en tête, et relayée par plusieurs médias sérieux (The Guardian, The New York Times), l’expression performative male (ou “homme performatif”) sert à qualifier un homme en apparence déconstruit, mais qui, en réalité, simulerait cette déconstruction sans forcément avoir de réelles valeurs progressistes ou féministes. Comme un acteur qui jouerait un rôle…

    À l’opposé d’une virilité cliché, cet homme porte des sacs à la main ou à l’épaule (comme Jacob Elordi), se balade en écouteurs filaires (avec les tubes de Lana Del Rey et Clairo dans leurs oreilles), boit du matcha latte, accroche un Labubu à son sac et lit (en évidence) un ouvrage de bell hooks, Mona Chollet, de Sally Rooney ou de Virginie Despentes. On le reconnaît aussi à ses ongles vernis et à ses tote bags (notamment arborés par Harry Styles). Des célébrités comme Pedro Pascal, Timothée Chalamet et Paul Mescal ont été affiliés au mouvement pour leur allure éloignée d’une masculinité toxique, assumant une part de féminité.

    Mais cette apparence branchée et douce serait en fait destinée à séduire la gent féminine. L’engagement devient alors un outil de séduction. Ces hommes sont soupçonnés de soigner leur allure de manière à les rendre plus attractifs aux yeux des autres. Si l’intention est tout sauf louable, l’archétype du performative male a tout de même beaucoup fait sourire en 2025. Le phénomène a pris tellement de place que des concours pour distinguer l’homme en apparence le plus déconstruit ont eu lieu un peu partout dans le monde. Et les déguisements étaient hilarants…

    Tradwife, l’idéal problématique de la femme au foyer

    Le mouvement tradwife (abréviation de traditional wife), qui célèbre le retour de la figure de la femme au foyer entièrement dédiée à son mari et à ses enfants, ne date hélas pas d’hier. Le rôle d’épouse traditionnelle est revendiqué dès les années 2010 dans les pays anglo-saxons comme un comeback à des valeurs éculées et anti-féministes. Mais en 2025, le mot était partout dans la pop culture.

    En effet, on a appris qu’Anne Hathaway jouerait une influenceuse Tradwife américaine propulsée en 1805 dans le film Yesteryear (prévu pour 2026). Elle verra alors le lifestyle rustique qu’elle prônait sur les réseaux sociaux devenir une réalité bien moins séduisante. Côté petit écran, la saison 2 de la série Gen V n’a pas hésité à blaguer sur la mouvance des « tradwifes ».

    Pendant ce temps, Nara Smith, une mannequin et influenceuse allemande d’origine sud-africaine, installée aux États-Unis, continue de poster sur ses réseaux sociaux de courtes vidéos de recettes de cuisine en parlant d’une voix douce et en portant des vêtements de créateurs aux airs rétro. Autant d’images qui font l’apologie de la parfaite femme au foyer. Et son créneau fonctionne puisqu’elle est l’une des dernières égéries du label branché Reformation.

    Plus dérangeant, la chanteuse Jessie Murph a fait polémique avec sa chanson 1965 partagée en juillet 2025. Elle y déclamait : “Je veux que tu m’aimes comme si on était en 1965, je pense que j’abandonnerais quelques droits si tu m’aimais comme si on était en 1965.” La jeune artiste n’hésite pas à glorifier une vision rétrograde de la femme à grand renfort de vêtements de pin-up vintage et de propos problématiques (“La cigarette est recommandée et la place de la femme est à la cuisine”).

    Industry plant, l’étiquette qui colle aux artistes féminines

    L’expression Industry plant s’est popularisée dans les années 2010 dans le milieu du hip-hop. Puis des personnes l’ont utilisée pour critiquer des artistes telles que Clairo ou Billie Eilish. Ces deux mots désignent des chanteurs “propulsés par le marketing”, dont la popularité serait due à d’autres raisons que leur talent. Ils seraient donc là grâce au népotisme ou à leur réseau, et leur progression n’aurait rien d’organique. Ces “mauvaises graines” se présenteraient comme indépendantes et autodidactes. Mais elles auraient surtout germé dans l’esprit des cadors des majors.

    Parmi les artistes ayant été qualifiés de la sorte, on retrouve souvent des femmes, de Lana Del Rey à Olivia Rodrigo en passant par Gayle et le groupe The Last Dinner Party. De quoi laisser penser qu’elle est souvent teintée de misogynie. Elle est d’autant plus inappropriée lorsqu’elle s’attaque à des artistes comme Chappell Roan, qui sont en fait dans l’industrie de la musique depuis un long moment et qui ont beaucoup travaillé pour en arriver là.

    En 2025, la chanteuse Miki décide d’intituler son album Industry plant comme un pied de nez à l’utilisation disproportionnée du terme péjoratif contre les artistes féminines. Elle retourne alors le stigmate en répondant aux critiques formulées par quelques internautes… Elle explique à ce sujet dans les colonnes de Numéro : “Ce titre m’a paru évident. Celui-ci me permettait de m’exprimer enfin sur un sujet que je n’avais jamais vraiment évoqué. Et j’essaie d’en parler de la façon la plus subtile et la plus posée possible.

    Elle précise : “L’idée m’est venue lorsque, pour mon anniversaire, ma meilleure amie m’avait offert un tee-shirt avec écrit “Mommy’s little industry plant”. Je l’ai porté pendant la soirée et j’ai posté une photo de moi avec sur Instagram. Les réactions ont été énormes, presque comme si j’avais sorti un morceau. Je me suis dit que c’était sans doute la meilleure manière de réagir : ne rien expliquer, simplement assumer l’étiquette qu’on me colle, et laisser chacun en faire ce qu’il veut.« 

    Baddie ou Boss Lady, la nouvelle Bad b**ch

    Après le mot Pookie, la charismatique et inventive Aya Nakamura a aidé populariser le mot Baddie en 2025 grâce à son tube Baddies. Les paroles ? “Des attitudes de baddies (des attitudes de baddies, ah-ah) / Ça te dérange? Tu m’as pas dit (ça te dérange? Tu m’as pas dit, ah-ah) / Je le contrôle, Jacques a dit (je le contrôle, Jacques a dit, ah-ah) / C’est normal, j’suis sa gadji (mais c’est normal, j’suis sa gadji, ah-ah).”

    Si bad signifie mauvais en anglais, la baddie (qui vient de l’argot afro-américain) n’est pas une personne méchante, mais une femme belle, lookée et sûre d’elle, qui s’assume et ose dire ce qu’elle pense. Un terme qui définit parfaitement la star française mais aussi la rappeuse Ice Spice, qui a nommé l’un de ses titres de 2025 Baddie Baddie, qui s’accompagne d’un clip tourné en Fashion Week.

    De quoi propulser l’expression, apparue depuis quelques années déjà (elle était même déjà présente dans les années 2010), au sommet des locutions tendance. On peut rapprocher la Baddie de la Boss Lady, cette femme entreprenante et stylée propulsée par la rappeuse franco-congolaise. Théodora. Son ancêtre ? La figure de la badass et charismatique Bad b**ch qui inonde de sa puissance et de son sex-appeal le hip-hop des années 90 et 2000.

    Khia ou la résurrection des chanteuses oubliées

    À l’origine, Khia est la rappeuse des années 2000 derrière le tube My Neck, My Back (2002). Si ses autres titres sont tombés depuis dans l’oubli, le nom de l’artiste est resté dans les mémoires, notamment grâce à des tweets de fans de Nicki Minaj datant de 2014 dans lesquels ils se moquent de cette artiste démodée. Dans la bouche des Barbz (les amateurs de Nicki Minaj), le mot Khia devient synonyme de “succès sans lendemain” sur la toile.

    Selon le média américain The Cut, le mot Khia a connu une résurgence en 2024 mais il continue d’hanter X (ex-Twitter) en 2025. Qui peut-on considérer comme une Khia ? Qui n’en est pas une ? Le débat fait rage au sein des réseaux sociaux, où bien des internautes passent au crible les carrières relativement infructueuses des artistes musicaux.

    C’est par exemple le cas pour Katy Perry, qui a beaucoup fait parler d’elle grâce à sa tournée en 2025 après un long passage à vide. Quant à Lily Allen, elle a fait un retour fracassant avec un nouvel album cette année alors qu’elle était considérée comme has been. Notez que le terme “Khia” prend pour cible davantage les femmes que les hommes, exposant les femmes de l’industrie musicale aux ravages d’Internet…