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Météor, des bijoux entre métal brut et pierres éclatantes
Rencontre avec Paul Alvernhe, créateur des bijoux Météor. Amoureux des pierres précieuses, qu’il fond dans le métal, l’artiste joaillier dévoile des pièces à la fois rugueuses, effrontées et lumineuses chargées d’une symbolique forte. Numéro a eu la chance de recueillir ses confidences, celles d’un créateur au franc-parler assumé.
propos recueillis par Louise Menard.

Une joaillerie symbolique et brute
Né au sein d’une grande fratrie issue de la “bourgeoisie provinciale”, selon ses propres termes, le créateur de joaillerie Paul Avernhe ressent très tôt un profond désir d’ailleurs. Après des études de droit, il s’installe à Paris où il se tourne vers le commerce de l’art contemporain, puis vers l’histoire de l’art du 19e siècle.
D’abord familier de la toile – lui qui a pratiqué la peinture pendant des années – il est confronté au bijou chez Drouot, où il travaille un temps. Là, il découvre fasciné la matière, le métal et surtout les pierres. La suite se fait donc assez naturellement : Paul Alvernhe passe son diplôme de gemmologue et commence un long travail d’observation auprès d’artisans-bijoutiers rencontrés au hasard. Finalement, l’artiste se lancera seul, empruntant une voie hors des sentiers battus, qu’il considère comme profondément cathartique.
Sa passion pour la métaphysqiue et le cosmos s’exprime à travers des bagues rocailleuses, sculpturales, volumineuses et punk, ponctuées de pierres précieuses éparses. Des bijoux qui prennent forme grâce à la technique ancestrale de la cire perdue – vieille de 6 000 ans – consistant à sculpter un modèle en 3D avant de le couler dans le métal. “Je me suis longtemps cherché”, confie-t-il avant de nous quitter. Indisciplinée, instinctive et libre : telle est la joaillerie de Paul Alvernhe.

Interview de Paul Alvernhe
Numéro : Comment vos proches vous décriraient-ils ?
Paul Alvernhe : J’ai tendance à me définir comme un artiste contemporain, indépendamment du bijou, en raison de la manière dont j’interagis avec le monde qui m’entoure. Je pense que mes proches diraient ça. Ils diraient peut-être aussi que j’ai une grande gueule… et sans doute que je suis un peu buté [rires].
Quels sont les premiers bijoux que vous avez réalisé ?
Mes premiers bijoux étaient tout plats. Je faisais des bagues de deux ou trois millimètres d’épaisseur parce que je pense que comme j’avais fait de la peinture pendant dix ans, au début de ma pratique de la joaillerie, je n’appréhendais pas du tout la profondeur. Puis au fil du temps, quelque chose s’est débloqué. Une approche plus sculpturale, que je n’avais pas dans la peinture s’est soudainement exprimée, comme libérée.
La musique, cœur battant du processus créatif
Quelles sont vos inspirations ?
D’abord, l’impulsion créative vient du fait que je ne trouve jamais quelque chose qui me satisfasse pleinement dans ce qui existe et ce pas seulement dans l’univers de la joaillerie. Alors, si je ne trouve pas ce qui me plaît, je le fais moi-même, tout simplement. En ce qui concerne l’inspiration, je dirais que 70 % de mon travail est une retranscription de la musique que j’écoute.
Il faut savoir que je suis un pur produit de la musique électronique. Depuis toujours, je n’ai quasiment écouté que ça. Ce qui m’a vraiment marqué, c’est l’émergence et la naissance du mouvement trip hop avec Portishead et Morcheeba notamment. J’ai un rapport obsessionnel à la musique. Et, pour aller encore plus loin, je pense qu’il y a des moments où mon geste prolonge littéralement le son que j’entends. J’aime aussi beaucoup la musique classique, l’opéra.


Météor ou le bijou inaltérable et éternel
Pourquoi avoir choisi cette pratique ?
Avec le bijou, il y a une part d’irrationnalité dans le rapport à l’objet qui me plaît. On peut très bien vivre sans, mais en même temps, on lui accorde une dimension indispensable parce qu’effectivement, les bijoux sont aussi des vecteurs de notre histoire et de notre mémoire. C’est précisément ce qui me touche dans le bijou : il incarne le parangon de l’inutilité matérielle, tout en représentant selon moi l’essencialité de l’existence. Les bijoux se transmettent, peuvent être refondus, et les pierres, elles, demeurent. Ce qui me touche profondément, c’est cette forme d’immuabilité propre à l’objet.
Vous travaillez beaucoup avec les pierres, que représentent-elles pour vous ?
En toute transparence, les pierres sont pour moi avant tout de petites choses qui brillent [rires]. Je ne crois pas du tout à leur pouvoir mystique. En revanche, je crois à la mystique des objets, celle qu’ils peuvent susciter et engendrer avec leur possesseur ou leur observateur.

Un futur tourné vers la sculpture, l’abstraction, la performance
Quels sont vos futurs projets ?
À court terme, j’ai l’intention d’organiser des expositions, d’essayer de scénographier mes bijoux et de concevoir des performances hybrides. Et à moyen et long terme, je ne me refuse rien. C’est vrai qu’aujourd’hui je suis à l’aise dans le médium de la joaillerie, donc je n’ai aucune raison de changer, mais j’aimerais tendre vers une pratique à plus grande échelle. Éventuellement amener ma création vers un aspect plus sculptural et moins fonctionnel, en privilégiant la dimension intellectuelle de mon art.
Si vous deviez inviter trois personnes à dîner, qui seraient-elles ?
Comme ça, de but en blanc, je pense que j’essaierais de voir trois personnes qui sont chacune liée à un pan de mon existence. J’aimerias voir Frédéric Boucheron ou Louis Cartier. Peut-être que je voudrais rencontrer un de mes aïeuls. Et puis quelqu’un avec qui j’ai plus d’affinités sur le plan philosophique. Un personnage du 19e siècle. Sûrement un peintre ou un écrivain, comme Charles Baudelaire…
Les bijoux Météor sont disponibles chez Dover Street Market Paris, 35-37 rue des Francs Bourgeois, Paris 4e, et sur meteor-jewels.com.
