Qui est Fousheé, l’artiste R’n’B adoubée par TikTok, James Blake et Childish Gambino ?
En 2020, la chanteuse new-yorkaise Fousheé a été l’une des artistes que l’on a eu le plaisir de découvrir autour de nuits blanches sur TikTok. Quatre ans après, ce 13 septembre 2024, elle défend Pointy Heights, son second album studio dévoilé après mille et une vies musicales. Retour sur l’ascension à toute allure de cette artiste.
par Lucas Aubry.
et Jordan Bako.
Pendant le confinement, Fousheé a conquis la toile
En 2020, les millions d’utilisateurs du réseau social TikTok ont eu un coup de cœur pour la voix soul et vibrante de Fousheé… Sans savoir de qui il s’agissait. Quelques mois plus tôt, la chanteuse new-yorkaise avait posté sur une plateforme musicale collaborative un sample du morceau Deep End, qui n’était alors qu’une ébauche. Sans la mentionner, le rappeur originaire de Brooklyn Sleepy Hallow s’en était emparé pour créer un freestyle qui a enflammé le réseau social préféré des jeunes pendant quelques mois (certains seront peut-être surpris de le voir resurgir de temps).
Alertée du phénomène par un ami, Fousheé décide de se réapproprier son œuvre en postant des commentaires au-dessous des posts TikTok qui utilisaient son sample. Retravaillée, la version originale de Deep End devient virale à son tour. Un prologue idéal pour ce morceau, qui évoque justement la nécessité pour les femmes noires de s’affirmer et de prendre la place qui leur est due au sein de la société américaine, dans un discours d’empowerment devenu incontournable chez les chanteuses pop du XXIe siècle. “Il est important d’occuper tous les espaces offerts aux femmes noires, même si notre reconnaissance va prendre du temps, il faut continuer à se battre” nous raconte Fousheé, également investie dans le mouvement Black Lives Matter.
“Sur ce morceau, je voulais aussi essayer de faire passer mon message avec légèreté, et ça a marché, car ce ne sont pas seulement des femmes noires qui s’y sont intéressées” précise Fousheé, que l’on observe alors dans le clip se battre avec un drôle d’agresseur lors de scènes plus loufoques que violentes. Un hommage au Kill Bill (2003) de Tarantino revendiqué par la chanteuse, qui semble aussi tout droit sorti des films de la blaxploitation des années 70 – qui offraient aux afro-américains des rôles de premier rang dans une esthétique très série B.
Du mythique Café Wha à la signature en major
Bercée par le hip-hop, le blues et les tubes de Bob Marley, la chanteuse d’origine jamaïcaine fait entendre sa voix depuis l’âge de 16 ans. C’est dans l’atmosphère fiévreuse du Café Wha – établissement new-yorkais niché dans le quartier branché de Greenwich Village, qui a vu débuter Bob Dylan, Jimi Hendrix, Bruce Springsteen, Kool & the Gang ou les humoristes Richard Pryor et Bill Cosby – que Fousheé a fait ses premiers pas lors de scènes ouvertes. “Là-bas il y a des amateurs pointus de soul, de jazz, tu peux te faire huer si tu n’es pas à la hauteur, ça m’a poussé à donner le meilleur de moi-même, entourée de musiciens talentueux alors que je n’étais qu’un jeune poisson essayant de nager dans le grand bain” se souvient Fousheé.
Sa voix plaintive, que Fousheé utilise “comme une arme” a aussi résonné sur les plateaux de l’émission de The Voice, où la chanteuse a fait sensation avec une reprise de Redbone de Childish Gambino (avec lequel elle collaborera en 2024 sur le titre de Running Around). Un autre fragment du passé de Fousheé resurgit également aujourd’hui avec sa notoriété naissante : publié en mai 2019, le morceau Stay Home évoque de manière troublante le quotidien morne et douillet des confinements successifs auxquels la crise sanitaire nous a obligés en 2020, et son clip a connu une second souffle sur YouTube ces derniers mois. De quoi convaincre la prestigieuse maison de disques RCA Records (ASAP Rocky, Miley Cyrus, H.E.R., WizKid, Kaytranada…) de signer l’artiste de 29 ans.
Quelques semaines après le morceau planant Single AF, qui démontre une étendue vocale digne d’Alicia Keys, Fousheé a travaille à la création de son premier album. “Je suis super excitée à l’idée de travailler en studio avec des artistes comme James Blake, je suis comme une enfant dans un magasin de bonbons” confie la chanteuse – qui a dû apprendre trouver l’équilibre entre la patience créatrice et l’urgence de transformer un phénomène viral en carrière étincelante.
Laylow, une parenthèse punk et un second album Pointy Heights
Ce premier album mettra encore quelques années à voir le jour. Après l’explosion sur TikTok, Fousheé poursuit son ascension en s’entourant des grands noms du genre. La chanteuse se hisse parmi une lignée d’artistes qui hybrident les notes éplorées du R’n’B, en les imprégnant de tonalités indie. Elle est d’ailleurs souvent comparée à Willow Smith ou Blood Orange pour ne citer que quelques noms.
L’artiste enchaîne les featurings aux côtés de Steve Lacy et Ravyn Lenae, sans oublier une excursion transatlantique dans le rap de Nekfeu et de Laylow. Et en 2022, Fousheé dévoile enfin softCORE, son premier album. Si on pourrait s’attendre à retrouver ses mélodies soul signature pour cet enregistrement liminaire, la chanteuse nous a montré qu’elle avait plus d’une corde à son arc. Elle psalmodie ses cris du cœur en les imprégnant de sonorités punk, teintant l’album d’une colorimétrie noire d’encre, sans jamais totalement perdre des yeux sa soul originelle.
Enfin, avec Pointy Heights, son second album sorti ce 13 septembre 2024, Fousheé confirme sa personnalité caméléon. Elle renoue avec les débuts de sa carrière en s’affranchissant de l’attitude punk défendue dans softCORE, cette fois-ci en empruntant à ses origines caribéennes. En effet, Pointy Heights est le nom de la parcelle de terre dont son grand-père est le propriétaire en Jamaïque, lieu de tournage du premier clip de l’album intitulé still around. Bref, il ne faudra pas rater la chanteuse lors de son concert aux Étoiles, à Paris, le 4 octobre prochain.
Pointy Heights (2024) de Fousheé, disponible. En concert aux Étoiles, à Paris, le 4 octobre 2024.