Les confessions d’Anitta, la superstar brésilienne qui a séduit Madonna et Cardi B
Ultra influente, Anitta est à la fois la plus grande pop star du Brésil mais aussi l’une des personnalités les plus politiques de son pays. Cette chanteuse de 31 ans ultra sexy a collaboré avec Madonna, Snoop Dogg, Sam Smith et Cardi B, fait l’objet de deux séries sur Netflix et a critiqué ouvertement Bolsonaro. Alors qu’elle sort son nouvel album, Funk Generation, retour sur notre interview avec cette attachante et engagée Beyoncé brésilienne.
propos recueillis par Violaine Schütz.
Pour ceux qui, malgré la campagne électorale de La Cicciolina et le détour par la Maison- Blanche de Kim Kardashian, doutent encore du pouvoir des bimbos, la chanteuse Anitta devrait remettre les pendules à l’heure. Dans ses nombreux clips (plus de soixante au compteur) comme sur scène, elle aime s’afficher en bikini dans la neige à Aspen (la vidéo de son single Loco) ou au milieu d’une favela brésilienne.
Anitta, la chanteuse brésilienne la plus influente de son pays
Sauf que sa plastique de bombe latine ne doit pas cacher son importance politique. Celle que l’on surnomme la “Beyoncé brésilienne” bat tous les records dans son pays et, depuis peu, au-delà des frontières. Pour ne citer que quelques chiffres, Anitta est suivie par 65 millions de personnes sur Instagram. Ses clips cumulent des milliards de vues et c’est la première Brésilienne à avoir hissé une chanson dans le top 20 de Spotify. Pas étonnant donc qu’en 2020, un sondage publié par le journal O Globo clamait qu’Anitta était la troisième personnalité politique la plus influente du Brésil. Ses fans aimeraient même qu’elle devienne la prochaine présidente. Mais la chanteuse n’a que 31 ans et devra attendre 35 ans si elle veut se présenter…
Une reconversion qui ne semble pas tout à fait délirante car Anitta est une femme de combats. L’un de ses plus récents ? Redéfinir l’image de la Brésilienne avec son tout nouveau tube aux sonorités R’n’B : Girl From Rio. Via Zoom, Anitta, qui arbore un polo Louis Vuitton (sa marque préférée, nous glisse-t-elle) monogrammé et coloré ainsi qu’un brushing parfait nous confie : “C’est une chanson produite par Stargate, un super duo de producteurs qui ont travaillé avec Coldplay et Rihanna. Ils sont venus au studio avec l’idée de mettre un sample du grand classique The Girl From Ipanema au début du titre. Ils avaient peur que je trouve ça trop évident. Mais au contraire, j’ai pensé que c’était parfait. Je pouvais amener ma perspective sur ce qu’est le Brésil et l’ADN de Rio de Janeiro. Les gens sont de nouveau intéressés par la musique brésilienne. Ça n’était pas arrivé depuis longtemps. On entendait surtout parler de footballeurs et de mannequins venant de chez nous. Et on a souvent une vision très touristique de Rio. »
Bien décidée à combattre les préjugés, Anitta poursuit : « Je parle dans ce morceau de ma culture, de ma vie et de mon point de vue sur les filles de là-bas. On a l’image de filles hot avec des formes mais il n’y a pas que des femmes qui ressemblent à des top models. Je voulais mettre l’accent sur l’énergie qui règne ici. On se sent bien dans son corps, quelles que soient nos mensurations. Sur Instagram, pour annoncer le single, j’ai posté plusieurs photos légendées de “girls from Rio” qui sont toutes belles à leur manière et très différentes. Une chanteuse new wave, des actrices, une député, une sociologue… »
Le son des favelas
Si Anitta sait mettre en valeur les autres, quel que soit leur background, c’est peut-être parce qu’elle reste attachée à ses racines. La pop star est une self made woman qui n’est pas née avec une cuillère d’argent dans la bouche. Larissa de Macedo Machado (son vrai nom) a vu le jour en 1993 à Rio de Janeiro, dans le quartier populaire d’Honório Gurgel. “Ma rue est pas considérée comme appartenant à une favela, mais la rue juste à côté l’est.” Élevée par une mère célibataire au sein d’une famille de classe moyenne, la petite Larissa sait très vite ce qu’elle veut : voir bien plus loin que les bidonvilles. “Depuis que je suis enfant, j’ai toujours dit à ma famille que je serai une chanteuse très connue plus tard, se souvient Anitta. Ils étaient un peu embarrassés car ils avaient peur que je le prenne mal et que je devienne trop frustrée si ça ne marchait pas pour moi. Ils ne voulaient pas me décevoir en m’expliquant que c’était impossible mais je sentais bien leur inquiétude. Ils m’ont toujours apporté leur soutien. Mon frère travaille d’ailleurs pour moi aujourd’hui.”
À 8 ans seulement, Larissa chantait dans la chorale de l’église Santa Luzia de Rio. Une des toutes premières vidéos où on la voit performer, ado, la montre dans une robe à fleurs, un déodorant à la main en guise de micro. On devine déjà à son charisme et son large sourire que la jeune fille deviendra une star. À 18 ans, Anitta suit des études en administration, mais son apparition lors d’une émission de télévision de baile funk va lui ouvrir d’autres portes. La chanteuse se lance dans la musique en 2010 (et signe un contrat avec Warner en 2013) en mixant les influences : pop, reggaeton et surtout, baile funk. Le baile funk ou funk carioca c’est cette musique électronique addictive qu’on entend dans les favelas et les clubs brésiliens. Souvent accusé de glorifier la violence, ce genre agressif et sexuel se pare d’un parfum de souffre avec ses paroles mettant en scène des d’armes à feu, des histoires de gangs et de drogues. Sur ses réseaux sociaux, la star écrit : « Le funk fait partie de la culture de ceux qui vivent dans les favelas brésiliennes, d’où je viens. Il a été jugé sans valeur et même associé au crime organisé. Un reflet des préjugés de classe et du racisme qui hantent notre société. » Anitta, qui apprécie les revendications sociales souvent associées au baile funk, y ajoute sa touche : évoquer l’amour et la confiance en soi.
« Gommer la cellulite dans la vraie vie, ça signifierait que je devrais me mettre au régime ou aller faire du sport tous les jours, ce que je déteste. » Anitta
Une formule imparable surtout quand on y ajoute le sens des affaires d‘Anitta. Parlant portugais, anglais et espagnol (elle a même appris l’an dernier un peu de français), elle s’impose de plus en plus dans son pays comme à l’international. Anitta pense à tout (image, clips, streaming, etc). Elle étudie seule le marché pop international pour essayer de faire les choses différemment et trouver sa propre voie. Elle ne se considère pas comme la meilleure chanteuse ou la meilleure danseuse mais met en lumière sa grande force de travail. “Au Brésil, je suis mon propre manager, avoue-t-elle, même si une super équipe m’accompagne. Je manage aussi d’autres artistes ici mais sans le rendre public.” Et on peut faire confiance au flair de la chanteuse.
Dans le clip de sa chanson Vai Malandra, devenue un hymne body positive, ses fesses déambulent en gros plan sans rien cacher de sa cellulite. Elle nous raconte à ce sujet : “Gommer la cellulite dans la vraie vie, ça signifierait que je devrais me mettre au régime ou aller faire du sport tous les jours, ce que je déteste. Pour la scène où on voit déambuler mes fesses et ma cellulite, quand on m’a dit le budget qu’il fallait pour traiter l’image et l’enlever, j’ai refusé. Il n’y avait pas moyen que je dépense autant pour supprimer ma cellulite dans une vidéo alors que c’est quelque chose que les gens voient en concert ou si un paparazzi prend une photo de moi à la plage. Le réalisateur a proposé qu’on enlève alors carrément la scène entière. Mais je ne voulais pas car j’adore cette image. J’ai dit : on la garde, je vais l’aimer et l’assumer cette cellulite.”
Une pop star à Harvard
Aujourd’hui, Anitta, qui vient de sortir son album Funk Generation, n’a pas grand chose à prouver au Brésil où elle est perçue comme un trésor national. Elle donne des conférences sur son parcours notamment à Harvard. Ses quatre albums ont rencontré le succès et presque tous ses singles ont grimpé tout en haut des charts au Brésil. Elle a exporté depuis quelques années sa musique à l’international et collaboré avec de multiples artistes comme Madonna, Cardi B, Sam Smith, Snoop Dogg, Maluma, J Balvin, DJ Snake, Major Lazer ou encore Caetano Veloso.
Neymar a aussi craqué pour elle comme en témoignent plusieurs vidéos lascives du duo apparues sur les réseaux sociaux. Et Netflix lui a consacré deux docu-séries. On y apprend qu’elle a forgé le personnage d’Anitta, une femme puissante et décomplexée pour dépasser les abus sexuels qu’elle a subi. La diva conquérante qui reprend le contrôle sur son corps a depuis hissé le female empowerment comme l’une de ses principales batailles. “Je me considère comme une féministe, explique-t-elle. Et je pense que le féminisme est une question de liberté. Être capable de choisir qui tu veux être, peu importe ce qu’en pensent les autres. Beaucoup d’injonctions pèsent encore sur les femmes. On devrait pouvoir être ce qu’on veut, sans préjugés ni préjudices. Si j’aime un vêtement, alors je vais le porter. Si je veux faire de la chirurgie plastique, alors j’en fais.”
« Si j’aime un vêtement, alors je vais le porter. Si je veux faire de la chirurgie plastique, alors j’en fais.” Anitta
La chanteuse reconnaît cependant que sa liberté n’a pas toujours été bien comprise. « Quand j’ai commencé, j’ai rencontré pas mal de problèmes parce que je m’habillais de façon sexy. Des jugements de la part des journalistes, du public…. Le Brésil est un pays très conservateur même s’il s’agit d’une attitude hypocrite. Beaucoup de Brésiliens cachent ce qu’ils font réellement, pour afficher une image vertueuse, ce qui peut s’avérer dangereux. Vaut-il mieux dire la vérité en risquant de fâcher quelques personnes ou vivre une vie de mensonges et décevoir tout le monde le jour où on sera démasqué ? En persistant dans l’honnêteté, en restant authentique, j’ai gagné en crédibilité dans mon pays.”
Ouvertement bisexuelle, affichant son soutien au mouvement Black Lives Matter (le père d’Anitta est noir tandis que sa mère est blanche) et consciente du dérèglement climatique, la pop star dénote dans son pays. Au Brésil, la haine envers la communauté LGBTQ+ et la brutalité policière font de nombreux dégâts et le président Jair Bolsonaro encourage les climatosceptiques. Anitta est consciente de son rôle d’icône qui bouscule les codes. “Je crois que certaines personnes m’attendaient au Brésil, conclue-t-elle, car je dis tout ce que je pense. Quand vous avez beaucoup de visibilité, les gens s’intéressent à votre discours. Je trouvais important de me servir de ma notoriété pour ouvrir la discussion sur des sujets clés. Si je vois mon pays mal se comporter, ce qui se passe en ce moment avec notre Président, le minimum que je puisse faire, c’est de m’impliquer dans le débat.” Si elle arrêtait un jour la musique, ce qu’on ne lui souhaite pas, Anitta voudrait devenir psychologue. En attendant, elle soigne les cœurs, les corps et les esprits à grands coups de mélodies chaloupées…
Funk Generation (2024) d’Anitta, disponible.