FKA twigs nous raconte la genèse de son album

Comme Björk, Arca et Shygirl, l’auteure-compositrice-interprète, productrice et danseuse britannique FKA twigs, 37 ans, est toujours en avance sur les tendances musicales, jusqu’à inventer son propre genre. Mais est-elle toujours capable, après le merveilleux opus Magdalene (2019) et la mixtape ensorcelante Caprisongs (2022) de se renouveler ? La réponse se trouve sur son nouvel album, Eusexua, qui sort ce vendredi 24 janvier 2025. Nous étions à l’écoute organisée par la marque de sport suisse On, dont elle est l’égérie, chez Dover Street Market Paris, à Paris, ce mercredi 22 janvier 2025, et nous avons pu nous en faire une idée plus précise. Et ce, en sa présence.

Eusexua, le nouveau disque très techno de FKA twigs

Comme Charli xcx l’an dernier avec Brat (2024) et Rosalía avec Motomami, FKA twigs développe avec son nouvel opus tout un univers. Reprenant les mots euphoria et sexual, Eusexua est un disque, qui, comme son nom l’indique, entend provoquer chez l’auditeur un sentiment d’“euphorie” et une excitation “sexuelle” ou du moins, sensuelle. Pour l’artiste, Eusexua est plus qu’un concept, une expérience, un état d’esprit, une pratique qui dépasse les essais de formulation. Et que l’on pourra vivre lors de ces concerts (notamment au Zénith de Paris 13 mars 2025 et au festival We Love Green en juin) à venir, qui laisseront une grande place aux visuels expérimentaux.

FKA twigs a trouvé l’inspiration pour ce disque lors du tournage de The Crow, dans lequel elle partage l’affiche avec Bill Skarsgård (Ça, les Éternels, Nosferatu). Alors qu’elle était à Prague, la chanteuse a fréquenté les raves et s’est imprégnée de la techno tchèque. Elle explique, dans le sous-sol de la boutique Dover Street Market Paris, recouvert de tapis noirs : “Je me suis retrouvée à vivre à Prague pendant plusieurs mois et j’ai pu découvrir une culture que je n’avais pas observée depuis mon adolescence et le début de ma vingtaine. J’ai pu puiser mon inspiration dans une scène qui n’est pas celle de Paris, ni de Londres ou de Los Angeles. C’est une scène qui m’a semblé complètement intacte, très différente, brute et tout sauf artificielle et consciente d’elle-même. Et tous ceux qui sortaient, des nerds de la techno, avaient l’air tellement cool sans essayé de l’être. Je me suis dit, wow. Il y a, là-bas, une approche très utilitaire de la danse, de la communauté, de la musique. Cela m’a fait penser à ceux qui font du surf. Je ne surfe pas car je n’aime pas les eaux profondes, mais il y a une étiquette pour surfer. La façon dont vous surfez sur les vagues, en harmonie les uns avec les autres, avec quelqu’un qui passe en premier et un autre qui passe en second… J’ai vécu la même sensation avec la techno et la scène rave d’Europe de l’Est.”

Avec Eusexua, elle veut nous faire ressentir les plus vibrations et l’extase que l’on expérimente en club, lors d’une nuit blanche passée à danser comme s’il n’y avait pas de lendemain. Moins R’n’B qu’à l’accoutumée (même si elle a toujours trituré ce domaine), l’album revisite de nombreux genres musicaux électroniques tels que le 2-step, la trance, la dance, la techno et le breakbeat tout en se voulant assez pop et plus mainstream qu’auparavant. Produit par Koreless, Eartheater et Two Shell, Eusexua évoque tour à tour la Madonna de l’album Ray of Light (1998), Björk, Arca, SOPHIE et Eartheater. Et North West, la fille de Kim Kardashian, fait une apparition sur le titre Childlike Things. S’il n’est pas aussi parfait et original que les précédents disques de FKA twigs, Eusexua séduit par son hédonisme et par la voix, toujours hypnotique et très sensuelle, de la chanteuse.

La nouvelle collection de sneakers On dont la chanteuse est l’égérie

Lors de la présentation de ce nouvel opus, la chanteuse défendait aussi sa nouvelle esthétique (très sombre et athlétique) et la nouvelle collection training printemps-été 2025 de la marque suisse de vêtements de sport. Le partenariat créatif entre l’artiste et le label dure depuis l’an dernier et se nomme The Body Is Art. Entre pop-ups dédiés au mouvement et campagne de photos signée Jordan Hemingway, photographe et réalisateur américain basé à Londres qui partage la vie de FKA twigs, la marque entend redéfinir “l’entraînement comme une forme d’art vivante.”

La chanteuse, qui portait des tresses, un bandeau, un short et une doudoune courte noire ornée d’un col en fourrure à Paris, est revenue sur sa collaboration avec la marque On lors de ce rendez-vous : “Lorsque j’ai rencontré les gens de la marque On pour la première fois, à Zurich, on a parlé de communauté et de la volonté d’apporter une énergie brute aux vêtements d’entraînement. L’idée était de nous dépasser afin de voir jusqu’où nous pourrions aller en apportant toutes les choses que nous aimions, des designs incroyables, des chaussures confortables et des vêtements de training intégrant toute la culture que j’ai bâtie au cours des 10 dernières années. Là, nous revenons tout juste de cet incroyable workshop autour du mouvement qui avait lieu à New York où nous avons exploré la musculation et le voguing ainsi que des mouvements somatiques (une pratique consistant à faire travailler le corps en pleine conscience, ndlr). Les gens voulaient être avec nous toute la journée pour simplement explorer des choses. C’était génial.”

“J’ai été virée de toutes les compagnies dont j’ai fait partie.” FKA Twigs

Difficile d’imaginer une égérie plus pertinente que FKA twigs, danseuse hors pair, pour incarner l’idée du mouvement comme forme artistique. Chez la Britannique, la danse (qu’elle a débutée, dans sa forme la plus classique, à l’âge de 7 ans) n’est pas une performance mais une expression de soi qui fait partie de tout un univers esthétique. Pourtant, dans le décor industriel du sous-sol du concept-store Dover Street Market Paris, la chanteuse avoue être une mauvaise danseuse au sens scolaire du terme. “J’ai été virée de toutes les compagnies de danse dont j’ai fait partie, dans toutes les écoles où j’ai été. J’ai dansé dans une université et j’ai tenu six semaines. Puis je me suis engagée avec une autre université de danse, et ça a duré un jour. Et au début de ma vingtaine, j’en ai eu marre d’être une danseuse. J’ai alors commencé à découvrir des sous-cultures fascinantes liées à la danse et à m’intéresser à elles.”

La star du R’n’B alternatif qui a appris la pole dance en 2018 nous raconte ainsi une anecdote qui en dit long sur sa détermination et sa dévotion à l’art. “En Angleterre, il existe un programme intitulé l’EMA (Education Maintenance Allowance). C’est un régime financier qui permet aux enfants issus de familles pas très argentées d’avoir une bourse pour prendre le bus pour aller à la faculté. Quand j’ai fini l’université, la dernière semaine, j’ai eu 60 livres et avec, au lieu de rester en Angleterre, je suis partie à Los Angeles. Je n’avais pas d’argent sur mon compte mais je suis partie comme ça car je savais qu’il y avait des danseurs de krump (née dans les années 2000 au cœur des quartiers pauvres de LA) là-bas. j’avais vu un documentaire dessus et je me suis retrouvée à Inglewood pour découvrir tout ça pour de vrai. J’ai réussi à trouver des cours qui dépendaient d’un lieu lié à la mairie. Il y avait tous ces danseurs. On pouvait explorer notre corps et trouver la guérison de plusieurs manières à travers le mouvement.”

Ce soir-là, avec avoir évoqué son actualité devant un parterre d’amateurs de mode durant près de dix minutes, FKA twigs s’est éclipsée lorsque le début de son album a retenti dans la salle. Mais elle est revenue, quelques minutes plus tard, pour danser sur ses nouveaux morceaux, près du DJ et au milieu de la salle et de ses fans. La preuve que, malgré le succès, la star n’a rien perdu de son sens de la communauté…

Eusexua de FKA twigs, disponible le 24 janvier 2025.