Que penser de Bēyāh, l’ultime album de Damso ?
Le rappeur Belge Damso tire sa révérence avec BĒYĀH, son sixième et ultime album studio. Une œuvre introspective assez inégale qui divise la critique.
par La rédaction.
Ce n’est pas un claquement de porte. Plutôt une lumière qui s’éteint doucement. Bēyāh (2025), le sixième et dernier album du rappeur belge Damso restera un adieu silencieux. À contre-courant du vacarme de l’époque. Connu pour son verbe cru et son introspection brutale, il avait annoncé depuis longtemps que ce projet serait le dernier. Il le confirme, sans emphase ni mise en scène, comme on conclut un long rêve lucide.
Le rappeur Damso tire sa révérence avec Bēyāh, son nouvel album
Sorti sans featuring tapageur ni plan promo hollywoodien – seulement un improbable duo avec une intelligence artificielle -, ce disque s’impose comme un testament spirituel. Le titre – « être » en hébreu – donne déjà le ton. Et les morceaux oscillent entre méditations cosmiques, confessions de père désarmé et visions pessimiste d’un monde déjà perdu. La production reste dense, minimale, voire parfois paresseuse.
Le flow, toujours aussi tranchant, se fait parfois murmure. Les Inrocks y voient “l’œuvre la plus sincère et la plus abstraite du rap francophone contemporain”, Télérama évoque “un album-conclusion, sombre et souverain”, et Numéro le testament d’un homme qui a fini par ressembler à son propre alter ego. Damso fait du Damso. Faut-il y voir un baroud d’honneur ?
L’incroyable trajectoire de Damso
Damso, c’est d’abord une trajectoire singulière. Entré dans le rap via l’incontournable Booba, devenu solitaire par choix plus que par rejet, il a signé une trilogie (Ipséité, Lithopédion, QALF) dans laquelle il n’a cessé de plonger plus profondément dans ses propres ténèbres. Il est le seul rappeur belge à avoir rendu la souffrance élégante, le sexe métaphysique, la violence poétique. Avec Bēyāh, il s’éloigne de tout cela. Ce n’est pas une fuite, c’est une élévation.
La presse y lit un adieu digne et cohérent. Les fans, eux, oscillent entre respect et désarroi. Car dire au revoir à Damso, c’est aussi perdre l’un des rares artistes à avoir osé faire du rap un espace de solitude, d’ambiguïté, de recherche intérieure aussi profond, si peu artificiel.
Bēyāh, de l’efficacité à l’embarras
Dans Bēyāh, il y a ce moment suspendu, presque embarrassant, où l’album vacille. Magic, morceau réalisé en featuring avec une intelligence artificielle. L’intention, audacieuse sur le papier, tient plus du manifeste (encore) que de la musique. Et c’est bien là le problème. Là où Damso excelle habituellement dans la nuance charnelle, l’algorithme assène des platitudes brillamment vides, comme si l’âme avait été troquée contre une ligne de code.
Même si c’était intentionnel, l’ensemble sonne clinique, désincarné, presque froidement ironique. Ce titre cristallise les limites d’un album inégal, tiraillé entre fulgurances lyriques et impasses expérimentales. Bēyāh semble parfois se chercher à voix haute, sans toujours se trouver. Il y a de l’ambition, du vertige, de l’audace — mais aussi des déséquilibres flagrants, comme si la cohérence avait été sacrifiée sur l’autel de l’idée pure.
À trop vouloir dépasser le cadre, Damso frôle ici l’abstraction stérile. Le constat est dur, les mots sont rudes. Certes. Mais c’est aussi parce que Damso demeure l’un des meilleurs rappeurs francophones de ces dernières années…
Bēyāh (2025) de Damso, disponible.