Qui est Coco Jones, star du R’n’B et des Grammy Awards 2024 ?
Actrice et chanteuse américaine de 26 ans, elle incarne le personnage d’Hilary Banks dans la série Bel-Air. Nommée dans cinq catégories lors des derniers Grammy Awards, la charismatique artiste, militante de la cause noire, a remporté le titre de la Meilleure performance R’n’B. Rencontre.
Propos recueillis par Alexis Thibault.
Coco Jones, la naissance d’une star américaine
À quoi reconnaît-on une star américaine ? Peut-être à la façon dont elle entre dans une pièce en faisant virevolter l’ourlet de son luxueux manteau en cuir ? À ses expressions rieuses de femme ravie et sereine ? À la manière dont elle remue nonchalamment son matcha, enfoncée dans un divan démesuré, levant les yeux au ciel entre chaque question comme pour songer à la réponse la plus diplomate ? Avant de devenir Coco Jones, elle n’était que Courtney, la fille d’une choriste et d’un footballeur américain, née en 1998, à Nashville (Tennessee), berceau du rock et de la country. Mais à l’époque, ce sont plutôt les tubes d’Aretha Franklin qu’elle fredonne en classe, provoquant inévitablement l’ire de ses professeurs.
Elle n’a que 9 ans lorsqu’elle se produit pour la première fois sur un plateau de télévision, dans le Maury Show. On souligne déjà son talent prometteur. Un an plus tard, en 2008, elle participe au concours de chant Radio Disney’s Next Big Thing et atteint la finale. Il n’en fallait pas moins pour que la merveilleuse écurie lui offre un rôle dans la série Sketches à gogo (2011), diffusée sur Disney Channel. Voilà Coco Jones officiellement actrice ! Une bonne raison de quitter son foyer natal, direction Los Angeles, comme toute star digne de ce nom.
Mais la nouvelle enfant prodige des comédies musicales déchante très vite. Coco Jones a presque oublié qu’elle reste une Afro-Américaine confrontée à une industrie du spectacle phallocrate et majoritairement blanche où les femmes racisées ont rarement accès aux postes stratégiques. La firme Disney lui a promis monts et merveilles, puis a subitement changé d’avis, estimant qu’elle n’était pas assez… “bankable”.
De la série TV Bel-Air aux Grammy Awards 2024
Coco Jones tient désormais sa revanche. En 2022, elle a été choisie pour incarner Hilary Banks, un personnage de la série Bel-Air (2022), reboot de l’incontournable programme Le Prince de Bel-Air popularisé par Will Smith. Aujourd’hui, elle a 26 ans et suit les traces des actrices Angela Bassett et Viola Davis en tant que fervente militante de la cause noire, et défend, en même temps, ses compositions musicales à la fois théâtrales et dramatiques. On la compare aux chanteuses SZA ou Victoria Monét, deux homologues qu’elle a devancées en 2024. Elle s’est en effet imposée dans la catégorie Meilleure performance R’n’B aux Grammy Awards grâce à son titre ICU, extrait étincelant de What I Didn’t Tell You, son second disque studio. Sa musique raconte des histoires souvent tragiques, des mélodrames R’n’B embrasés qu’elle interprète sourire aux lèvres en faisant danser chaque semaine des foules transies qui en redemandent. On reconnaît bien là une star américaine… Rencontre.
Les confessions de la chanteuse Coco Jones
Numéro : Si votre musique était une œuvre d’art contemporain, à quoi ressemblerait-elle ?
Coco Jones : Ce serait certainement une grande toile. Avec du marron. Comme un rappel de ma couleur de peau et des défis qui l’accompagnent. Ma notoriété me pousse désormais à représenter les femmes qui me ressemblent. Mais sur cette toile, il y aurait aussi de l’or. Un clin d’œil à ma personnalité de femme ouverte, vive et charismatique ! [Rires.] Ce serait une œuvre lumineuse. J’aimerais vraiment que ma musique soit une source de motivation pour chaque petite fille. Mais elles ne comprendront certains morceaux que dans quelques années, lorsqu’elles auront grandi et seront tombées amoureuses pour la première fois…
Votre rôle de personnalité publique est-il plutôt de l’ordre de la responsabilité ou de celui du fardeau ?
Je suis l’aînée d’une fratrie et j’ai toujours senti que je devais montrer l’exemple. Petite, lorsque je chantais, je cherchais désespérément un modèle qui me ressemble. J’en voyais rarement. Finalement, ce n’est pas vraiment une responsabilité, c’est plutôt un honneur.
En 2024, vous étiez nommée dans cinq catégories différentes aux Grammy Awards. Vous avez finalement remporté le trophée de la Meilleure performance R’n’B pour le titre ICU. Recevez-vous des coups de fil intéressés depuis votre victoire ?
Il m’est effectivement plus facile d’obtenir certaines choses ! [Rires.] Disons que, depuis les Grammy Awards, certains artistes acceptent de collaborer avec moi, par exemple. Mais, pour tout vous dire, je me mettais déjà énormément de pression avant de remporter ce trophée. Depuis mon plus jeune âge, une phrase tourne en boucle dans ma tête : “Ne pourrais-tu pas faire mieux ?”
Votre succès est-il seulement lié à votre talent ou reconnaissez-vous une certaine part de chance ?
Je ne vais pas vous mentir, j’ai eu beaucoup de chance. Quant au talent, il est très lié au travail. Mais il faut aussi savoir saisir une opportunité lorsqu’elle se présente à vous. Et pour être prêt, il faut avoir fait des erreurs.
La célébrité vous a-t-elle dévorée ?
Malgré mon tempérament, j’ai toujours détesté ça, j’ai mis du temps pour apprendre à vivre avec. À Los Angeles, cela importe peu. Mais lorsque je rentre chez moi, dans le Tennessee, et que les gens me reconnaissent dans la rue, je me rends compte que je n’ai plus aucune échappatoire. Et puis, aujourd’hui, on vous poursuit également sur les réseaux sociaux. Je regrette l’époque où il ne s’agissait que de se faire photographier. Désormais les réseaux sociaux ont rendu les gens éternellement insatisfaits.
À ce propos, de nombreux artistes ont étrillé l’application TikTok où leurs morceaux accompagnent de très courtes vidéos. En d’autres termes, les gens n’écoutent qu’une quinzaine de secondes de chaque titre et sont incapables de les chanter en entier pendant les concerts. Qu’en pensez-vous ?
Je n’ai absolument pas peur de cela. Aujourd’hui, avec la démocratisation de la musique sur les plateformes de streaming, n’importe quelle chanson peut fonctionner ou échouer lamentablement. Cela pousse justement
les musiciens à être de plus en plus productifs, de plus en plus performants. C’est un nouveau défi. N’oublions pas que les réseaux sociaux ont permis à de nombreux artistes de rencontrer de jeunes producteurs qui composaient
dans leur chambre, ainsi que des réalisateurs de clips en herbe.
Quand avez-vous découvert que l’industrie musicale s’intéressait davantage au business qu’à l’art ?
Vers 17 ans, je crois, lorsque j’ai déménagé à Los Angeles. À l’époque, je participais à de très nombreuses auditions, et lorsque je n’étais pas recalée, je me demandais ce qui avait pesé dans la balance. Était-ce grâce à mon apparence ? Était-ce grâce au nombre de followers que je cumulais sur Instagram ? Oh ! surprise ! il n’était absolument pas question de musique ! Le plus souvent, il s’agissait effectivement d’une question de thunes : allais-je rapporter assez d’argent aux producteurs ? Peu importe. Quoi qu’il en soit, il a fallu que je trouve la bonne formule, la bonne recette. L’art en lui-même est déjà un business…
Si vous pouviez vous emparer de la compétence d’un autre artiste, que voleriez-vous et à qui ?
La réputation de Beyoncé. Car la réputation, c’est aussi la puissance. Je rêverais de dîner un soir avec elle et Rihanna. Je convierais aussi Whitney Houston, Aretha Franklin, Elon Musk et Jeff Bezos. Imaginez l’ambiance du repas, ce serait hilarant !
What I Didn’t Tell You (version deluxe, High Standardz/Def Jam Recordings) de Coco Jones. Disponible.