15 avr 2025

Peintres torturés, galeristes glamour et vol de tableaux… Quand l’art inspire le cinéma

Dans les mois à venir, de nombreux films auront pour sujet l’art, de Mastermind avec Josh O’Connor à The Gallerist avec Natalie Portman, en passant Les Règles de l’art avec Melvil Poupaud. L’occasion de revenir sur les biopics dédiés à des peintres talentueux mais aussi sur les liens qui unissent le septième art à l’art tout court.

  • par Violaine Schütz.

  • De nombreux biopics dédiés à des artistes parmi les films sur l’art

    Depuis des décennies, l’art inspire le cinéma, jusqu’à devenir l’un des sujets fétiches des cinéastes. Même si le geste artistique n’est pas toujours facile à retranscrire… Cette influence se traduit d’abord par un grand nombre de biopics dédiés à des artistes. On ne compte plus les films consacrés à des peintres, mais aussi à des sculpteurs ou des photographes.

    Parmi eux, on trouve Edvard Munch, la danse de la vie (1974) de Peter Watkins, Pollock (2003) avec Ed Harris, La jeune fille à la perle (2004) sur Vermeer avec Colin Firth et Scarlett Johansson, Klimt (2005) de Raoul Ruiz, Frida (2003) sur Frida Kahlo avec Salma Hayek, Mr. Turner (2014) de Mike Leigh sur le peintre anglais du même nom. Plus récemment, on a aussi eu droit au biopic Lee Miller (2024) avec Kate Winslet.

    Parmi eux, certains films sont de vrais réussites, à l’instar de Basquiat (1997) de Julian Schnabel qui retrace le parcours de Basquiat. Porté par un casting exceptionnel (Jeffrey Wright, Benicio Del Toro, Gary Oldman, David Bowie, Dennis Hopper, Christopher Walken, Willem Dafoe, Courtney Love, Parker Posey, Vincent Gallo), le long-métrage nous replonge avec brio dans le milieu underground new-yorkais.

    Côté films français, on a pu découvrir des films comme Camille Claudel (1988) avec Isabelle Adjani, Van Gogh (1991) de Maurice Pialat avec Jacques Dutronc, ou, plus récemment, Bonnard, Pierre et Marthe (2024) avec Cécile de France et Vincent Macaigne et Niki (2024) de Céline Sallette avec Charlotte Le Bon dans la peau de Niki de Saint Phalle. 

    Frida Kahlo, Niki de Saint Phalle, Lee Miller, des tempéraments fougueux et des vies tragiques portés à l’écran

    Si les artistes font de bons sujets de films, c’est sans doute en raison de leurs tempéraments fougueux, leurs refus des conventions et de leurs vies tourmentées. On pense notamment à Lee Miller, qui s’est photographiée dans la baignoire d’Hitler, aux souffrances physiques de Frida Kahlo, qui a souffert de poliomyélite suite à un grave accident de bus. Ou encore à l’enfance difficile de Niki de Saint Phalle, qui a été victime d’inceste. Ce qu’elle a longtemps gardé secret.

    Ce rôle a d’ailleurs représenté un vrai défi pour son interprète de cinéma, Charlotte Le Bon, comme elle expliquait dans les colonnes de Numéro. “C’était un défi monstrueux, évidemment, parce que Niki de Saint Phalle a traversé des choses extrêmement difficiles, mais en même temps, c’était un défi extraordinaire, parce que c’est un rôle qui est tellement dense, tellement complexe. Ça me permet de pouvoir explorer plein de parties de moi. Et c’est pour cette raison que j’ai envie de continuer à faire ce métier, parce qu’il y a très peu de choses qui m’excitent en ce moment. J’avais l’impression que, durant une grande partie de ma carrière, on me proposait souvent des rôles de jeunes femmes raisonnables et sympas. Et il n’y a rien de raisonnable chez Niki, en fait. Et c’est ça que j’adore !

    Céline Sallette, de son côté, nous confiait : “Le projet du biopic sur Niki a démarré quand je suis tombée sur une interview d’elle, dans laquelle elle était géniale. Tout ce qu’elle disait était ultra puissant. Et tout ce que j’ai appris, depuis, sur Niki de Saint Phalle m’épate. Je raconte, dans le film, dix années de sa vie durant lesquelles elle devient artiste. Je suis si admirative de son chemin que j’essaie de le remettre en lumière, de ma modeste manière.

    Des artistes peintres méconnues mises en lumière par le cinéma

    Si ces destins, souvent tragiques, sont connus, d’autres vies et œuvres d’artistes moins médiatisés sont mises en lumière par le cinéma. Beaucoup de monde ont découvert l’artiste peintre italienne Artemisia Gentileschi (1593-1656) grâce au biopic du même nom sorti au cinéma en 1997. À son époque, on ne pouvait pas entrer à l’Académie ni peindre un modèle masculin nu. Mais déterminée, elle parvient à convaincre son père, Orazio, peintre italien caravagesque, lui enseigne la perspective. Aussi, dans Big Eyes (2014) de Tim Burton avec Amy Adams, qui met en lumière Margaret Keane (1927-2022), artiste peintre américaine dont l’époux, Walter Keane, signait les œuvres à sa place pendant des années.

    Martin Provost a consacré un film, Séraphine, à la peintre française Séraphine de Senlis (1864-1942), incarnée par Yolande Moreau, en 2008. Quelques années après, en 2024, il célèbre la peintre Marthe Bonnard, qui est restée dans l’ombre de Pierre Bonnard durant des années. Cécile de France, qui l’a incarne dans le film, raconte à son sujet : “J’ai pris énormément de plaisir à tourner les scènes de peinture. C’était extraordinaire, troublant et excitant parce que j’étais à la fois Cécile qui incarnait Marthe et Marthe qui, elle-même, dessinait. Mais c’était plutôt la richesse du personnage qui me plaisait… D’abord, il y a toute cette trajectoire, de la jeunesse à la vieillesse… On voit Marthe dès le premier jour de sa rencontre avec Pierre (Bonnard) jusqu’à sa mort.

    J’ai pris énormément de plaisir à tourner les scènes de peinture.” Cécile de France

    La comédienne ajoute à propos de ce rôle passionnant : “Elle a eu cette idée incroyable de s’offrir une autre vie avec cette nouvelle identité, pour accéder à cet idéal social avec Pierre, alors qu’elle vient d’un milieu très modeste. Elle s’invente dès le début de leur histoire un nom d’aristocrate italienne (Marthe de Méligny) alors que son vrai nom est Maria Boursin. Et puis, ce mensonge va l’enfermer pendant 35 ans. C’est une transfuge de classe, mais elle est prisonnière de son secret. Il y a aussi ses crises d’asthme et tous ces morts dans sa famille du Berry. Car la mort rodait beaucoup dans son enfance. Enfin, elle va se mettre à l’art puis va devenir folle, psychotique… Il y avait donc tellement de choses à jouer.

    Il faut aussi ajouter à ces projets inspirés de la réalité des longs-métrages dédiés à des personnages de peintres ou sculptrices fictives, comme c’est le cas du bouleversant Portrait de la jeune fille en feu (2019) de Céline Sciamma avec Adèle Haenel ou du magnifique Showing Up (2023) de Kelly Reichardt avec une Michelle Williams en sculptrice isolée.

    Et dans le prochain film de Gregg Araki avec Olivia Wilde et Charli xcx, on suivra le parcours d’Elliot, un jeune homme qui devient la muse sexuelle d’une artiste contemporaine. Un schéma qui semble vouloir bouscouler le patriarcat…

    Les architectes et les galeristes au cinéma : deux tendances de fond

    Parmi les artistes représentés au cinéma récemment, une tendance de fond se dégage. Les architectes occupent le premier plan. Ainsi, Francis Ford Coppola a centré son Megalopolis sur un architecte voulant construire une cité utopique (incarné par Adam Driver). Puis, c’est The Brutalist de Brady Corbet qui mettait en scène un architecte de génie rescapé de la Shoah joué par l’excellent Adrien Brody

    Et le phénomène ne s’arrête pas là. L’Inconnu de la Grande Arche, présenté lors de la sélection Un certain regard au Festival de Cannes 2025 suit les traces du monumental The Brutalist. Réalisé par Stéphane Demoustier (La Fille au braceletBorgo), le film raconte l’histoire de Johann Otto von Spreckelsen, un architecte danois choisi par François Mitterrand dans les années 80 pour bâtir la Grande Arche de la Défense.

    Amy Adams et Anne Hathaway en galeristes chic et glamour dans des films sur l’art

    Autre profession à être mise en avant par le cinéma ? Le métier de galeriste. Dans le fascinant Nocturnal Animals (2016) de Tom Ford, Amy Adams joue une galeriste de Los Angeles ultra chic et glamour. Un métier aussi représenté dans le film L’Idée d’être avec toi (2024) avec Anne Hathaway et dans le long-métrage hexagonal Un coup de maître (2023) avec Vincent Macaigne en propriétaire de galerie.

    Des projets excitants mettront également en scène des marchands d’art. The Gallerist (prévu pour 2026), avec Natalie Portman et Jenna Ortega racontera l’histoire d’un galeriste désespéré qui complote pour vendre un homme mort à Art Basel Miami. Quant à la série The Dealer, à venir sur Apple TV+, elle mettra en scène Jessica Chastain en aspirante galeriste ambitieuse et Adam Driver en artiste talentueux mais irritant.

    Dans les pitchs de ces deux productions, le ton semble assez ironique lorsqu’il s’agit d’aborder les acteurs du monde de l’art. On se souvient, à ce sujet, de la satire mordante du microcosme de l’art contemporain The Square (2017) de Ruben Östlund, qui a reçu la Palme d’or au Festival de Cannes. Le réalisateur y met en scène un conservateur de musée en pleine crise, mais aussi une journaliste et une agence de communication.

    Le vol de tableaux, sujet romanesque de nombreux films sur l’art

    Plus globalement, le milieu de l’art, les musées mais aussi le vol et le trafic d’œuvres restent des sujets très exploités dans de nombreux films ou séries, que ce soit dans Comment voler un million de dollars (1966), On a volé la Joconde (1966), Thomas Crown (1999), Gambit, arnaque à l’anglaise (2013), Monuments Men (2014), La femme au tableau (2015), Lupin (depuis 2021), Les Rois de la Piste (2024) ou encore Voleuses (2023) avec Mélanie Laurent et Adèle Exarchopoulos.

    Et la formule fonctionne… Pour preuve, la tendance des films sur l’art n’est pas près de se tarir à en croire l’actualité cinéma; Le 30 avril, on découvrira Les Règles de l’art avec Fianso et Melvil Poupaud, soit l’histoire d’un cambrioleur qui vole cinq œuvres au Musée d’Art Moderne de Paris. Puis ce sera au tour de Mastermind de Kelly Reichardt, avec Josh O’Connor, de faie parler de lui. Le film présenté au Festival de Cannes 2025 met en scène un homme préparant un braquage dans le monde de l’art, en pleine guerre du Vietnam et mouvement de libération des femmes. Des thèmes accrocheurs qui devraient séduire le public exigeant et curieux de la Croisette.

    Les Règles de l’art de Dominique Baumard, au cinéma le 30 avril 2025.