3 juin 2025

Qui est Eva Yelmani, la cool kid ultra rock du cinéma français ?

À 22 ans, l’actrice Eva Yelmani, star des films Sur un fil de Reda Kateb et Dites-lui que je l’aime de Romane Bohringer, est le nouvel espoir, très rock, du cinéma français. Rencontre lors du Festival de Cannes.

  • propos recueillis par Violaine Schütz.

  • Publié le 3 juin 2025. Modifié le 5 juin 2025.

    On a d’abord repéré la jeune Française d’origine kabyle Eva Yelmani, 22 ans, dans des bars rock parisiens et sur Instagram. Et dès le début, on savait qu’elle irait loin. Avec sa silhouette gracile, son regard profond et sa dégaine sauvage et punk, la Parisienne d’adoption était une actrice née. De celles qui crèvent l’écran.

    Alors qu’elle joue la mère de la femme politique Clémentine Autain, l’actrice au destin tragique Dominique Laffin, dans le film Dites-lui que je l’aime de Romane Bohringer, on a rencontré la comédienne dans la folie du Festival de Cannes. En effet, le film était présenté dans la sélection Séances Spéciales.

    L’interview d’Eva Yelmani, star du film Dites-lui que je l’aime

    Numéro : Vous jouez dans Dites-lui que je l’aime de Romane Bohringer, adapté d’un livre de la femme politique Clémentine Autain, qui a été présenté au Festival de Cannes. Est-ce que c’est la première fois que vous venez à Cannes ?

    Eva Yelmani : Oui, j’ai adoré même si c’était très intense. Je ne savais pas trop comment ça allait se passer car ça semblait être tout un cirque, de l’extérieur. Donc, j’étais anxieuse. Avant la montée des marches, on est restés bloqués une heure dans la voiture. Du coup, j’appréhendais un peu. Mais c’était super, surtout que j’étais avec toute l’équipe du film et à côté de Céline Sallette. Aussi, j’adore la robe noire Saint Laurent que je portais. Je devais en porter une autre qui, finalement, a été annulée 48 heures à l’avance. Sur le moment, c’était stressant. Mais je crois que je préfère celle-ci, au final. Et puis, j’étais contente que le film ait un bel accueil. Un aussi bel accueil à Cannes, ce n’est pas rien !

    Quel est le meilleur moment que vous gardez en tête de ce festival ?
    Je pense que ça a été la fin de la première projection du film Dites-lui que je l’aime. Parce que c’est vrai que c’est très étrange de montrer un film aussi intime pour la première fois. En plus, déjà, moi, j’ai du mal à me regarder et à m’entendre. Et on se demande toujours ce que vont penser les gens, ce qu’ils vont ressentir. Par exemple, Romane Bohringer et Clémentine Autain, elles me disaient toujours : “Je ne sais pas qui ça va intéresser parce que ce sont des histoires très personnelles. » On était un peu dans une bulle. Et c’est vrai qu’à la fin de la projection, quand tout les gens avaient l’air vraiment touchés et qu’on les entendait sortir les mouchoirs, je me suis dit : “Qu’est-ce qu’on a fait ? Les gens pleurent… (rires) » C’était très émouvant.

    Romane Bohringer m’a repérée dans la rue alors qu’elle sortait du théâtre.” Eva Yelmani

    Il paraît que Romane Bohringer vous a découverte dans la rue…

    Oui, c’est ça. Elle théâtre de l’Atelier, à Paris, où elle jouait, vers 23h-minuit. Et moi, j’allais rejoindre des copains. C’était en novembre 2023, et elle ne faisait que me fixer. Au début, je ne l’ai pas reconnue. C’était très étrange. Puis, je l’ai recroisée deux semaines après, à la projection d’un copain. Et là, elle m’a parlé et m’a demandé si j’avais déjà tourné des longs-métrages. Je lui ai dit que j’avais joué dans un film, Sur un fil de Reda Kateb avec l’acteur Philippe Rebbot. Elle m’a dit : “Je le connais bien, c’est mon ex mari.” Et le soir même, un ami m’a conseillée de voir Les Nuits fauves de Cyril Collard avec Romane, que j’ai adoré. Tout est dingue dans cette histoire.

    Comment vous a-t-elle présenté le film ?

    Une semaine après cette projection, nous sommes allées boire un café. Et au début, je ne comprenais pas l’histoire. Je me disais : “Ça a l’air super, mais en vrai, je n’ai pas trop compris.” Car dans le film, il y a beaucoup de choses qui se mélangent. Romane a adapté le livre (Dites-lui que je l’aime) de Clémentine Autain consacré à sa mère, l’actrice Dominique Laffin. Mais ce projet l’a poussée à se confronter à son passé et à sa propre mère, Marguerite Bourry (qu’Eva Yelmani incarne aussi dans le film, ndlr) qui l’a abandonnée quand elle avait neuf mois. La première chose qu’elle m’a dite, c’est que je ressemblais comme deux gouttes d’eau à sa mère.

    Je suis partie très jeune de chez moi et j’ai grandi très vite.” Eva Yelmani

    C’est assez mystique comme histoire…

    Oui, surtout que la première fois que j’ai rencontré Romane, je portais une jupe en cuir noire courte. Et dans les images d’archives que l’on peut voir de Marguerite Bourry (la mère de Romane Bohringer) dans le film, elle porte une jupe similaire.

    Qu’est-ce qui vous a le plus touchée dans Dites-lui que je l’aime ?

    En plus du regard de Romane sur cette histoire, j’ai beaucoup aimé Dominique Laffin (qui a joué dans La femme qui pleure et Tapage nocturne). J’ai regardé tous ses films et toutes ses interviews. Elle est assez extrême. Quand on lui demande quels sont ses projets, elle dit qu’elle ne sait pas, car elle va peut-être se suicider d’ici là. Elle pouvait passer du rire au désespoir en très peu de temps. La vie de Dominique Laffin (elle est décédée subitement, d’une crise cardiaque, à l’âge de 33 ans) et ses problèmes d’addiction m’ont beaucoup touchée. Sa relation avec sa fille, Clémentine Autain, aussi. C’est une relation mère-fille qui n’est pas du tout équilibrée. J’aimais aussi le fait de jouer une mère, alors que j’imagine que l’on me voit plutôt dans des rôles de fille. Je suis partie très jeune de chez moi (de Rouen, pour Paris) et j’ai grandi très vite. Du coup, jouer une jeune maman, c’était très intéressant pour moi.

    Je trouve ça vachement beau de pouvoir sourire malgré la vulnérabilité.” Eva Yelmani

    Y-a-t-il eu une scène difficile à jouer ?

    Oui, celle où je fais un carnage après avoir consommé de l’alcool, dans un bar. C’était une séquence difficile à jouer car je suis assez calme dans la vie. Lors des premiers essais, j’avais du mal à crier. Et finalement, j’ai réussi à partir en vrille.

    Ce film est porté par un double female gaze : celui de Romane Bohringer et celui de Clémentine Autain…

    Oui et ça compte beaucoup. Elles représentent pour moi des femmes très fortes. J’ai beaucoup d’admiration pour ces femmes qui ont grandi un peu toutes seules et sans forcément avoir eu une mère qui était très présente. Et puis, je trouve ça vachement beau de pouvoir sourire malgré la vulnérabilité. Je trouve ça admirable que Clémentine, qui est quand même un personnage politique et public, ait dévoilé son histoire et sa vulnérabilité dans un livre. Je trouve ça impressionnant de se confier sur son passé lorsqu’on est censé être dans le contrôle.

    Je suis arrivée à Paris les mains dans les poches, pour passer des castings. C’était très compliqué au début.” Eva Yelmani

    Vous parliez de l’impact de l’absence d’une mère dans une vie. Dans quelle famille avez-vous grandi ?

    Moi, j’ai grandi avec beaucoup d’amour. J’ai toujours été soutenue par ma mère et elle a toujours été très présente dans ma vie. Donc je n’étais pas dans ce schéma familial. Après, c’est vrai que je suis partie très jeune de chez moi : à 16 ans. Je suis arrivée à Paris les mains dans les poches, pour passer des castings et rencontrer des producteurs. C’était très compliqué au début parce que je me suis retrouvée livrée à moi-même très jeune et ma mère n’était pas là (puisqu’elle vivait dans une autre ville). Donc, toute cette formation qu’on est censé avoir à l’adolescence, m’a manqué… Et on peut se perdre, tout seul, quand on est très jeune. Dominique Laffin a été une enfant perdue qui ne sait pas trop où se mettre.

    Quels sont vos projets ?

    Je vais jouer, cet hiver, dans le premier long-métrage de Kahina Le Querrec, La Faille. Et ça parle encore d’une histoire avec maman et sa fille. J’y joue une fille qui recherche sa mère. Ce qui est très étrange, c’est que j’avais passé le casting, et ensuite, nous nous sommes appelées. Et le soir du coup de téléphone, dans un restaurant, je croise Kahina.

    Je ne pense pas que je suis mannequin.” Eva Yelmani

    Avant de devenir actrice, vous posiez pour des shootings avec des photographes et pour des marques de mode… Vous considérez-vous comme une mannequin ?

    Je ne pense pas que je suis mannequin. Je ne l’ai jamais vraiment été. Ce qui s’est passé, c’est que quand je me suis retrouvé à 16 ans à Paris après avoir quitté Rouen, je n’avais pas un euro en poche et j’ai commencé à faire du mannequinat parce qu’on me l’a proposé. Mais je me souviens que la première fois qu’on me l’a proposé, j’ai dit : “Vous êtes sûr ?” C’était un autre monde pour moi. Après, j’ai bossé avec des gens que j’adore. J’ai notamment fait des choses très cool pour Vivienne Westwood quand j’étais plus jeune. Et je suis heureuse aujourd’hui de porter des pièces de maisons comme Saint Laurent. J’adore la mode !

    À quel point les vêtements vous aident à entrer dans un rôle ?

    Ouais, un peu. Par exemple, j’avais des sandales pour jouer Dominique dans Dites-lui que je l’aime. Et ce sont des chaussures que je ne porte jamais. Ça raconte l’époque aussi, les années 80. La coupe de cheveux était aussi importante. J’ai l’habitude d’avoir les cheveux en pétard et là, j’étais très coiffée. Et ça changeait tout !

    Dites-lui que je l’aime de Romane Bohringer, au cinéma le 10 décembre 2025.