Paradis perdus et paysages carbonisés : que nous réserve le festival du Jeu de Paume ?
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de paume organise la deuxième édition de son festival dédié aux nouvelles images. Intitulé Paysages Mouvants, l’évènement met en lumière le travail de quinze artistes – dont certains ont produit des œuvres spécialement pour l’occasion –, et inaugure trois week-ends rythmés de performances, de projections de films et d’ateliers créatifs.
Par Camille Bois-Martin.
Le festival du Jeu de paume, le rendez-vous photographique de l’hiver
À l’aube du printemps dernier, le Jeu de paume inaugurait son son festival, ambitionnant d’explorer sur quelques semaines, au travers d’une programmation vivante d’expositions, concerts, projections et performances, les multiples formes de l’image fixe et en mouvement. Après une première édition centrée sur les modalités d’apparition du visible, l’événement reprend donc possession de l’institution parisienne à partir du 7 février avec, pour thématique, les “Paysages mouvants”.
Pilotée par la commissaire Jeanne Mercier, la programmation invite notamment la scénariste Loo Hui Phang à construire un parcours parmi les œuvres de quinze artistes contemporains, interrogeant la transformation des espaces naturels, entre représentations surréalistes et imaginaires communs. Dans les salles du Jeu de paume, la voix de cette invitée résonne et guide les visiteurs. Une approche déstabilisante, qui pousse un cran plus loin l’expérience immersive voulue par le musée…
Julian Charrière, Prune Phi… Le paysage en question
En ouverture du festival, Julian Charrière présente des images tirées de son film An Invitation to Disappear (2018). Évoquant la responsabilité de l’être humain envers les territoires polaires, insulaires et forestiers, l’œuvre puise dans notre imaginaire collectif. À l’image des grands peintres du 19e siècle Turner et Friedrich, l’artiste français récemment exposé au Palais de Tokyo produit des paysages anxiogènes, qu’il ponctue de plans serrés sur des grilles de palmiers exploités pour la production d’huile de palme. Au travers de bois carbonisé, les motifs évoquent le réchauffement climatique sur fond dystopique.
Une introduction puissante poursuivie notamment par le travail mémoriel de Prune Phi. Imaginée spécialement pour le Jeu de paume, son installation .cóm aborde ses racines vietnamiennes et la politique migratoire coloniale. Un voyage des rizières du Vietnam à celles du sud de la France, mêlant ses prises de vue récentes et images d’archives.
Sur les cimaises se retrouve également une image monumentale de Thomas Struth. Captivantes, ses images contrastantes interrogent notre imaginaire du paradis. Et capturent la végétation des forêts tropicales à travers le monde entier. Une vision aussi fascinante que perturbante, devant laquelle le visiteur est submergé…
Plus loin, Mathieu Pernot mêle lui astronomie, botanique et cartographie. Il présente son œuvre Atlas en mouvement (2022), réalisée en collaboration avec des réfugiés, et façonne un récit à plusieurs voix. Il photographie les couleurs du ciel à différents moments du parcours migratoire de Muhammad Ali Sammuneh, astronome syrien en exil, depuis Alep jusqu’à Paris.
Trois week-ends de performances et de projections
En parallèle des œuvres des quinze artistes contemporains exposés dans les salles, le Jeu de Paume organise également une série de rendez-vous festifs. Étalée sur trois week-ends jusqu’au 23 mars prochain, la programmation prévoit de nombreuses soirées thématiques et alterne entre projections de films, performances dansées, conférences et ateliers créatifs.
De la chorégraphe Jeanne Alechinsky à la diffusion des courts-métrages de Driss Aroussi en passant par l’art du cyanotype, les rendez-vous sont multiples et nourrissent un festival riche en réflexion, création et rencontres.
Festival “Paysages mouvants”, du 7 février au 23 mars 2025 au Jeu de paume, Paris 8e.