26 juil 2024

Le jour où Allan McCollum eut l’idée de créer 750 os de dinosaures

Le 31 mai 1991, l’artiste américain Allan McCollum a réalisé au Carnegie International un rêve qui l’obsédait depuis des années : créer 750 os de dinosaures.

Texte par Éric Troncy.

Illustration par Soufiane Ababri.

Le jour où Allan McCollum eut l’idée de créer 750 os de dinosaures. Illustration par Soufiane Ababri.

L’idée folle d’Allan McCollum

Le 31 mai 1991, l’artiste américain Allan McCollum (né en 1944) confia à la critique d’art Lynne Cooke qu’une récente invitation à participer à une exposition allait lui donner l’occasion de réaliser un rêve qui l’obsédait depuis plusieurs années. “Jusqu’à présent, l’idée était en attente. Il a fallu que je sois invité à participer à l’exposition “Carnegie International” et que je découvre que le Carnegie Museum of Art était connecté avec le Carnegie Museum of Natural History, qui abrite l’une des plus importantes collections de fossiles de dinosaures du Jurassique au monde. J’ai vu cette connexion comme une opportunité de proposer le projet. Pour moi, c’est comme un rêve devenu réalité, pour ainsi dire.”

Il fit réaliser cinquante moulages en plastique d’une quinzaine d’os de dinosaures différents (certains longs de plus de un mètre), en effet conservés au Carnegie Museum of Natural History, et produire à partir de ces moulages, dans cinquante couleurs de beige et de marron, 750 épreuves “uniques” en fibre de verre renforcée en béton. “J’étais très intéressé par la question : ‘Comment créer un nouvel objet qui semble réellement vieux et ancien?’ Je me suis rendu compte qu’un fossile de dinosaure est une copie”, dit-il.

750 os de dinosaures présentés à Carnegie International

L’ensemble fut présenté à Carnegie International dont l’inauguration eut lieu le 19 octobre 1991. Baptisés Lost Objects, les centaines de moulages d’os (réalisés dans une palette reprenant peut-être accidentellement la gamme colorée du cubisme analytique) furent exposés côte à côte sur un unique podium rectangulaire de plus de vingt mètres de longueur. Le podium, qui semblait flotter à dix centimètres au-dessus du sol, fut installé dans le Hall of Sculpture du bâtiment néoclassique du Carnegie, conçu d’après le sanctuaire intérieur du Parthénon pour abriter 69 moulages en plâtre de sculptures égyptiennes, grecques et romaines, et construit dans le même marbre blanc que celui qui fut employé pour le Parthénon, provenant également des mêmes carrières. 

En l’occurrence, ici le lieu d’exposition est déterminant, et la présence de ces centaines de répliques d’os de dinosaures dans l’atrium serti de colonnades, sous une verrière dispensant un éclairage naturel, produisait un sentiment combiné d’éternité et de fugacité.

“Avant de les fabriquer, j’imagine toujours des gens en train de transporter mes objets, explique McCollum, en particulier les os. Transporter un os de dinosaure serait particulièrement poignant et encombrant. Pour moi, les os de dinosaures étaient si énormes qu’ils semblaient être la métaphore parfaite de la manière dont une copie peut incarner une absence, car les os de dinosaures ne nous parviennent en premier lieu que sous forme de copies.”