18 déc 2025

Performances, concerts, ateliers : l’utopie de la Casa do Povo à São Paulo

Concert de percussions chorégraphié, sessions de boxe, performance‑banquet, workshops de musique et de danse mais aussi ateliers pédagogiques… Depuis sa renaissance en 2013, la Casa do Povo, née au 20e siècle dans un quartier de São Paulo, propose une offre protéiforme et expérimentale parmi les plus excitantes du Brésil.

  • Par Cyrus Goberville.

  • Casa do Povo : une utopie au cœur de São Paulo

    En plein cœur de la 36e biennale de São Paulo, c’est dans le quartier de Bom Retiro que tout le monde se presse en cette rentrée 2025 : on s’arrache une place pour le spectacle Batucada du chorégraphe brésilien Marcelo Evelin à la Casa do Povo. Une fois descendus les sombres escaliers menant au sous-sol, on découvre une salle de théâtre désaffectée, aussi lugubre qu’envoûtante.

    Une cinquantaine de performeurs cagoulés, à moitié nus et silencieux, se mêlent au public avant de le chahuter et de livrer un concert de percussions fait de casseroles et de poêles, d’une énergie folle et d’un humour sans limite. Une explosion géniale, une vague de fraîcheur qui balaie tout sur son passage : mais quel est donc cet espace qui réinvente les codes de la performance sous nos yeux ?

    Un projet ouvert, entre performances, ateliers et concerts

    Casa do Povo porte une histoire dense. Fondée en 1946 dans le quartier juif de la ville, elle naît de la volonté de rassembler les associations juives antifascistes locales et d’ériger un monument en hommage aux victimes de la Shoah. Haut lieu du judaïsme diasporique, elle accueille les meilleures compagnies de théâtre expérimental de la ville jusqu’aux années 1980. Mais l’aura du lieu s’éteint progressivement, et lorsque Benjamin Seroussi découvre la Casa do Povo en 2011, il ne reste qu’un rez-de-chaussée actif sur ses quatre étages et 4 000 m². Dans ce grand immeuble quasi abandonné, subsiste uniquement une chorale chantant en yiddish.

    En 2013, il en prend la direction et relance la dynamique grâce à un projet ouvert, sans grille de programmation, où pratiques artistiques et amateurs se croisent pour faire émerger l’un des foyers culturels les plus passionnants du moment – une tentative de réinventer le rapport à une utopie concrète, y incorporant notamment des ateliers pédagogiques aux méthodes novatrices et une clinique de psychanalyse gratuite.

    Une programmation qui s’exporte à l’international

    Du 13 au 27 septembre, le Festival d’Automne – dont la programmation s’impose chaque année un peu plus comme une référence, depuis la nomination de sa directrice artistique Francesca Corona en 2021 – accueillait la Casa do Povo à la Maison des Métallos à Paris pour une carte blanche.

    Quoi de plus juste pour cet espace diasporique que de se reloger ailleurs autour de ses valeurs ? Une douzaine de propositions y étaient présentées : après les sessions de boxe, la délirante performance‑banquet du collectif pauliste MEXA, des workshops de percussions afro-brésiliennes et de danse, mais aussi un espace de publication mené conjointement avec la maison d’édition parisienne After 8 Books. Une proposition hors les murs qui permet d’exporter le leitmotiv de la Casa do Povo, emprunté à l’autrice brésilienne Clarice Lispector : “Se perdre est aussi un chemin”.