28 juin 2024

ANDAM : qui sont les créateurs de mode lauréats de l’édition 2024 ?

À l’issue d’une journée de présentations suivies d’âpres délibérations, les membres du jury réunis par le directeur artistique de la maison Saint Laurent ont récompensé l’hybridité de Christopher Esber, ainsi que la mixité et l’onirisme de 3.Paradis et de Pièces Uniques. Sans oublier le prix accessoires de mode décerné cette année à Maeden.

Par Pascal K Douglas.

Le lauréat Christopher Esber © Nathan Yamniak.

Pour célébrer 35 ans de soutien indéfectible à la jeune création de mode, Nathalie Dufour, directrice générale et fondatrice de l’ANDAM en 1989, à l’initiative du ministère de la Culture et du Défi, ne pouvait rêver plus beau palmarès.

C’est à l’ombre des colonnes doriques de la cour d’honneur du Palais Royal, à quelques encablures de son ministère, que Rachida Datiministre de la Culture, a rappelé l’importance de la mise en lumière des talents émergents qui feront la relève de demain, avant la remise du Grand Prix de l’ANDAM 2024 à Christopher Esber, venu spécialement de Sydney pour l’occasion.

Si la surprise et l’émotion du créateur étaient palpables au moment de recevoir le trophée en cristal offert par la maison Swarovski et dessiné par Anthony Vaccarello lui-même, le trentenaire n’en est pourtant pas à son premier coup d’essai.

Le sacre de la persévérance au prix de l’ANDAM 2024

Déjà finaliste du Prix Woolmark en 2013 et officiellement inscrit au calendrier de la Fashion Week de Paris en 2023, l’Australien d’origine libanaise compte plusieurs années d’expérience au service d’un label qui mélange harmonieusement des silhouettes structurées avec des drapés fluides, renversant ainsi les conventions.

Au micro de Numéro, qui a suivi les coulisses de cette folle journée au plus proche des finalistes, il a confié : “Ma marque s’articule sur 3 piliers, la structure, la sensualité et la connexion avec la nature. J’aime aussi ajouter une touche de masculinité et de tailoring à ce vestiaire féminin afin d’infuser un caractère imparfait et brut aux vêtements.” Il ajoute en souriant : “Mes créations permettent aux femmes de s’habiller sans être trop apprêtées d’une certaine manière. J’aime cette approche plus subtile et décontractée.” 

Un gage d’inventivité et de maturité qui saura se développer à la faveur d’une dotation de 300 000 euros (qu’il compte investir dans l’implantation de son atelier à Paris afin de travailler avec des artisan·es locaux·les) et des conseils d’Anthony Vaccarello, mentor de cette édition 2024 de l’ANDAM.

Le lauréat Emeric Tchatchoua © Nathan Yamniak.

Une célébration de la pluralité et de la mixité

L’histoire d’Emeric Tchatchoua est aussi celle d’une Illiade vers Paris, ou devrait-on plutôt parler d’une Odyssée de l’enfant du 15ème qui après 18 ans à Montréal, au Québec, est définitivement revenu dans la capitale française qui l’a vu naître et qui le célèbre aujourd’hui face à un parterre de professionnels et de passionnés de mode.

Son authenticité teintée de vulnérabilité, nourrie par un esprit d’équipe indéfectible a su faire chavirer le cœur du jury composé cette année de personnalités iconiques comme Catherine DeneuveRoséVirginie EfiraBéatrice DalleVirginie DespentesEmmanuelle Alt ou encore Carla Bruni qui, au détour d’un échange spontané, nous a partagé sa tendresse pour les designers sachant “saisir le parfum du temps tout en gardant en elles et en eux quelque chose d’inaltérable”.

À travers 3.Paradis, le parisien lauréat du Prix spécial mélange l’excellence des savoir-faire, la puissance des messages, la singularité des styles, la richesse des cultures pour créer une mode luxueuse, onirique et inspirante qui habille celles•eux qui osent rêver et prendre leur envol. “Une métaphore pour le vivre ensemble en somme”, susurre le designer derrière ses lunettes noires.

Le lauréat Edmond Luu © Nathan Yamniak.

Par-delà son 93 natal, Edmond Luu, fondateur de la marque de prêt-à-porter masculin Pièces Uniques en 2016, a quant à lui savouré son prix Pierre Bergé remis des mains de la ministre de la Culture comme une véritable fierté pour les banlieues, sa victoire devenant le symbole d’“une représentation de la France de demain, des visages qu’aujourd’hui beaucoup de gens ne veulent pas accepter” et dont il se fait le porte-voix.

C’est surtout, pour le geek et otaku assumé, un encouragement à poursuivre l’exploration de ses espaces d’inspiration que sont les mangas, les bandes dessinées, les films de science-fiction et les personnages fantastiques qu’il crayonnait lorsqu’il était enfant.

Le styliste aspire désormais, grâce à la dotation de 100 000 euros qui accompagne son prix, à sortir des 4 murs de sa chambre pour créer dans un vrai studio et faire évoluer tous les process de sa marque afin de la rendre plus écoresponsable.

Le lauréat Christian Heikoop © Nathan Yamniak.

Un pari sur l’avenir… durable

Côté accessoire de mode, le timide Christian Heikoop, fondateur de Maeden, a su convaincre avec son approche visionnaire de la maroquinerie et son attention minutieuse aux détails et à la qualité. À quelques minute de son entretien face au panel de juré·es réuni·es au HQ Saint Laurent, rue Bellechasse, le néerlandais nous confiait faire grand cas que “sa marque respecte un équilibre entre un design innovant et un cuir 100 % vérifiable et traçable pour donner vie à des produits intemporels et raffinés”.

Nouveauté de cette édition anniversaire pas comme les autres, le prix de l’Innovation 2024 a été remporté par Alternative Innovation, sélectionné par un comité d’expert·es de la mode et de l’innovation. Avec sa technologie brevetée AlterskinTM, la start-up française propose une biorésine végétale à mémoire de forme, ressourçable à l’infini et qui peut avoir plusieurs usages et applications: coating, spray, textiles enduits ou encore matériaux souples biosourcés.

Que d’initiatives qui donnent foi en l’avenir, à l’instar de la carrière de ces lauréats que nous suivrons de très près, bien évidemment.