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Comment la créatrice Priya Ahluwalia s’est imposée dans la mode masculine
Depuis qu’elle a remporté le H&M Design Award en 2019 avec sa collection de fin d’études, Priya Ahluwalia se démarque par ses créations éco-responsables aux inspirations mêlant sportswear et années 90, influencées par ses origines indo-nigérianes et jamaïcaines. A travers son propre label Ahluwalia, la créatrice britannique donne un nouveau souffle à la mode masculine, à laquelle elle infuse une dimension engagée.
Par Anna Venet.
NUMÉRO : Vous avez passé votre jeunesse à Londres et vous y vivez toujours. Que pensez-vous de la mode londonienne et comment vous a-t-elle inspirée ?
Priya Ahluwalia : La mode londonienne est moins traditionnelle que la mode française et italienne, et moins commerciale que la mode américaine. Elle est courageuse, tout en étant utile. Londres est un bel endroit pour exprimer sa créativité. Ici, on écoute toutes les idées et toutes les personnes, quelque soit leur origine.
Pourquoi avoir choisi de créer votre propre label ? Être créatrice de mode était une évidence pour vous ?
J’ai toujours voulu être créatrice de mode depuis aussi longtemps que je m’en souviens. J’ai d’ailleurs étudié la mode à l’Université de Westminster. Mais je souhaitais travailler pour moi-même, et avoir ma propre marque. C’était très naturel pour moi d’avoir mon propre environnement et d’avoir un lieu de travail à mon image.
Aujourd’hui, vous créez des vêtements aussi bien pour les hommes que pour les femmes, mais ça n’a pas toujours été le cas. Pourquoi avoir choisi de faire seulement des collections masculines au début ?
J’adore la mode masculine. Beaucoup de traditions sont rattachées aux vêtements pour hommes. Mais, ils portent toujours la même chose. C’était une bonne opportunité pour moi et presque un challenge de faire évoluer le vestiaire masculin.
Comment définiriez-vous votre label ?
C’est une question difficile. Mon label raconte de véritables histoires. C’est un label juste, inclusif et mystérieux. Il y a toujours une part de nostalgie mais aussi de futur dans mes créations. Ma griffe regarde vers le passé, vers le présent et vers le futur en même temps.
Quelles sont vos inspirations premières ? Y’a-t-il des designers qui vous fascinent particulièrement ?
Je m’inspire de ce qu’il y a autour de moi, mais surtout des différentes cultures, en particulier la culture noire et sud-asiatique. Car aujourd’hui, la mode est encore très centrée sur l’Occident.
Est-ce que vos deux pays d’origine, le Nigeria et l’Inde, influent sur vos créations ?
Oui, absolument. Avant la pandémie, j’ai beaucoup voyagé là-bas et j’ai rencontré beaucoup de personnes et vu beaucoup de choses. Ces deux pays m’inspirent naturellement. Ils racontent des histoires que l’on entend jamais.
Vous utilisez des matières recyclées et des pièces vintages pour vos collections. En quoi est-ce important pour vous que vos créations soient éco-responsables ?
Il y a déjà bien assez de vêtements et de tissus dans le monde. On peut utiliser la mode pour inverser la tendance et avoir une marque éco-responsable qui ne produit pas à l’excès et réutilise des matériaux et pièces anciennes. En étant au courant de la problématique environnementale autour de la mode, je ne pourrai pas créer autrement.
Vous avez réalisé des collaborations avec Adidas, Ganni puis Mulberry plus récemment. Comment avez-vous appréhendé le fait de travailler avec d’autres créateurs ?
J’adorerais refaire d’autres collaborations si elles sont tournées vers le positif. C’est assez amusant de travailler avec d’autres marques car on partage nos idées et nos processus de création. Pour faire une collaboration, il faut que j’ai des points communs avec l’autre créateur, comme l’inclusivité et la durabilité.
Vous mettez en avant des communautés victimes d’oppression dans vos collections. Pensez-vous que la mode se doit d’être engagée aujourd’hui ?
Je suis très affectée par le racisme, et par les manifestations autour du mouvement Black Lives Matter. Je suis noire, et je pense qu’il faut parler de ça. Cela affecte forcément mon travail, et je pense que c’est important de faire passer un message à travers la mode. Tout le monde doit être respecté, peu importe d’où l’on vient.
Comment voyez-vous l’avenir de votre griffe ? Quel est votre but ultime ?
J’aimerai continuer de créer des collections pour femmes au même titre que mes collections masculines. A l’avenir, j’aimerai pourquoi pas développer une ligne pour la maison avec des tenues d’intérieur et du mobilier. Enfin, mon but serait d’avoir une équipe complète, avec des personnes talentueuses autour de moi, et de pouvoir faire ce que je souhaite en terme de création.
Elle a commencé sa carrière il y a seulement deux ans et pourtant, elle est déjà considérée dans le menswear comme l’une des créatrices les plus prometteuses. Entre son H&M Design Award 2019, sa nomination au prix LVMH 2020, son fashion film Joysalué au Gucci Fest 2020 et sa consécration en 2021 avec le Queen Elizabeth II Award, le CV de Priya Ahluwalia est déjà bien rempli. C’est grâce à ses collections masculines inspirées par l’allure des nineties et le style sportswear que la jeune Londonienne s’est fait une place dans le monde (souvent difficile à atteindre) de la mode. Ce qui la diffère de ses homologues, c’est son processus créatif respectueux de l’environnement, et ce depuis ses débuts lorsqu’elle était encore étudiante. Toutes ses pièces sont entièrement fabriquées à partir de pièces vintage et de chutes de tissus. Mais ce qui fait vraiment de son label « Ahluwalia » une marque à suivre de très près, c’est son aspect engagé.
Née au Nigéria en 1992, d’un père nigérien et d’une mère indienne, Priya Ahluwalia utilise ses collections pour sensibiliser le monde aux injustices sociales et au racisme, et s’inspire de ses racines pour imaginer ses vêtements riches en couleurs et motifs. Après avoir publié deux livres de photographies très personnels explorant ses deux pays d’origine, la créatrice s’est aussi ouverte aux collaborations, avec une première collection avec Adidas, une seconde avec la marque scandinave Ganni et une dernière plus récemment avec Mulberry. Numéro a rencontré Priya Ahluwalia, une créatrice sur tous les fronts, qui vient de lancer une ligne féminine en plus de ses collections pour hommes.
Elle fait partie de cette nouvelle génération qui donne à la mode masculine un nouveau tournant. Depuis ses études de mode à l’Université de Westminster, Priya Ahluwalia crée des vêtements pour hommes selon un processus éco-responsable qui mêle de multiples inspirations, de sa nostalgie pour les années 90 à son appétence pour le sportswear et les couleurs foisonnantes, en passant par ses origines indo-nigérianes et jamaïcaines. Tout comme Bianca Saunders, lauréate du prix de l’Andam 2021 qui réinterprète les classiques du vestiaire masculin tout en plaçant l’artisanat au cœur de son processus créatif, ou encore Grace Wales Bonner, couronnée du prix LVMH en 2016 qui croise références européennes et africaines dans ses créations, la jeune femme fait du Royaume-Uni le berceau du renouveau d’une mode qui allie technique, modernité et engagement.
Un engagement fort
“Aujourd’hui, la mode est encore très centrée sur l’Occident”, déplore Priya Ahluwalia. Née au Nigeria en 1992, d’un père nigerian et d’une mère indienne, la créatrice utilise dès ses débuts ses collections pour sensibiliser le monde aux injustices sociales et au racisme. Le contexte multiculturel dans lequel elle a grandi la pousse à imaginer des vêtements riches en couleurs et motifs, où elle inscrit par exemple les mots “Nigeria” et “Liberation”, mais aussi à mettre en avant certaines communautés rencontrées lors de ses nombreux voyages dans ses deux pays d’origine qui, selon ses mots, “racontent des histoires que l’on n’entend jamais”. Pour affirmer ces engagements, Priya Ahluwalia a également publié deux livres de photographies très personnels. Le premier, intitulé Sweet Lassi, dénonce la problématique du surplus de vêtements occidentaux dans certains pays asiatiques dont la créatrice prend conscience lors d’un voyage à Lagos puis en Inde avec sa famille : prises par elle-même, les photographies immortalisent d’énormes tas de vêtements autant que des portraits de locaux. Dans son second livre, Jalebi, la jeune femme se concentre sur les communautés indiennes de Grande-Bretagne, appelées “Punjabi”, dont elle fait elle-même partie, à travers des clichés signés par Laurence Ellis et des entretiens avec ces personnes, résidant au sein du quartier de Southall à Londres. Car si Priya Ahluwalia explore ses origines familiales dans son travail, la jeune femme s’inspire également beaucoup de la capitale britannique où elle a grandi, en revisitant par exemple dans ses créations le tailoring à coup de coupes oversize et motifs rétro. “La mode londonienne est courageuse tout en étant utile, déclare-t-elle avec enthousiasme. Ici, on écoute tout le monde, peu importe d’où l’on vient.”
L’écologie au cœur de son identité
Depuis ses débuts, que ce soit pendant ses études ou lors des prémices de la fondation de son label en 2018, Priya Ahluwalia place l’écologie au cœur de son processus créatif. Face à l’expansion du greenwashing, où de nombreuses marques communiquent en utilisant l’argument écologique de manière trompeuse pour améliorer leur image, la créatrice crée avec conviction des collections respectueuses de l’environnement, entièrement fabriquées à partir de vêtements vintage et de chutes de tissus. “En étant au courant de la problématique environnementale autour de la mode, je ne pourrai pas créer autrement”, affirme-t-elle. Comme de nombreux créateurs, la Britannique s’est rapidement ouverte aux collaborations, notamment avec Adidas, dont elle a revisité l’une des paires de baskets emblématiques, puis avec le label scandinave Ganni avec qui elle a imaginé une collection féminine ultra rétro, et plus récemment avec la maison anglaise Mulberry pour une capsule de sacs. Mais pour chaque projet, la créatrice met un point d’honneur à s’associer à des enseignes dont elle partage les valeurs, comme un processus de création respectueux de l’environnement, des collections inclusives et des pièces durables.
Déjà plusieurs consécrations
La carrière de Priya Ahluwalia débute il y a seulement deux ans, lorsqu’elle a lancé son propre label. Mais dès 2019, la jeune femme remporte le H&M Design Award avec sa collection de fin d’études, qui mêle profusion de couleurs et esprit nineties à des matériaux recyclés et tissus durables. Très vite, tout s’enchaîne. Après avoir été nommée pour le prix LVMH 2020, elle est choisie par Alessandro Michele, directeur artistique de Gucci, pour prendre part au GucciFest, un festival de films de mode diffusé sur plusieurs plateformes numériques qui met notamment en avant quinze créateurs émergents. Tout comme ses confrères et consœurs, à l’instar du Français Charles de Vilmorin, du Britannique Stephan Cooke mais aussi de la chinoise Rui Zhou, la créatrice réalise dans le cadre de ce festival un court-métrage intitulé Joy, qui célèbre la beauté des différentes cultures africaines et la force des personnes noires à travers plusieurs portraits émouvants de poètes, activistes ou encore figures matriarcales. Dans ce film, elle présente aussi sa dernière collection en date, mêlant imprimés graphiques et contrastés tout droit sortis des années 90, polos et vestes à zip, pantalons et chemises à boutons en denim bleu clair. Plusieurs silhouettes féminines y apparaissent également, annonçant l’ouverture de la jeune femme vers le prêt-à-porter pour femmes. Une belle consécration pour une créatrice déjà considérée comme l’une des plus prometteuses de sa génération.