Le futur de la mode africaine célébré aux Galeries Lafayette
Jusqu’au 8 juillet prochain, le pop-up store Canex présente l’Afrique investit les murs des Galeries Lafayette. Co-imaginé par l’initiative Canex et le salon de mode Tranoï, l’évènement aspire à célébrer la nouvelle garde de la création de mode africaine, du Maroc au Kenya. Numéro a rencontré les quatre créateurs exposés à cette occasion aux Galeries Lafayette.
propos recueillis par Jordan Bako.
Publié le 30 juin 2025. Modifié le 4 juillet 2025.

Canex présente l’Afrique : les Galeries Lafayette exposent quatre créateurs africains
Magasin historique et très fréquenté de la mode française et internationale, les Galeries Lafayette accueillent jusqu’au 8 juillet prochain un corner consacré à la création africaine. Créé sous l’impulsion de l’initiative Canex fondée par la banque Afreximbank, ainsi que du salon de mode Tranoï, le pop-up store Canex présente l’Afrique invite quatre designers à investir les murs du grand bâtiment du boulevard Haussmann, où sont également vendues leurs créations.
Issus de part et d’autre du continent, ces créateurs formulent quatre propositions artistiques, témoignant de la ferveur qui anime la création africaine contemporaine. Des marques émergentes attentives à l’appel à une mode plus durable, qui ont déjà conquis les Fashion Week de Lagos et de Paris. Zoom sur ces quatre designers.

Late for Work, la jeune marque marocaine qui repense l’officewear
Alors que l’officewear fait son grand retour sur les podiums, Youssef Drissi s’amuse à en explorer les retranchements avec son label Late for Work. Des pantalons à pinces à l’éternel blazer, la marque marocaine déstructure des pièces emblématiques du vestiaire office-friendly – à l’image d’un empiècement de nuisette qui se retrouve, par exemple, arboré à l’avant d’un pantalon de costume à rayures. Opérant ainsi un subtil détournement des normes étriquées dans lesquelles sont enfermées nos vêtements de bureau. “C’est une manière de déconstruire et de se soulever contre un système trop formalisé. Avant ma marque, je devais forcément porter des pièces jugées appropriées, respecter un code vestimentaire précis, pour intégrer certains endroits.”
En concevant des lignes de vêtements à partir de tissus inutilisés par d’autres maisons de mode, c’est donc toute une grammaire de l’officewear que repense Late for Work. Une marque née de la volonté de rébellion d’une jeunesse en pleine effervescence à Meknès, ville d’origine de son créateur. “Avec ce label, je voulais m’affranchir de toutes les façons de penser archaïques. J’essaie de trouver un juste milieu entre mes origines, mon environnement et le fait d’évoluer dans un monde global et digitalisé.”

Boyedoe, l’upcycling au cœur de la mode ghanéenne
Cette année, David Kusi Boye-Doe est arrivé semi-finaliste du prestigieux Prix LVMH, seulement cinq ans après le lancement de sa marque Boyedoe. Un accomplissement qui témoigne de l’ascension fulgurante du label ghanéen spécialisé dans l’upcycling, aujourd’hui proposé aux Galeries Lafayette. “Depuis mes années en école de mode, j’ai toujours fait de l’upcycling. C’est un processus qui constitue la base même de mes productions, qu’il s’agisse des matériaux que je dénichais en friperies et revendais par la suite à aujourd’hui”.
En résulte un vestiaire hybride, mêlant des tissus traditionnels ghanéens tels que le kente, cette étoffe aux motifs colorés autrefois réservés aux rois, à d’autres formes de textile comme le jean. Une ode à une identité ghanéenne en constante métamorphose, sans rompre pour autant avec ses traditions. “J’aime croire en l’héritage culturel. En tant que designer, il s’agit de beaucoup plus que de simplement vendre des vêtements. C’est un véritable sentiment de responsabilité de brandir haut notre culture. Et avec Boyedoe, j’aime croire que c’est ce que je suis en train d’accomplir.”

Wuman, la marque nigériane qui élève la mode au rang d’art
Ce n’est pas exactement à la mode que Chukwuma Ekwerike se destinait initialement. D’abord mordu d’art et de littérature, il poursuit des études de médecine à l’université de Port Harcourt au Nigéria. En 2013, le designer se rend compte que si l’anatomie humaine lui parle, c’est parce qu’il veut en vêtir les courbes plutôt que de la soigner. “En tant qu’artiste, c’était une évidence pour moi de retranscrire mon art en vêtements. Donc j’ai commencé à faire de la mode par pure volonté de m’exprimer.” Ainsi naît Wuman, un label qui doit aussi bien son nom aux quatre dernières lettres du prénom de son créateur, qu’à la fascination qu’il voue à la mode féminine (en référence au mot anglais woman).
Chukwuma Ekwerike retranscrit ainsi sa passion pour l’art par les lignes graphiques qu’il dissémine dans ses créations, des rayures qui strient ses blazers aux imprimés qui jalonnent ses chemises. “Je tente de créer quelque chose d’éclairé, qui tente d’inciter les autres à saisir la profondeur de l’art et du design du continent africain. Lorsque l’on voit les vêtements, ils sont beaux, parfois enjôleurs, parfois provocateurs. Mais j’essaie de leur conférer bien plus qu’une simple beauté matérielle.” Le designer puise alors l’inspiration aussi bien dans les tableaux de Basquiat que dans la cosmologie Igbo, ethnie du sud-Est du Nigéria. “J’ai décidé d’écrire à propos de ce qui m’inspire et des interprétations que je cache dans mes vêtements. Comme ça, lorsque les gens achètent mes créations, ils savent quelles parties de moi ils emportent avec eux.”

We Are NBO, des créations joaillières kényanes aux Galeries Lafayette
2016, Nairobi, Kenya : le designer Michael Ngatchu lance le label We Are NBO, animé par un profond sentiment de frustration. Celui de voir le labeur d’artisans noirs du pays être bafoué, voire spolié par d’autres maisons de mode qui ne leur accordent pas l’attention qu’ils méritent. “Je n’étais pas à l’aise avec la manière dont nous étions représentés, que ce soit au grand public ou même à des investisseurs.” We Are NBO est donc le nom d’un projet collaboratif, tissé entre le designer et un réseau d’artisans locaux.
L’objectif poursuivi par la marque ? Donner l’opportunité de travailler avec des équipements de pointe et de placer la scène artisanale kényane sous les feux des projecteurs internationaux. On retrouve ainsi aux Galeries Lafayette aussi bien des colliers faits de fines lignes d’or, inspirées par les formes fluides de l’eau, qu’un assortiment de bagues et de colliers chunky comme modelées à la main.
En résulte ainsi une myriade de créations joaillières produites de manière éthique et respectueuse de l’environnement. “Ce que j’aime avec la bijouterie en général, c’est qu’il y a la possibilité d’en faire quelque chose de durable. L’or, les diamants et l’argent que l’on emploie peuvent traverser les générations. Et en tant que personne spirituelle, il y a quelque chose d’extrêmement apaisant en cela : notamment dans le fait de ne pas gaspiller inutilement les ressources du monde.”
La boutique Canex x Tranoï est à retrouver jusqu’au 8 juillet 2025 au 3e étage des Galeries Lafayette Homme Haussmann, Paris 8e.