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À l’Arpège, le chef Alain Passard dévoile un salon décoré par les maisons Lesage et Goossens
Réputé dans le monde entier pour son restaurant l’Arpège, trois étoiles au guide Michelin, au sein duquel il propose une cuisine légumière exquise, Alain Passard inaugure, dans la cave, un salon décoré par le brodeur Lesage et l’orfèvre Goossens. Numéro a rencontré le chef français qui a révolutionné la gastronomie française.
Par Léa Zetlaoui.
En 2001, alors que son restaurant parisien l’Arpège fait partie de la courte et prestigieuse liste des restaurants couronnés de trois étoiles au Guide Michelin, le chef Alain Passard ose l’impensable : retirer la viande rouge de ses menus pour mettre en majesté les légumes. Une révolution en totale rupture avec la tradition culinaire française qui émane de la démarche personnelle d’un chef souhaitant retrouver l’inspiration et faire évoluer sa cuisine vers des contrées rarement explorées, celles du monde végétal. Depuis cette année fatidique, celui qui s’impose comme pionnier de la gastronomie végétarienne est devenu propriétaire de jardins potagers – le Gros Chesnay, dans la Sarthe, et le Bois Giroult, en Normandie – qui lui fournissent l’intégralité des ingrédients qu’il sert aujourd’hui dans son célèbre restaurant de la rue de Varenne. Vingt ans plus tard, la cuisine d’Alain Passard a conservé tout son panache et ses étoiles Michelin grâce à des plats d’une créativité folle qui associent saveurs et textures d’une façon si exquise qu’ils laissent une empreinte indélébile dans les mémoires. Pour offrir aux amateurs de sa cuisine une expérience d’autant plus exceptionnelle, Alain Passard a récemment créé, dans la cave XVIe siècle du restaurant, un merveilleux décor de serre sublimé par les savoir-faire des maisons Lesage et Goossens en matière de broderies et d’orfèvrerie. Des toiles de lin, ornées des plats signature du chef (comme le carpaccio de concombre et prune reine-claude au basilic, la tarte aux pommes “bouquet de roses”, la salade de fraises et oignon printanier à l’huile d’olive, ou encore l’artichaut poivrade à la fleur de bourrache blanche et livèche), peintes et brodées de perles par la maison Lesage, habillent la structure voûtée des lieux, de part et d’autres de laquelle se déploient une délicate vigne vierge aux feuilles de laiton doré à l’or fin signée de la maison Goossens, où se cachent papillons et libellules ainsi que les épis de blé emblématiques de la maison, eux aussi en laiton doré. Au milieu de cette atmosphère onirique, les plats végétariens d’Alain Passard révèlent toute leur somptuosité. À l’occasion de l’inauguration de ce nouveau salon, Numéro a rencontré ce chef hors du commun.
Numéro : Vous venez de redorer la cave de l’Arpège en collaboration avec les maison Lesage et Goossens, pourquoi avoir fait appel à leur savoir-faire?
Alain Passard : J’ai la chance d’avoir grandi dans une famille très artistique, mon père était musicien, ma grand-mère une passionnée de cuisine, mon grand père était rotinier-vannier et ma mère, passionnée de couture. J’ai toujours vécu dans un espace où la main et le geste étaient présents et j’ai toujours été attiré par la couture. Exposer dans mon restaurant un métier que je n’ai pas pu exercer me plaisait. J’ai donc un jour appelé la maison Lesage pour leur soumettre l’idée et ils ont adoré. Ce genre de décor n’a jamais été vu dans un restaurant!
Avez-vous trouvé dans le métier de chef cuisiner des similitudes avec le monde de la couture?
Oui! Il y a une approche similaire de la couleur et des saisons chez le couturier et le cuisinier. En cuisine, on se désaltère en été et on se réchauffe en hiver, tandis que le couturier travaille en hiver des matières chaudes, et en été, du lin de la soie.
Qu’avez-vous ressenti la première fois que vous avez découvert l’espace?
Oh ! chaque jour, je découvre ce salon comme si était la première fois, et j’y découvre des détails que je n’avais jamais vus. Je suis sous le charme, ému et troublé de voir ce que nous avons réalisé avec les maisons Lesage et Goossens.
Parmi les dessins brodés qui ornent le salon, l’un d’entre eux vous plaît-il particulièrement ?
La tarte aux pommes “bouquet de rose”, car en la regardant de plus près, je me suis aperçu que Murielle avait orné chaque bordure de pommes d’une petite gaze qui représente le beurre chaud. C’est ravissant.
En exerçant votre métier de chef, vous sollicitez quotidiennement vos cinq sens, c’est une approche unique au monde.
Oui, j’ai la chance de faire un métier qui sollicite tous les jours les cinq sens : au-delà du goût, il y a l’ouïe, avec la cuisson et le chant du feu, la vue, quand je regarde les légumes et prépare les plats, le toucher et la main du cuisinier, qui définit la patte de chaque chef, sa signature, et puis l’odorat qui permet de corriger une sauce. Nos cinq sens, nous les ciselons au quotidien. Et dans mon cas, je change mon approche tous les trois mois avec les saisons, je ne suis pas le même cuisinier avec un céleri-rave en hiver qu’avec une asperge au printemps et une tomate en été.
Parmi les quatre saisons, laquelle est votre préférée?
Je ne peux pas en choisir une ! Quand vous les respectez, vous les aimez toutes. Je vis pleinement chaque saison au point d’oublier les autres. En hiver, bien sûr, il y a moins de fruits et de légumes dans le jardin, mais c’est mon défi quotidien d’être bon dans ce que je fais. Je dis souvent à mon équipe de chefs qu’en hiver, nous sommes des sculpteurs alors qu’au printemps, nous sommes des peintres, avec une cuisine fleurie et tendre. En été, nous sommes des musiciens, nous jouons de la tomate et des aubergines et enfin en automne, nous sommes des couturiers. Ce métier est fabuleux car il offre une infinité de ses possibilités et quand la main du cuisinier est légumière, on frôle l’artistique.
Vous ne regrettez jamais d’avoir arrêté a viande rouge dans votre cuisine?
Jamais, car cette décision m’a permis de découvrir le monde végétal, notamment en achetant les trois jardins. Il n’y a aucune lassitude, car je me renouvelle tous les trois mois. et ça m’a permis de créer les jardins. J’en ai acheté trois il y a vingt ans.
Avez-vous un votre plat signature?
Cela dépend de la saison?
Comme l’été approche, quel est votre plat préféré pour la saison estivale?
En été, il y a le carpaccio de tomate qui est extraordinaire servi avec rien d’autre que de la fleur de sel et le goût de la vraie tomate qui a muri pendant 5 mois.
Arpège. 84, rue de Varenne, 75007 Paris. 01 47 05 09 06.