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Mory Sacko nous raconte ses influences créatives et sa collaboration avec Squarespace
Mory Sacko est devenu en quelques années l’un des chefs les plus acclamés et aimés de France. Et cela n’est pas près de s’arrêter. Car sa créativité s’étend bien au-delà de sa cuisine. Le talentueux chef cuisinier français étoilé vient de collaborer avec Squarespace, une plateforme de création de sites web qui fait figure de référence dans son domaine. Dans le cadre du programme signature Collection de la marque, qui permet à Squarespace de collaborer avec certains des esprits les plus créatifs au monde pour développer des produits sur mesure, il a repensé son site personnel ainsi que celui de son restaurant parisien Mosuke. Et a même aidé à créér un template élégant à destination des restaurateurs, mais aussi des artistes et des entrepreneurs de tout bord. Rencontre avec un homme inspiré et inspirant autour de ses influences créatives.
par La rédaction.
Mory Sacko, un chef inspiré et inspirant
Révélé au grand public lors de l’émission Top Chef en 2020, Mory Sacko est devenu l’un des chefs les plus aimés des Français. Son talent est même reconnu à l’étranger. En effet, le cuisinier a été célébré par une couverture du magazine Time le sacrant comme l’un des “leaders de demains”.
À la tête du restaurant parisien étoilé Mosuke, qui bouleverse les codes de la gastronomie hexagonale, le chef âgé de 32 ans se distingue par sa cuisine raffinée, audacieuse et engagée, qui mêle des influences françaises, africaines et japonaises. Mais aussi par sa personnalité solaire, sensible et attachante. Sans oublier son allure pointue et élégante.
Le chef réinvente son univers digital avec Squarespace
Ce sont ces valeurs, ces qualités et cette esthétique que l’on retrouve aujourd’hui dans son univers digital. En effet, Mory Sacko vient de collaborer avec Squarespace, plateforme de création de sites web devenue une référence à son domaine pour réinventer son site personnel et celui de son restaurant Mosuke.
En plus d’avoir pensé un espace numérique à son image, original, poétique, chaleureux, fonctionnel et épuré, Mory Sacko et Squarespace imaginent un template destiné aux restaurateurs, aux artistes et aux entrepreneurs nommé Héron dans le cadre du projet Collection.
Le charismatique Mory Sacko devient ainsi le premier chef à rejoindre le programme Collection,
une série de partenariats primés à laquelle ont collaboré Björk, Rick Rubin, Magnum Photos et Jeff Koons. Une occasion rêvée, pour Numéro, de s’entretenir avec le chef étoilé sur ce projet exclusive et sur les multiples influences créatives qui le nourrissent.

L’interview de Mory Sacko
Numéro : Vous avez plusieurs fois dit en interview que parler de nourriture, c’était parler de culture, qu’entendez-vous par là ?
Mory Sacko : Quand on prend des recettes et qu’on s’amuse à regarder d’où elles viennent, on se rend compte que leurs origines sont bien plus lointaines qu’on ne l’imagine. Par exemple, la pissaladière du sud de la France n’est pas qu’une spécialité niçoise. Elle a voyagé depuis l’Italie et la Tunisie et existe grâce à un parcours de migration. Il en va de même pour la cuisine nikkei que le chef Nobu Matsuhisa réalise très bien. Cette gastronomie est née de l’immigration de Japonais après la deuxième guerre mondiale, au Pérou. Tous ces Japonais ont voulu faire leur cuisine, mais ils n’ont trouvé que des poissons locaux. Ils ont donc inventé quelque chose de différent, ce que je trouve génial. Cela prouve que la nourriture raconte beaucoup sur la culture. Quand on parle de cuisine, on parle de culture. Pour moi, la nourriture, c’est de la culture. Tout le monde a une recette familiale et une histoire à transmettre. La cuisine est un excellent médium.
Quelles sont les influences majeures de votre cuisine ?
Il y a évidemment le Japon, l’Afrique et la France, mais aussi ma maman. Beaucoup de recettes de mes restaurants sont nourries par des recettes d’enfance et inspirées de souvenirs de plats ou de boissons que je dégustais à la maison. Et ce qui est cool, c’est que je peux activer ces souvenirs quand je veux. J’ai juste à prendre mon téléphone et à appeler ma mère pour lui demander la recette d’un plat. Même si je la suspecte de ne pas dévoiler tous les ingrédients (rires). Parmi les influences de ma cuisine, il y a aussi la saison. Parce que Mosuke se définit comme un restaurant français pleinement ancré dans Paris et dans son pays. On travaille avec la saisonnalité et les produits qu’on va trouver sur le moment. L’idée, c’est vraiment de faire une cuisine d’ailleurs avec des produits d’ici comme des gombos frais provenant de Bourgogne. Il n’y a pas trop de sens à importer. Chez Mosuke, on essaie d’importer le moins de produits possible, tout en concevant une cuisine qui ne gomme pas d’autres identités parce qu’on a aussi besoin de voyager et de découvrir d’autres cultures. L’idée est de combiner les deux exigences. Car il y a quand même un engagement à avoir en tant que chef aujourd’hui. Et l’écologie en fait pleinement partie.
“Parler de nourriture, c’est parler de culture.” Mory Sacko
Votre cuisine s’inspire de la France, de l’Afrique et du Japon… Est-ce qu’un plat doit regrouper ces trois cultures pour être un plat de Mory Sacko ?
Non, le plat ne doit pas forcément faire allusion aux trois cultures en même temps. D’ailleurs, je me suis bagarré très longtemps contre le terme “fusion”. Dans l’idée de fusion, on sous-entend que les différentes cultures doivent être liées de manière inséparable et ne faire qu’un. Alors que chez Mosuke, on parle plutôt d’une conversation entre les cultures… Quand on commence un repas, on peut se retrouver seulement au Japon, en France ou en Afrique. Mais sur la totalité du menu, on ressentira d’autres influences. Parfois, on va venir hybrider un plat, mais d’autres fois, on aura simplement un mafé, un plat malien, réalisé avec des produits français. Les croisements ne sont pas présents dans tout le menu, mais à la fin du repas, on aura l’impression d’avoir fait une balade à travers divers horizons.
Quand vous concevez un plat, qu’est-ce qui prime ?
Quand je construis un plat, je vais seulement être guidé par mon envie. Je vais me demander : “Quel goût ai-je envie de goûter au moment où je cuisine ? Est-ce que j’ai envie que ça pique ? Est-ce que je veux que ça soit acide ? Est-ce que j’ai envie d’un plat rond ? Ou, au contraire, d’un plat qui vient me bousculer ?”

“L’idée, c’est vraiment de faire une cuisine d’ailleurs avec des produits d’ici.” Mory Sacko
Vous venez de repenser votre univers digital. Comment est née votre collaboration avec Squarespace ?
C’est une belle opportunité qui s’est présentée. Squarespace m’a proposé de participer au projet nommé Collection qui invite des artistes de tout bord à collaborer. J’ai tout de suite trouvé ce programme signature vraiment intéressant. Et j’ai très vite compris que la créativité fait partie intégrante de l’ADN de la marque. La plateforme cherche toujours à aller vers de nouvelles choses et à innover, avec un vrai souci porté au détail. La volonté de Squarespace était d’abord de me comprendre. Les équipes voulaient savoir ce que j’aime d’un point de vue créatif, mais aussi d’un point de vue personnel. J’ai donc fait un travail d’introspection en m’interrogeant sur l’identité du restaurant et sur la direction où je voulais l’emmener. Il y avait vraiment l’idée d’apprendre à se connaître, avant même de penser aux sites web et au template. Il s’agissait d’abord d’ouvrir la porte au maximum en me demandant : “De quoi as-tu envie ? Est-ce que tu as déjà des idées ?” Tout a commencé comme ça.
Comment avez-vous retranscrit votre univers en version digitale ?
Je me suis demandé : “Comment faire pour que mes sites internet me ressemblent au-delà du choix des couleurs ?” Et je me suis rendu compte que c’était bien plus large que cette question. Il s’agit plus d’une philosophie. Il fallait que je montre ce qui est important pour moi et ce que j’avais envie que les gens retiennent en venant sur mon site internet. Je voulais pousser l’idée de l’expérience du restaurant. Généralement, on dit que l’expérience culinaire commence dès que l’on pousse la porte de l’établissement. Mais en fait, elle commence dès qu’on arrive sur le site du lieu. Pour un Parisien, c’est évident de savoir quelle heure et quel temps il fait à Paris, mais chez Mosuke, nous avons des clients qui viennent de tous les pays et j’avais envie qu’en allant sur le site du restaurant, ils puissent voir des messages tels que : “Il est 12:51, 22°C” ou “Le service du déjeuner bat son plein.” Ce sont de petites phrases qui évoluent selon le moment de la journée où on se rend sur la page et qui permettent de se projeter dans le restaurant et de se connecter avec son univers. On voulait que les clients sachent ce qu’on est en train de faire et les amener sur quelque chose de sensoriel. C’était aussi une manière de parler des équipes du restaurant en instaurant une certaine proximité entre elles et les clients.
“L’expérience culinaire commence dès que l’on arrive sur le site internet du restaurant, avant même que l’on en pousse la porte.” Mory Sacko
Comment décririez-vous le monde numérique de Mory Sacko et du restaurant Mosuke ?
On y retrouve l’idée d’assemblage parce que mon travail en cuisine n’est que de l’assemblage. J’y mêle différentes influences, inspirations et cultures qui coulissent tout au long du menu. D’où le concept de basculement proposé par les sites, qui jouent sur l’asymétrie. Rien n’y est trop droit ou trop strict. Mon univers digital créé par Squarespace assimile des contradictions. En même temps, il y a cette épure qui est très japonaise sur le site. Il n’y a pas des tonnes de textes et des blocs qui défilent dans tous les sens. Pourtant, on ressent cette chaleur dont j’ai besoin dans ma cuisine, à travers des teintes chaudes. Des tons qui font que l’on se sent bien en les regardant. Et pour finir, je dirais qu’il y a une élégance et une finesse sur les deux sites, que ce soit dans la typo choisie ou dans la manière dont les textes, très soignés par l’équipe rédactionnelle, sont intégrés. Mes deux sites internet sont donc un mélange de sobriété et d’une certaine chaleur qui ajoute de la richesse.
Vous avez à la fois redesigné votre site internet personnel et celui de votre restaurant Mosuke…
Exactement. Et on a quasiment tout imaginé en même temps. La démarche était cependant différente pour mon site personnel et pour celui du restaurant, car ce sont vraiment deux usages différents. Le site du restaurant devait être en grande partie utilitaire, car les clients s’y rendent pour avoir des informations, mais aussi pour réserver. Alors que sur mon site personnel, on pourra en apprendre plus sur moi, mes projets et les différents restaurants (Mosuke, Mosugo).

“C’est important d’avoir du beau.” Mory Sacko
Vous avez aussi aidé à créer un template, Héron, destiné aux restaurateurs et aux créatifs. Quels étaient les éléments essentiels à prendre en compte pour le mettre au point ?
Pour moi, le template d’un site internet ne peut pas être trop compliqué afin de correspondre à l’usage du consommateur d’aujourd’hui. Le site internet d’un restaurant sert par exemple à deux choses : se renseigner sur quelqu’un et réserver. Donc, il faut qu’on arrive simplement à s’informer et à réserver, tout en ressentant en même temps l’atmosphère du lieu. Ce que l’on voulait mettre en place avec Squarespace à travers le template Héron, c’est un outil à la fois facile à utiliser et beau. C’est important d’avoir du beau. En tout cas, dans ma vie, moi, j’aime en avoir autour de moi (rires). Je trouve donc important que ce template soit à la fois esthétique et pas juste utile. Mais aussi, adaptable au maximum pour que les gens puissent se l’approprier. Parce qu’il ne faut pas qu’ils aient l’impression d’avoir le site de quelqu’un d’autre. Avec ce template, les utilisateurs peuvent vraiment créer un site internet qui va leur ressembler, notamment au niveau des coloris proposés.
Pourquoi avoir choisi le héron comme fil rouge de vos sites internet ?
Le héron, c’est un peu l’animal totem du restaurant Mosuke. Chez nous, c’est une métaphore du client. Chez Mosuke, le client est un peu comme le héron dans son vol migratoire. À travers ce vol, il va visiter la France, le continent africain, le Japon et il va déguster ce qu’il y trouve selon ses haltes. Aussi, le héron a une place assez particulière dans les trois cultures qui nous nourrissent, que ça soit en Afrique de l’Ouest, en France ou au Japon.
“Nous avons créé notre propre langue inspirée des écritures ancestrales.” Mory Sacko
Pourriez-vous nous parler un peu de la molangue, une langue utilisée sur vos différents sites web ?
C’est une langue qui s’est créée il y a un peu plus d’un an avec Yorco&Co. Comme on commence à développer d’autres types de restaurations dans notre groupe, on a voulu créer un mini-univers Mory Sacko en gardant les influences de la France, de l’Afrique et du Japon. L’idée est venue lorsqu’on s’est demandé comment faire communiquer les restaurants entre eux. On s’est dit : “Et si on leur créait une langue pour qu’ils puissent se parler entre eux !” À partir de là, je me suis intéressé aux écritures ancestrales qu’on trouve en Afrique de l’Ouest. Et je me suis rendu compte qu’elles se présentaient sous forme de glyphes. Ce qui fonctionnait assez bien avec les kanjis japonais qui sont aussi des glyphes. De là est née une méthode d’écriture que l’on a créée nous-mêmes avec des bâtons et des points. On a imaginé un format syllabique que l’on pouvait enrichir à l’infini.

Sur le site du restaurant Mosuke, on trouve une playlist qui reflète votre univers. Quels sont vos goûts en la matière ?
Je suis très fan de rap français à la base, mais mes préférences ont évolué. Mes goûts musicaux sont un mix de black music avec des notes de jazz, de blues, du Nina Simone et du reggae (notamment des chansons de Bob Marley). Dans la playlist du restaurant, on trouve aussi des artistes que ma mère écoutait quand j’étais petit et qui me rappellent la maison comme le chanteur Salif Keïta.
“En mode, je suis très attentif aux belles matières et aux belles coupes.” Mory Sacko
Côté livres, séries et films, qu’est-ce qui vous nourrit ?
J’adore les mangas, notamment de shōnen. Je lis des mangas et je regarde des animes japonais depuis toujours. Je ne me souviens même plus à quel âge j’ai commencé ! (rires). Ça a vraiment été la base de mon amour pour la culture japonaise. J’ai grandi avec One Piece. Quant au cinéma, j’aime beaucoup Le Sens de la fête d’Éric Toledano et Olivier Nakache, avec Jean-Pierre Bacri, qui parle en partie du milieu de la restauration. Je trouve ce film très touchant, hyper réaliste et très bien écrit.
Et en termes de mode, quels sont ceux dont les démarches de créateurs qui vous parlent ?
Dans la vie comme dans mes looks et dans mon travail, je ne suis pas très couleurs. Donc, ce qui va me toucher, ce sont plutôt les matières et les coupes. Je suis très attentif à de belles matières et des belles coupes. Je pense à des créateurs comme Issey Miyake, pour qui la coupe est très importante et le tissu, original, mais aussi à Lemaire qui imagine des basiques biens structurés. J’aime les vêtements plutôt simples, mais avec un vrai savoir-faire derrière. Alaïa propose des choses magnifiques en ce moment aussi.

Avez-vous une icône ?
Virgil Abloh m’inspire beaucoup. C’est l’un des grands génies de notre époque. Il avait une grande capacité à créer et à être créatif dans de nombreux domaines différents. Il y avait bien sûr les vêtements avec Louis Vuitton (une maison dont le chef est proche, ndlr) et Off-White. Mais il a aussi fait des collaborations avec Ikea ou Baccarat. Il a désigné de nombreux produits et tout ce qu’il faisait buzzait et devenait instantanément cool. Son superpouvoir était d’arriver à capter vraiment l’époque et à faire des choses qui plaisent. Il sentait ce dont les gens avaient envie.
Qu’est-ce que cela vous fait de rejoindre le programme Collection de Squarespace aux côtés d’artistes tels que Björk, Rick Rubin, Magnum Photos et Jeff Koons ?
C’est agréable et flatteur de passer après ces noms-là qui sont des références et de vraies pointures dans leurs domaines. C’est assez beau de se dire que l’équipe de Squarespace est venue me chercher pour ma créativité. Je sais qu’il y a plein d’autres chefs qui sont peut-être plus établis que moi, mais ils sont venus chercher un “package“ en ce qui me concerne et ont trouvé que l’histoire de Mosuke était digne d’intérêt, ce qui m’a touché.
Les sites de Mory Sacko et Mosuke sont en ligne. Le template Héron conçu par Squarespace et Mory Sacko dans le cadre du programme Collection est disponible ici.
