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23 Thom Browne: l'homme qui transforme la mode en spectacle

Thom Browne: l'homme qui transforme la mode en spectacle

Mode Homme

Dans ses défilés théâtraux à la scénographie millimétrée, le créateur américain délivre l’essence de son univers, en tension entre passion du classicisme et obsession quasi fétichiste du détail. Avec cette formule gagnante, Thom Browne s’est acquis un clan mondial de fans qui se reconnaissent à leur costume gris raccourci.

Thom Browne, autoportrait. Polaroid. Thom Browne, autoportrait. Polaroid.
Thom Browne, autoportrait. Polaroid.

Veste étriquée en lainage gris flanelle, assortie d’un pantalon à revers feu de plancher et d’un gilet boutonné en maille du même ton, Thom Browne se présente dans cette panoplie au final de chacun de ses shows, depuis près de vingt ans. C’est à la fois son uniforme et son best-seller dont il a fini par imposer le port dans son studio de création à Manhattan, aux vendeurs de ses boutiques à travers le monde et à l’ensemble des collaborateurs extérieurs lors de ses défilés qui se déroulent désormais à Paris. À cette occasion, des fans de la marque s’habillent également de cette réinterprétation de la tenue du salaryman dans des proportions ajustées comme pour signifier qu’ils appartiennent au clan. Et se soumettent pleinement à son dress code.

 

 

Il y a des règles, un ordre, une hiérarchie, voire un rapport de force et même une idée de domination-soumission qui transparaissent dans chacune des présentations de cet Américain originaire d’Allentown en Pennsylvanie. Quel que soit leur thème souvent ludique, imagé et même cocasse, ces défilés-performances sont dirigés par un maître de cérémonie, avec une foule de mannequins hyper lookés qui prennent des poses précises et une nuée d’assistants qui les aident à se libérer de leurs panoplies souvent transformables à l’aide de boutons, de pressions, de Zip... Le plus mémorable de ces défilés est certainement le premier réalisé en Europe, en marge du Salon Pitti Uomo de janvier 2009 à Florence. Avant, le New-Yorkais avait déjà réalisé quelques shows hors des sentiers battus dans le cadre de la Fashion Week américaine, mais aucun n’avait eu la force de cette mise en scène dans une école militaire, avec des dizaines de bureaux alignés au cordeau, des mannequins qui marchent au pas, suspendent leur trois-quarts à un porte- manteau individuel, puis s’installent à leurs postes de travail respectifs pour se mettre à taper à la machine de concert, comme un seul homme.

 

 

Quelques jours plus tard, à Milan, Thom Browne orchestrait une présentation à la fois différente et régie par une même idée de discipline, de rituels et d’uniformes dans le cadre de sa première collection en tant que directeur artistique de la nouvelle ligne Gamme Bleu de Moncler. Pendant près de dix ans, il occupera ce poste en parallèle à sa marque personnelle et imaginera, chaque saison, des défilés avec une scénographie si poussée que ses créations vestimentaires semblent souvent accessoires, conçues comme des costumes de scène et non des panoplies techniques pour dévaler des pistes enneigées. Qu’importe, la marque a pléthore d’autres modèles plus portables en collection. Les shows du designer américain font admirablement parler d’elle. Et le consommateur masculin d’avoir toujours tendance à acheter des pièces plus simples que celles présentées sur podium.

 

 

À partir de 2007, M. Browne œuvre aussi chez Brooks Brothers qui édite alors une ligne Black Fleece ressemblant beaucoup à ses collections personnelles. Dans le dressing de tout businessman, il est vrai que n’importe quel costume classique en cache souvent un, voire deux et même plusieurs autres quasiment identiques. Aussi, cet autodidacte qui avait étudié l’économie avant de découvrir la mode via un poste de commercial pour Giorgio Armani à New York, ne cherche jamais à contredire la consommation masculine. Au départ, en 2001, sa marque proposait seulement cinq variantes de complet. Aujourd’hui, ses collections – vendues dans quelque trois cents points de vente à travers le monde – sont forcément plus étoffées. Surtout depuis que le groupe Ermenegildo Zegna est entré, en 2018, à hauteur de 85 % dans le capital de sa société. Mais les modèles faisant recette demeurent des déclinaisons de son sempiternel costume phare, qu’il aime morceler, déformer, broder, rapiécer et travestir pour la beauté de shows spectaculaires.

 

 

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