Groupe génial ou surcoté ? Pourquoi le retour d’Oasis divise tant
Le groupe pionnier du phénomène britpop des années 90 se reforme après quinze ans d’absence et annonce une tournée estivale de quatorze dates au Royaume-Uni en 2025. Pourtant, tout porte à croire que Liam et Noel Gallagher divisent encore les mélomanes… Duo légendaire ou fratrie surcotée ? Pourquoi le retour d’Oasis divise-t-il autant ?
Par Alexis Thibault.
Oasis, un duo légendaire de retour après quinze ans d’absence
La dernière fois que l’on a vu Liam et Noel Gallagher sur scène c’était à Paris, en 2009, au festival Rock en Seine. Quoique, pas vraiment… Si l’on en croit la rumeur devenue légende, la fratrie incontrôlable s’était écharpée en coulisses à coups d’insultes de phalanges et de guitare, laissant des milliers de spectateurs sur le carreau. La fête est finie, rentrez chez vous.
Mais la semaine dernière, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe : Oasis, groupe pionnier du phénomène britpop, formation rock sulfureuse qui a secoué l’Angleterre des nineties, duo diabolique faiseur de tubes et distributeur officiel de punchlines se reforme enfin. Les frères Gallagher annoncent une tournée estivale de quatorze dates au Royaume-Uni. Coup d’envoi le 4 juillet 2025 à Cardiff, au Pays de Galles. Malgré les frasques et les foules déçues, tout porte à croire que le fanatisme a encore de beaux jours devant lui.
Une rivalité avec Blur
Pourtant, chez les mélomanes, le clivage reste visible. Lorsque les uns crient au génie, les autres vocifèrent en évoquant une fraude sempiternelle. La faute aux prix exorbitants des tickets pour la tournée, aux innombrables sorties des deux hommes par médias interposés ou aux différentes accusations de plagiat qui ont émaillé leur carrière extraordinaire initiée en 1991 (sous le nom de The Rain avec Liam au chant, Paul Arthurs à la guitare, Paul McGuigan à la basse et Tony McCarroll à la batterie, alors rejoints par Noel).
Problème, la rivalité qui les oppose au groupe Blur existe aussi en interne et mine les membres du groupe. Tout le monde sait pertinemment que Noel et Liam Gallagher ne peuvent pas se piffrer. Et ce dès 1996 : Noel, l’aîné, décide de partir en tournée sans son cadet puisque, après tout, c’est lui qui compose tous les morceaux. Nouvelle ère ou énième baroud d’honneur… Numéro s’est demandé pourquoi le retour d’Oasis divisait tant.
Pour le plus grand bonheur des fans…
Les fans sont en émoi. Oasis vient d’annoncer son retour après quinze ans d’absence. Il faut dire que leur succès aura été extraordinaire. Pour rappel, le troisième disque du groupe, Be Here Now, sorti en août 1997, s’était écoulé à près de 700 000 exemplaires… dès sa première semaine d’exploitation au Royaume-Uni. Record historique. Il faudra attendre 2015 – une certaine Adèle et son opus 25 – pour que l’exploit ne soit détrôné. Mais comment expliquer cet amour indéfectible ?
Numéro a interrogé une de leurs fans pour obtenir quelques éléments de réponse : “Liam et Noel Gallagher ont formé le plus grand groupe de rock anglais des années 90. Pour beaucoup d’entre nous, il s’agissait de la décennie de notre naissance. Leur musique résolument mancunienne était partout, tout le temps. Et Oasis représentait vraiment la culture de Manchester. Si nous voulons absolument les voir sur scène, c’est en grande partie pour la nostalgie et aussi parce que leur retour est un grand moment culturel. Cela fait quinze ans que l’on attend ça… et ce jour est enfin arrivé.”
Les compagnies aériennes se régalent
Preuve supplémentaire de “l’effet Oasis”, l’augmentation des recherches de vols dans la ville galloise de Cardiff, qui, mardi 27 septembre – jour de l’annonce de la réunion – a vu ses recherches multipliées par 121 par rapport aux mêmes dates enregistrées dans l’année. D’après l’agence de voyage eDreams, les recherches internet vers les destinations qui accueilleront les concerts de la tournée ont fortement augmenté, avec une hausse moyenne de 2 838 % le jour même de l’annonce de la tournée.
Les autres lieux n’ont pas été en reste : Manchester a multiplié ses recherches par 8 la semaine dernière (+700 %), Dublin par 7 (+635 %), quant à Édimbourg (+557 %) et Londres (+212 %), elles ont elles aussi connu une hausse exponentielle à la suite de l’annonce de la tournée. En Europe, ce sont les Italiens qui se montrent les plus fervents admirateurs du groupe.
Le grand scandale du prix des billets de concerts pour voir Oasis
Mais cette tournée inattendue a un prix. Et quel prix. Notre fan invétérée témoigne à nouveau : “Je ne vous cache pas que c’est un sujet assez sensible… Samedi j’ai passé six heures en ligne devant mon ordinateur pour essayer d’acheter des places. Mon frère a réussi a en obtenir deux, en fosse, pour 750 livres sterling [890 euros]. Le prix est vraiment scandaleux mais il est à l’image des frères Gallagher… ils s’en battent les couilles.”
Sur les réseaux sociaux, c’est évidemment une autre paire de manches et le courroux des fans déçus fait rapidement enfler la polémique. En cause, un système de “tarification dynamique” qui fait varier le prix de vente des billets en fonction de l’évolution de la demande à l’instar du fonctionnement d’une compagnie ferroviaire ou d’une rencontre de football.
Les plaintes sont tellement nombreuses que les autorités britanniques s’en mêlent. D’autant que, comme d’habitude, des petits malins s’amusent à revendre les billets initialement proposés à 150 livres sterling (178 euros)… à plus de 400 livres sterling (475 euros). Les regards finissent inévitablement par se tourner vers Ticketmaster UK, une société américaine monopolistique spécialisée dans la vente et la distribution de billets de spectacles et d’événements sportifs. La plateforme se défend de toute accusation, prétextant lutter fermement, et depuis toujours, contre la revente de billets.
Oasis, un groupe surcoté pour de nombreux mélomanes
Tout récemment, le programme d’Arte Concert intitulé Tape a dédié l’un de ses épisodes au groupe Oasis. La publication de ce mini documentaire sur les réseaux sociaux – et les commentaires qui en résultent – résume à elle seule le clivage qui divise actuellement les mélomanes. “Résumer Liam Gallagher à un joueur de tambourin est presque criminel quand on connait sa prestance derrière un micro. Il reste l’un des plus grands performeurs des années 90”, lance un premier internaute, repris de volée par un des détracteurs du groupe de Manchester : “Ça fleure bon l’imposture cette formation musicale anglaise.”
Un autre surenchérit aussitôt : “Une bonne petite pop de supermarché produite par deux ego stratosphériques.” En cause, le comportement détestable des deux frères qui n’ont eu de cesse de s’insulter – et de critiquer leurs homologues – par médias interposés, mais aussi les différentes accusations de plagiat qui émaillent leur carrière donnant lieu à de multiples poursuites judiciaires…
On accusera d’abord le morceau Whatever (Definitely Maybe, 1994) d’être beaucoup trop inspiré de How Sweet to Be an Idiot de Neil Innes. L’artiste floué obtiendra réparation à l’issue de l’affaire. Ensuite c’est la firme Coca-Cola qui entre dans la danse en affirmant que le compositeur Noel Gallagher s’est fortement inspiré du morceau I’d Like to Teach the World to Sing de The New Seekers pour son titre Shakermaker (Definitely Maybe, 1994). En 1971, le morceau utilisé dans une publicité avait rencontré un tel succès que le groupe avait enregistré de nouveau le morceau pour surfer sur ce succès commercial. Résultat des courses, Oasis doit verser 500 000$ de dédommagement aux ayant-droits du titre vingt ans plus tard. Citons également Step Out très – voire trop proche pour certains – du Uptight (Everything’s Alright) de Stevie Wonder, sorti en 1965.
Une autre de leurs fans témoigne elle aussi, moins chanceuse, elle n’est pas parvenue à décrocher le précieux sésame : “J’ai découvert Oasis en étant petite. J’aime leurs envolées, les solos de guitare et la voix éraillée de Liam, même si j’ai toujours eu un faible pour les chansons interprétées par Noel. Avec cette tournée, beaucoup veulent retrouver leurs expériences de jeunesse, moi, j’aurais simplement aimé les découvrir sur scène pour la première fois. J’aime leur attitude de cons, leurs provocations et les hommages qu’ils rendent à leurs idoles. Je crois que j’avais vraiment besoin d’eux étant plus jeune. Comme un boost de confiance en moi…” Quoi qu’on en dise, impossible de ne pas reconnaître qu’Oasis a marqué son époque – musicalement et esthétiquement –, et reste à ce jour une formation culte qui a inspiré et inspirera bon nombre de ses successeurs…
Oasis en tournée à partir du 4 juillet 2025 au Royaume-Uni.