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The Velvet Sundown : le sombre succès d’un groupe IA imaginaire
The Velvet Sundown, groupe entièrement généré par intelligence artificielle, a atteint plus d’un million d’auditeurs sur Spotify en quelques semaines. Derrière ses chansons psychédéliques et vintage, aucun musicien réel, mais un projet numérique sophistiqué. Ce succès interroge : l’IA peut-elle vraiment remplacer les artistes humains ?
par La rédaction.

The Velvet Sundown: un mirage numérique au cœur de l’industrie musicale
The Velvet Sundown est apparu en juin 2025 comme une libération vintage. Un quatuor folk psychédélique imaginé pour l’ère du streaming. Avec leurs deux premiers albums, Floating on Echoes et Dust and Silence, ils ont immédiatement captivé près d’un million d’auditeurs mensuels sur Spotify. Problème : le groupe a été présenté comme réel, avec biographies, pochettes, profils de réseaux sociaux et toutes les ficelles d’un lancement type. En réalité… tout était simulé.
En moins d’un mois, le voile s’est levé. Un certain Andrew Frelon, supposé porte-parole du groupe, a d’abord déclaré qu’il s’agissait d’un art hoax. En d’autres termes, un canular artistique, une supercherie délibérée généralement conçue pour dénoncer, critiquer ou interroger le monde de l’art, ses institutions, ses valeurs ou son marché. Une forme d’art conceptuel où le mensonge ou la mise en scène est l’œuvre elle-même.
Mais les incohérences parlent d’elles-mêmes. On distingue, dans les visuels qui inondent la Toile, des doigts étranges et des textures bien trop lisses. On s’interroge également sur l’absence de prestations live du quatuor. La sentence tombe, confirmée plus tard par les plateformes de streaming Spotify et Deezer : The Velvet Sundown n’est que le fruit d’une intelligence artificielle. Des musiciens 100% IA qui n’existent pas. La plateforme française Deezer précise avoir “détecté que ces titres étaient générés par une IA et les avoir exclus des recommandations afin de limiter leur diffusion sur la plateforme.”
Mais si un mythe numérique peut séduire autant d’auditeurs, quel avenir pour l’industrie musicale ? Et où place-t-on la frontière entre art… et arnaque ?
Le succès du streaming et le vide émotionnel
La trajectoire sidérante de ce projet aurait pourtant dû alerter. Trois albums diffusés en quelques semaines, dont Paper Sun Rebellion en juillet 2025, et des pochettes d’albums façon Magritte, quasi similaires les unes aux autres. Quant au style, il s’articule autour d’une pop psyché teintée d’americana. Et voilà que le single Dust on the Wind atteint près de deux millions de streams…
Malgré les mélodies vintage et la production soignée, les paroles simplistes et la structure des morceaux, trop convenue, sont forcément l’œuvre d’instruments fantomatiques. Le phénomène Velvet Sundown n’est rien d’autre que l’incarnation d’un tournant : l’IA n’est plus cantonnée aux beats ou à la masterisation. Elle compose désormais des albums entiers qui plaisent… sans âme. Et les plateformes, qui privilégient un flux continu de contenus, semblent complices. Spotify n’a, pour l’instant, pas imposé de label IA, comme le réclament certains insiders. Pourtant, la transparence fait débat. The Velvet Sundown est la démonstration la plus radicale à ce jour de ce que la musique peut devenir quand l’IA prend la main.
De Timbaland à Spotify : les dérives de l’intelligence artificielle
Le cas Velvet Sundown est symptomatique des dérives possibles de la technologie dans la musique. Des figures comme Elton John, Dua Lipa ou Paul McCartney militent déjà pour l’interdiction de la création 100 % IA. Roberto Neri, directeur de l’Ivor’s Academy, appelle quant à lui à davantage de transparence… Car “des questions de droits d’auteur et de consentement demeurent.”
Pendant ce temps, Spotify reste en retrait. Leur programme interne “Perfect Fit Content”, déjà pointé du doigt en 2024, permettait de créer de la musique discrètement facturée moins cher. Aujourd’hui, l’absence de signalement des chansons IA pose un vrai problème de moralité : on ne peut avaler des millions de streams sans savoir qui a créé l’œuvre.
Sur ce même front, le producteur Timbaland vient de franchir un cap. Avec son label Stage Zero et son artiste virtuel TaTa, il affirme que “les outils existent et donc que la porte est ouverte.” À ce propos, l’outil Suno, utilisé pour The Velvet Sundown, est aussi celui qui a façonné l’artiste IA TaTa. D’aucuns y voient une symphonie optimiste, où l’IA libère la créativité. D’autres y perçoivent un effacement pur et simple de l’être humain.
Quant à la plateforme Spotify, elle reste sous pression pour clarifier ses politiques. Plusieurs voix demandent l’obligation d’étiquetage immédiate des œuvres générées par IA. Sans cela, le streaming pourrait dégrader la valeur artistique, noyé dans un océan de contenus neutres et interchangeables.