Stella Rose Gahan, fille d’une légende du rock, mannequin et chanteuse à suivre
Fille d’une légende du rock, l’élégant Dave Gahan de Depeche Mode, Stella Rose Gahan sort, ce 13 décembre, un EP électrisant qui lorgne du côté de PJ Harvey et de Fever Ray. L’occasion de rencontrer une jeune fille passionnée, punk et charismatique, qui a également séduit la mode (Celine, Riches Enfants Déprimés, Ann Demeulemeester).
propos recueillis par Violaine Schütz.
La charismatique et très punk Stella Rose Gahan alias Stella Rose, 25 ans, a beau être la fille de Dave Gahan, leader iconique du groupe Depeche Mode, c’est plutôt sur les traces de Nick Cave, de Fever Ray et de PJ Harvey qu’elle marche avec sa musique électro-rock habitée et bruitiste.
Après un premier album envoûtant, Eyes of Glass, sorti en 2023, la chanteuse publie un nouvel EP ce 13 décembre 2024, Hollybaby, qui devrait lui permettre de se faire un prénom.
Stella Rose, fille de Dave Gahan, mannequin et rockeuse talentueuse
Porté par le single vénéneux M.S 45 (le nom d’un film sanglant signé Abel Ferrara), ce nouveau projet s’avère plus électronique et dark pop mais toujours aussi fascinant. Produit par Yves Rothman (Yves Tumor, Blondshell, Eartheater, The Horrors) et enregistré durant un été caniculaire à Los Angeles, l’abrasif et sexy Hollybaby nous projette dans un univers caverneux et poétique, rappelant à l’a fois le punk de la fin des années 70, la musique industrielle des eighties et le rock alternatif des années 90.
Avec sa dégaine (cheveux blonds décolorés et silhouette filiforme), l’artiste nous évoque aussi les années CBGB. Cela n’a pas échappé au milieu de la mode, friand de figures atypiques. La New-Yorkaise est aussi mannequin, signée chez Ford Models. Proche de la maison Celine et d’Ann Demeulemeester, elle enchaîne ainsi les shootings, a défilé pour le label Enfants Riches Déprimés et posé pour le diary d’Hedi Slimane. Rencontre, à Paris, avec une artiste à suivre de près…
L’interview de la chanteuse Stella Rose
Numéro : Comment décririez-vous votre musique ?
Stella Rose : J’aurais du mal à la définir en évoquant un genre musical car je pioche dans plusieurs styles différents. Je dirais que mes chansons retranscrivent ma vie, avec ses hauts et ses bas. C’est pour ça que certains morceaux sonnent plus agressifs que d’autres. Ma chanson Angel ressemble à une bouffée d’air frais, par exemple. J’aime avoir les deux : le Yin et le Yang. Mais il y aussi toujours quelque chose de théâtral et de dramatique dans ma musique. Et mes paroles sont toujours très personnelles et je l’espère, poétiques. Je me sens plus comme une poétesse (si ce métier existe) qui transforme des textes en m’accrochant à certains mots, phrases ou rythmes. On ne peut pas dire tous les mots dans une chanson. Il faut en sacrifier certains pour que ça sonne bien. Alors, dans le futur, j’aimerais écrire une sorte de livre de poésie pour montrer mon processus de création.
De quoi parle vos chansons ?
Il y a une chanson pour chaque sentiment éprouvé au début de ma vingtaine. C’est l’âge où vous sortez avec différents types de personnes et vivez de nouvelles choses. Vous ressentez un désir très fort mais vous traversez aussi des épisodes de dépression. Tout est intense. J’ai l’impression que ce qu’il y a de beau dans mon premier album, Eyes of Glass, et dans la création musical en général, c’est que je peux revenir écouter les anciennes chansons pour voir qui j’étais alors et comment j’ai évolué. Ma chanson Muddled Man parlait, par exemple, au moment de l’écriture, d’un type que j’ai daté ou d’un c…..d que j’ai croisé dans ma vie. Mais aujourd’hui, je me dis qu’il s’agissait peut-être plus d’une réflexion sur ce qui m’attirait à l’époque et qui j’étais alors. J’ai l’impression que mon premier album, consistait à purger tout ce que je vivais à l’époque. Et maintenant, je peux le regarder et passer à autre chose.
“Beaucoup de gens ressentent une pression pour incarner un personnage sur Instagram et s’éloigner, publiquement, de leur côté sombre.” Stella Rose
À quel point votre musique est-elle cathartique ?
Mon écriture est l’endroit qui me permet d’exposer les sentiments les plus sombres qui m’animent. Je ne suis pas quelqu’un qui a peur de la vie, ni des gens, ni de nouer des connexions avec les autres. Mais je ressens beaucoup de choses et je suis très sensible. Quand je joue de la musique, surtout sur scène, je peux évoquer une autre facette de moi qui ne ressort que lorsque je suis seule à la maison, que je me promène ou que j’écoute de la musique. De la même manière qu’on ne peut pas comprendre totalement quelqu’un dès la première interaction, il se passe sans doute la même pour mes morceaux. Lorsque les gens me rencontrent, ils sont surpris que je sois si souriante, chaleureuse et sociable. Cela fait partie de la nature humaine : tout le monde a plusieurs facettes. Sauf qu’aujourd’hui, beaucoup de gens ressentent une pression pour incarner un personnage sur Instagram et s’éloigner, publiquement, de leur côté sombre.
Quel est votre rapport aux réseaux sociaux ?
Je ne suis pas très active sur les réseaux. Je les utilise simplement pour exprimer ce que je ressens à un moment donné. Quand je publie quelque chose, cela me tient à cœur, mais je ne veux pas trop y penser. Je ne suis pas vraiment là pour parler aux gens et essayer de créer un lien de cette façon. Je suppose que c’est parce que je respecte le mystère, et que beaucoup de mes artistes préférés ont ce côté mystérieux à l’instar de PJ Harvey, Kim Gordon, Nick Cave ou encore David Bowie. D’ailleurs, il a fallu des années à ces artistes pour devenir des icônes. Mais aujourd’hui, comme vous pouvez facilement cosplayer une icône et que tout le monde ressemble à une star, il y a tromperie sur la marchandise.
“J’ai l’impression que beaucoup de gens de mon âge se concentrent sur des actions pouvant leur procurer instantanément de la dopamine.” Stella Rose
Vous sentez-vous en phase avec votre génération ?
J’ai l’impression que beaucoup de gens de mon âge se concentrent sur des actions pouvant leur procurer instantanément de la dopamine. De mon côté, ce qui m’attire le plus, c’est d’essayer d’avoir une carrière et, si possible, une longue carrière. Je veux être comme cette vieille femme assise dans un café (elle nous désigne du doigt une femme assise dans le bar parisien où nous nous trouvons lors de notre rencontre, ndlr). Peut-être que personne ne saura qui je suis mais j’espère que je serais toujours inspirée et aurais toujours envie de créer de nouvelles choses. Récemment, j’ai vu PJ Harvey lors d’une lecture de poésies. Elle expliquait être toujours en train d’apprendre et être toujours curieuse à propos des différentes manières d’explorer sa créativité. J’ai trouvé ça inspiré de voir quelqu’un possédant une longue carrière et continuant de chercher.
Comment créez-vous de la musique en sachant que votre génération n’écoute pas vraiment les albums en entier ?
J’essaie de faire en sorte que le scénario du morceau fonctionne même si on l’écoute seul. Sinon, en effet, je ne m’attends pas à ce que les gens écoutent en entier et dans l’ordre un album. Mais j’espère que si vous l’écoutez depuis début et que vous n’êtes pas vraiment sûr d’aimer, il grandira peut-être avec vous par la suite. Et plus tard, vous vous direz : « Oh, ça correspond vraiment à cette chose qui s’est passée dans ma vie. »
“J’ai la chance d’avoir des parents qui me soutiennent et qui possèdent une sagesse dans leurs domaines (la musique et le cinéma).” Stella Rose
Vous sortez un nouvel EP, Hollybaby, beaucoup plus électronique…
Je l’ai construit comme un projet solo alors que j’avais un groupe pour mon premier album. C’est plus électronique, avec moins de guitares, même si j’ai un guitariste sur scène. J’ai été beaucoup influencée par les chansons de Kim Gordon en solo pour ce nouvel EP.
À quel point vos parents (le chanteur Dave Gahan et Jennifer Sklias-Gahan, actrice, productrice et scénariste) vous ont-ils influencée ?
Je pense que naturellement, tes parents ont une influence sur toi quand tu grandis. Mais ils étaient plutôt indifférents concernant ce que je voulais faire plus tard quand j’étais petite. Quand je me suis lancée dans l’industrie de la musique, mes parents m’ont donné des conseils et m’ont expliqué que les choses prennent du temps, et que ce n’est pas grave si on ne sait pas exactement ce que que l’on fait. Il faut juste le faire. Parce que tant que vous travaillez et que vous croyez en votre travail, quelque chose se manifestera. J’ai la chance d’avoir des parents qui me soutiennent et qui possèdent une sagesse dans leurs domaines respectifs (la musique et le cinéma). On pense souvent que le temps est compté et qu’il faut connaître la gloire tout de suite ou être attiré par la fortune. Mes deux parents sont de vrais artistes. Ma mère se réveille chaque matin, et se met à écrire. Et elle n’a pas l’impression qu’elle a besoin de montrer ce qu’elle fait à tout le monde pour que ça ait de l’importance. Il s’agit plutôt d’un travail tourné vers l’intérieur, alors que nous vivons à une époque où tout est tellement exposé et public.
Vous avez joué en première partie Depeche Mode au Madison Square Garden en 2023… Une salle de concert mythique…
Pour être honnête, quand mon père m’a proposé d’y jouer avec mon groupe, j’y ai vraiment réfléchi. Parce que c’était un grand pas en avant. Avant, je n’avais joué que dans de petites salles. Et le Madison Square Garden est un lieu emblématique qui accueille de grands artistes. Mais, au final, j’ai accepté et c’était incroyable. Mon père nous a expliqué (à mon groupe et moi) : c’est une opportunité mais vous pouvez gérer cela. Vous êtes de grands artistes. Vous faites juste votre truc et c’est tout. Donc avec mon groupe, nous nous sommes juste dit : amusons-nous. Ne pensons pas que nous sommes quelque chose que nous ne sommes pas. J’ai pris une profonde inspiration et j’ai regardé autour de moi pendant le concert. J’ai même la chair de poule en y pensant parce que c’est un de ces endroits auxquels on pense quand on est enfant. On se dit : un jour, je finirai là-bas…
Vous vivez à New York, une ville qui a une grande histoire avec la musique. L’endroit est-il toujours excitant artistiquement ?
Ce n’est plus Patti Smith et le CBGB, alors que c’est ceux que les gens veulent revivre en y venant. Mais c’est New York, donc je pense qu’il y aura toujours de l’énergie ici et ce qui est beau, c’est que les choses se recyclent. C’est pour ça que les gens restent. Mais j’ai remarqué, parce que j’y ai vécu toute ma vie, c’est que ça devient très cher. Il n’est pas vraiment possible pour les artistes d’y vivre, à moins que votre famille y vive et que vous y soyez installé depuis longtemps. En fait, les gens trouvent ça cool parce que les artistes vivent là-bas, alors ils s’y installent. Et puis cela commence à devenir cher, et ils construisent de plus en plus. Les loyers augmentent et les artistes doivent déménager.
Vous êtes aussi mannequin. Comment voyez-vous les liens entre musique et mode ?
La mode et la musique vont de pair parce que je pense que dans la mode, vous créez des mondes et des lieux dans lesquels les gens peuvent s’évader. Et c’est la même chose avec la musique qui permet l’évasion. Et les deux domaines se combinent parfaitement. Parce que si vous avez un défilé sans musique, c’est un spectacle différent. La musique lui donne vie. Il en va de même avec le cinéma.
Hollybaby (2024), disponible le 13 décembre 2024. En tournée en Europe.