Rencontre avec Gazo, le rappeur qui ne veut pas faire de rap
Depuis la sortie, en juin dernier, de son titre “Drill FR 4” en duo avec Freeze Corleone, Gazo s’est imposé comme le nouveau phénomène du rap français – tout en s’éloignant de ses codes. Dans sa première mixtape “Drill FR”, dont la sortie est prévue vendredi, il propose sa propre interprétation d’un sous-genre du hip-hop américain : la drill. Portrait.
Par Chloé Sarraméa.
L’été 2020 a été marqué, en France, par l’apparition d’un nouveau phénomène, sur les plateformes de streaming, YouTube et les réseaux sociaux… Il s’appelle Gazo, c’est un rappeur parisien tout de Gucci vêtu, arborant des dreadlocks mi-longues, des bijoux ultra cliquants et des grillz dorés sur chacune de ses dents. Jusqu’ici, rien de déroutant pour un artiste de rap. Mais à la sortie, le 18 juin, de son titre Drill FR 4 en duo avec Freeze Corleone, Internet s’est enflammé. D’abord pour son phrasé sauvage, voire violent, puis grâce à son refrain, pourtant simple : Téma la kitcha, téma la taille de la kichta. Car ce dernier rentre dans la tête si facilement que beaucoup d’internautes se sont questionnés, sur des forums, sur cet objet non identifié que Gazo invite à « téma » (à regarder) : la « kichta ». Et puisqu’il s’agit de rap, la réponse semble presque évidente : c’est une liasse de billets.
De l’argent, Gazo commence sans doute à en gagner assez depuis la sortie de ce titre. Sur YouTube, son clip sous titré en anglais cumule plus de 13 millions de vues, rassemblant un public français déjà adepte de l’univers noir de Freeze Corleone, de milliers de curieux qui ont entendu parler de ce dernier face à la polémique liée aux paroles de ses chansons et un auditoire anglophone amateur d’un genre de rap en particulier : la drill. Et c’est autour de ce courant du hip-hop né en 2010 dans les quartiers de Chicago – que le regretté Pop Smoke avait d’ailleurs remis au goût du jour presque dix ans plus tard – que Gazo a décidé de construire sa toute première mixtape, Drill FR.
Sans se rendre compte du buzz généré par le morceau Drill FR 4, qu’il estime plaisant mais sur lequel “il ne faut pas se reposer”, l’artiste de 26 ans continue l’écriture et l’enregistrement de son premier long projet. Loin du temps de son adolescence en Seine-Saint-Denis où il passait un peu de temps en studio moyennant 20 euros de l’heure, Gazo travaille dur, produit beaucoup, s’entoure de quelques rappeurs – très peu, pour un artiste qui a commencé en enchaînant les featurings, de Jul à S.Pri Noir – et pense un projet de 15 titres qui se veut fidèle représentant de son univers. “J’ai commencé par le rap puis j’ai découvert la drill, quelque chose de sale qui reflète ce qui se passe dans les quartiers défavorisés mais à la fois très mélodieux et dansant même, puisque ça a pris ses racines en Jamaïque. Je me suis beaucoup donné dans la drill ces derniers temps j’ai intégré ses codes et me les suis réappropriés”, commente-t-il. En résulte une sorte de rap ralenti et sombre, presque à l’image de l’artiste, puisque dans la vie aussi, Gazo marmonne doucement avec une voix éraillée.
Puisqu’il s’est inspiré du rap d’outre-Atlantique mais aussi de la drill d’outre-Manche, c’est en toute logique que Gazo a invité sur son projet le jeune Pa Salieu, 22 ans, prodige de la musique londonienne. Avec celui qui a annoncé sortir prochainement un titre avec FKA twigs, le driller parisien imagine un titre incisif et très infusé du dancehall cher à son homologue anglais : “On s’est vus monter tous les deux un peu en même temps, j’écoutais sa musique sans le connaître dans la vie puis on a décidé de se voir. Mon équipe et moi avons fait un saut à Londres, où on a été super bien accueillis. J’aime la façon d’être des musiciens londoniens, ils se respectent et collaborent pour créer du son de qualité, pas pour montrer qui est le plus fort, comme le font les frenchies”, analyse-t-il. Et c’est peut-être ça le secret le mieux gardé de Gazo : pour mieux régner, il faut rester hors compétition tout en favorisant le partage.
Drill FR (2021) de Gazo, disponible.