Qui est Dogzout, le producteur et DJ français qui prédit que la batida va conquérir le monde ?
Producteur et DJ basé à Rennes, Chris Dogzout devenu aujourd’hui Dogzout, explore avec aisance toutes les nuances qui lient la musique électronique et le hip-hop. Il dévoile un nouvel EP intitulé Noutro Tempo oscillant entre afrobeats et batida, style musical auquel il prédit un avenir radieux. Portrait d’un artiste à suivre de très près.
Propos recueillis par Delphine Roche.
Dès 2017, Dogzout créait son propre label Dogzout Records pour produire des artistes. Dans le même esprit d’ouverture et de collaboration, il invite chaque mois des musiciens et DJ du monde entier dans son émission Dogzout and Friends, sur la radio ghanéenne Oroko Radio. Après plusieurs EP remarqués, celui qui vogue avec facilité à travers le lofi, l’afrobeats, la UK house et la trap, et qui s’est illustré dans la Future Beat [son de Cashmere Cat, Flume ou encore Kaytranada], revient aujourd’hui avec un nouvel EP, Noutro Tempo. Avec de belles collaborations dont par exemple le morceau puissant Piki, avec DJ Lycox, ou encore l’éponyme Noutro Tempo avec Lokowat, il y explore l’afrobeats mais surtout la batida, un son né dans les banlieues de Lisbonne, liant des percussions africaines et des mélodies électroniques, auquel il prédit un brillant avenir.
L’interview du producteur et DJ Dogzout qui sort l’EP Dogzout
Numéro : Votre nouvel EP, Noutro tempo, met en vedette la batida qui va, selon vous, déferler sur le monde comme l’a fait l’amapiano. Qu’est-ce qui vous donne à penser que cela sera le cas ?
Dogzout : Joe Kay, cofondateur de Soulection [label et radio californiens très pointus fondés en 2011, qui a notamment pressenti l’importance de la Future Beat music représentée par des artistes comme Flying Lotus], a joué récemment beaucoup de batida, et parmi les artistes représentatifs de ce courant, notamment Lokowat, avec qui j’ai fait le titre éponyme de mon EP, Noutro tempo, sorte de voyage hypnotique à travers des couches de percussions et de mélodies envoûtantes. Or il se trouve que Joe Kay a un flair unique pour sentir ce qui va exploser prochainement. Il a notamment joué de l’amapiano sur des radios, et sur Apple music, avant tout le monde.
Comment avez-vous eu envie de mettre en avant ce style musical ?
Au début, je jouais de la batida dans mes DJ sets mais je n’en avais encore jamais composé. J’ai discuté avec des artistes qui étaient impliqués dans cette nouvelle sonorité, comme DJ Danifox, et nous avons fait ensemble un morceau, Quem tem dança. La batida était encore très niche et il fallait que je parvienne à me l’approprier, ce que j’ai fait : aujourd’hui, j’ai ma patte sonore dans ce style.
« C’est positif que des stars mainstream aillent chercher des nouvelles sonorités encore niche. » Dogzout
Dans vos DJ sets, vous passez avec aisance des sonorités hip-hop ou trap à l’afrobeats et à la batida.
Je m’amuse beaucoup à réinterpréter les sons. Même dans les clubs un peu plus commerciaux, où les gens n’ont pas l’habitude d’écouter la batida, j’ai passé mes remix de morceaux connus, avec les codes de ce style. La plupart de ces remix sont disponibles seulement sur Bandcamp, parce que je n’ai pas les droits sur les morceaux d’origine de Doja Cat ou de Cash Cobain. Mes remix façon batida sont sélectionnés par de nombreux DJ du monde entier, dont par exemple Blck Mamba qui, au Sónar Festival, a joué un de mes sons au tout début de son set. C’est un style musical solaire et dansant, qui a aussi le côté un peu gang de la drill ou de la trap. Les basses sont très lourdes, avec des 808 [basses percussives puissantes devenues un élément signature du hip-hop] mais on peut vraiment construire quelque chose de chaleureux. Sur mon EP, je dirais que Noutro Tempo représente la face solaire tandis que Side by Side, avec B I L L Y G, représente la face sombre.
Dans le clip de Side by Side, vous vous mettez en scène dans un univers très gangsta, typique du hip-hop…
Oui il y a ce côté mafieux, avec une scène de crime.
La base de votre culture musicale est-elle plutôt hip-hop ou électro ?
C’est la musique électronique qui m’a donné envie de produire, mais la base de ma culture est le hip-hop. Je m’illustre donc avant tout dans le future beat, qui mêles les deux. Je n’utilise pas de preset sur mes synthés, je conçois chaque son. Je crée donc vraiment ma propre texture que je peux ensuite apporter dans n’importe quel style. Mes synthés ou le genre d’accord que je fais, peuvent être transposés partout.
Savez-vous déjà quelle évolution connaîtra votre musique ?
Je voudrais collaborer avec des vocalistes dans un avenir proche, plutôt qu’avec des producteurs comme je l’ai fait : mettre en avant une voix rend les musiques plus faciles à écouter pour le grand public. Dans l’amapiano, on trouve des courants très pop, représentés par exemple par la musicienne Tyla qui est rapidement devenue une star. En France, KeBlack et Franglish ont proposé des sons batida, qui ont été catégorisés comme de l’afrobeats. C’est positif que des stars mainstream aillent chercher des nouvelles sonorités encore niche, la batida n’en est qu’à ses débuts !
Noutro Tempo (2024) de Dogzout, disponible.