14 mai 2021

Poupie : rencontre avec un phénomène pop, cash et sans filtre

Depuis son premier EP sorti en 2019, tout va très vite pour Poupie. Jeune chanteuse au tempérament – et cheveux – de feu, elle a gardé son âme d’enfant et joue déjà dans la cour des grands. Bien décidée à se réinventer après son featuring avec Jul et son image “télécrochet”, elle s’apprête a sortir un premier album très personnel…

Poupie par Leo Papin

Il y a comme un petit arc-en-ciel dans la tête de Poupie, et chaque jour de sa vie prend – littéralement – une couleur différente… selon son état d’esprit. Le jour de son interview pour Numéro, la jeune chanteuse voit la vie en vert. Le jus de pommes vertes qu’elle sirote est assorti à son maillot Kawasaki, au petit logo Nike de ses chaussettes et à l’élastique qui maintient sa chevelure en queue de cheval. Cette inclination chromatique n’est peut-être pas un hasard. A l’image du petit dauphin en plastique accroché à sa ceinture, tous les feux sont au vert pour la jeune chanteuse : après deux EP aboutis et une collaboration très remarquée avec le rappeur marseillais Jul, elle s’apprête à sortir son premier album a la rentrée et annonce déjà une première date à la Cigale, le 23 novembre 2021. Alors que sa carrière a commencé à décoller dans un monde sans concert aux frontières fermées, Poupie est partagée entre l’excitation et l’appréhension : “Je me pose plein de questions : est-ce que je suis prête a jouer dans une telle salle ? Est-ce que j’en suis digne ? Est-ce que je suis capable de la remplir ? Mais j’y crois et je pense que ça sera comme tout le reste ; “come what may” [“advienne que pourra], comme dans Moulin Rouge !”

Subtil mélange entre Fifi Brindacier et Chuck Norris sous acide, la musicienne à conservé son âme d’enfant et rêve de conquérir le Texas à dos de Pur-sang. En attendant, elle galope à toute vitesse dans l’industrie musicale, chapeau de cow-boy sur la tête, et s’avoue légèrement tyrannique et égocentrique. De toute façon, la chanteuse n’a aucun complexe et se fiche bien des haters : elle vit dans son propre égotrip, et ça lui réussit plutôt bien. Loin des figures lisses et calibrées de la pop française, la jeune femme ne mâche pas ses mots et ne retient aucun des nombreux éclats de rire qui l’animent au fil de la discussion ; elle n’a pas de filtre, ni dans la vie, ni sur Instagram. Derrière son naturel sauvage et sa voix sensuelle, elle reste pragmatique : elle veut conquérir le monde et faire de l’argent, histoire d’avoir un pied à terre dans toutes ses destinations préférées. C’est certain : Poupie sait ce qu’elle veut et n’a pas froid aux yeux. A quinze ans, elle organise un petit concert avec ses trois soeurs. Grâce à l’argent récolté, elle s’achète un clavier et commence à s’amuser avec les quelques 800 sons qu’il contient. Autodidacte et impulsive, elle travaille à l’instinct, sans s’imposer de code ou de plan pré-défini. C’est d’ailleurs sur son clavier d’adolescente que Poupie commence à composer ses morceaux, avant de les fignoler en studio.

 

 

Entre reggaeton, bossa nova et pop française, Poupie a réussi à créer un son qui lui ressemble, en parfaite harmonie avec sa voix puissante et légèrement cassée. S’ils racontent des choses simples et frivoles, ses titres fonctionnent parce qu’ils sont empreints de l’énergie communicative de la chanteuse, et parce qu’ils ont ce côté sexy et catchy qui leur donne un vrai potentiel de tubes de l’été. Ses mélodies, comme celle de son premier gros succès Ne m’invite pas, collent à la peau. Pour son premier album, Enfant roi, “toutes les chansons ont été composées de manières différentes, et dans des lieux différents. Tout l’album parle de moi, parce que c’est mon premier et que c’est une façon de me présenter.” Principalement écrits en français, ses titres affirment son gout prononcé pour la musique latine et la pop américaine, rien d’étonnant alors à ce que l’on trouve de l’espagnol et de l’anglais dans ses morceaux. Si Angèle ne l’avait pas déjà fait, elle aurait rêvé collaborer avec Dua Lipa ; mais tout bien réfléchi, elle se tournerait plutôt vers la chanteuse argentine Nathy Peluso. 

Petit bonhomme vert de l’industrie musicale, Poupie dit évoluer de galaxies en galaxies en attachant plus d’importance aux “choses irréelles” qu’à des préoccupations quotidiennes. Si, musicalement, elle a un univers bien a elle, mêlant reggaeton et mélodies pop, elle refuse de s’y confiner et cherche à explorer de nouveaux territoires. Pensées comme des véritables rencontres du troisième type, ses featuring lui permettent de faire le pont entre la mélancolie romantique de Ben Mazué et le rap autotuné de Jul : “Je pense que tout l’intérêt d’une collaboration c’est de connecter deux mondes vraiment différents. Pour moi, ça ne fait sens que si j’ai un tout autre univers en face de moi : il faut que l’autre artiste soit un genre d’alien.” On comprend donc son duo avec l’ovni du rap français, collectionneur de tubes et de single de diamant. Pour Poupie, qui n’est pourtant pas une grande fan de chanson française, et encore moins de rap, travailler sur ce morceau avec Jul tenait de l’évidence : “Lorsque j’ai terminé la chanson Feu, j’ai directement pensé a lui. Je l’ai contacté via Internet et il a été super réactif, il m’a renvoyé la chanson seulement un ou deux jours après je crois. Le morceau lui allait tellement bien que j’ai rien eu à lui dire, j’étais sure qu’il allait en faire un truc génial, et ça a été le cas.” 

 

 

Si son premier album s’intitule Enfant Roi, ce n’est pas tant parce qu’il s’agit d’un trait de caractère inné lié à sa position dans la fratrie (elle est l’ainée) que parce qu’il s’agit d’un luxe qu’elle a fini par s’offrir, celui de pouvoir aller jusqu’au bout de sa vision et de ses idées, sans concession. Elle développe : “Cet album c’est toute une partie de ma vie, mais d’une certaine manière quand il sera sorti j’ai l’impression que cette partie de ma vie sera derrière moi. Ça s’appelle Enfant roi, et je pense que quand il paraitra ce sera la fin de ma période d’enfant. C’est a la fois une fin et un nouveau départ.” Affirmant un besoin perpétuel de se réinventer, la jeune femme qui avait fait ses premiers pas sur scène dans des télécrochets (The Voice, The X Factor), semble bien partie pour une aventure musicale au long cours, colorée et contrastée.




Enfant Roi, de Poupie, disponible en septembre 2021.