19 nov 2025

Pop et blasphèmes : 3 stars qui se sont fâchées avec l’église

Les blasphèmes dans la musique pop continuent de choquer et de provoquer des polémiques et des censures. De Madonna à Lil Nas X en passant par Sabrina Carpenter, plusieurs stars ont affronté l’Église après des clips ou des performances jugés sacrilèges. Mais ce n’était pas toujours gratuit…

  • par Alexis Thibault

    et Violaine Schütz.

  • Publié le 19 novembre 2025. Modifié le 21 novembre 2025.

    Pop stars et blasphèmes… Quand les musiciens choquent les croyants

    Le blasphème dans la musique n’a jamais été un simple geste de provocation. Les études sur la religion et la pop montrent d’ailleurs que, depuis les débuts du rock, les artistes ne s’en prennent pas tant à la foi qu’aux institutions qui prétendent en garder le monopole, pendant que les églises dénoncent des textes “démoralisants” ou “corrosifs”. Crucifix, démons, icônes détournées… Toute l’imagerie catholique ressurgit pour questionner l’emprise du christianisme sur la morale publique, jusqu’à former un véritable courant : la pop blasphématoire.

    Les chercheurs en sciences religieuses rappellent aussi que ces gestes, souvent camp ou queer, renversent les codes évangéliques pour mieux exposer l’homophobie, le racisme ou le patriarcat des droites chrétiennes américaines.

    Des provocations gratuites ?

    En sociologie francophone, les travaux sur les “affaires de blasphème” montrent que la pop-rock est devenu, dès la fin du XXᵉ siècle, un théâtre privilégié où se rejouent les luttes autour du sacré dans l’espace public. Entre indignation morale, censure, boycotts et récupération marketing, les blasphèmes des stars de la musique agissent comme un révélateur : ce que l’on juge sacrilège en dit souvent davantage sur l’époque que sur la chanson elle-même…

    Certains artistes ont aussi changé de camp. Sinéad O’Connor, née catholique, a été ordonnée prêtresse par une Église indépendante en 1999. Mais en 2011, elle va prendre ses distances avec la religion en raison des scandales d’abus d’enfants au sein de l’Église. Alors que nombreuses stars s’emparent de l’esthétique croyante (Ethel Cain, Rosalía), tour d’horizon des artistes qui se sont fâchées avec l’église…

    3 artistes qui se sont fâchés avec l’église

    Madonna – Like a Prayer (1989).

    Madonna : quand une pop star s’attire les foudres du Vatican

    En 1989, Madonna ne se contente pas de flirter avec le religieux : elle marche au ralenti dans une église, embrasse un saint noir et danse devant des croix en feu dans le clip de Like a Prayer (1989). Le Vatican condamne immédiatement la vidéo blasphématoire, qualifiée de véritable insulte à la religion, tandis que des groupes catholiques appellent au boycott de la firme Pepsi, qui vient alors de signer un contrat à cinq millions de dollars avec la chanteuse. Sous pression, la marque annule la campagne… mais Madonna conserve le chèque, inventant au passage un modèle de scandale parfaitement rentable…

    En Italie, certains diffuseurs retirent le clip de l’antenne après l’intervention du pape Jean-Paul II, transformant la popstar en adversaire officiel de l’Église catholique. Pour Madonna, le blasphème devient stratégie. Troubler l’ordre moral lui permettra d’évoquer le racisme, le désir et le pouvoir, quitte à prendre la forme d’un épouvantail pour les autorités religieuses. Plus de trente ans plus tard, la chanteuse continue d’entretenir ce bras de fer symbolique avec Rome, jusqu’à poster récemment des images générées par IA la mettant en scène avec le pape François, aussitôt dénoncées comme irrespectueuses par le public.

    Lil Nas X – J Christ (2024).

    L’esthétique queer et diabolique de Lil Nas X

    En 2021, l’Américain Lil Nas X glisse sur une barre de pole dance jusqu’en enfer, offre un lap dance au diable, puis lui arrache la couronne pour prendre sa place. Le clip outrageux Montero (Call Me By Your Name) déclenche évidemment une tempête médiatique. Pasteurs évangéliques, commentateurs conservateurs et associations chrétiennes s’indignent de cette glorification de Satan, là où l’artiste revendique une fable sur le désir queer et la culpabilité religieuse imposée aux personnes LGBT+.

    Dans la foulée, il s’associe au collectif MSCHF pour lancer les Satan Shoes, des Nike Air Max customisées avec pentagramme, verset biblique et une goutte de sang humain, vendues en série ultra-limitée. Nike porte plainte pour atteinte à sa marque, obtient en justice l’arrêt des ventes et un rappel volontaire des paires, tandis que les églises les remontées hurlent à l’apostasie pop. Trois ans plus tard, Lil Nas X signe son retour avec une imagerie chrétienne détournée dans J Christ (2024) qui déclenche aussitôt l’ire de certains groupes évangéliques, accusant l’artiste de profaner la figure de Jésus. L’intéressé reconnaîtra avoir “mal géré” la promotion du titre, tout en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un affront au christianisme, mais plutôt d’une métaphore de la renaissance. La controverse, nourrie par une intense circulation sur les réseaux, éclipsera la dimension culturelle et queer du morceau.

    Sabrina Carpenter – Feather (2023).

    Sabrina Carpenter responsable du renvoi d’un prêtre

    Suite au succès de l’album Emails I can’t send (2022) de Sabrina Carpenter, une version deluxe est sortie le 17 mars 2023. On y trouve des chansons comme OppositeLonesome, Things I Wish You Said et l’hymne post-rupture pop-dance-disco addictif FeatherCe dernier morceau, sorti en single en août 2023, se classe 21e au Billboard Hot 100 et elle va l’interpréter au pre-show des MTV Video Music Awards 2023 et lors de l’événement Dick Clark’s New Year’s Rockin’ Eve le 31 décembre 2023.

    Si la chanson, dansante, semble faire l’unanimité, ce n’est pas le cas de son clip horrifique, sorti en octobre de la même année, pour Halloween. L’imagerie y est violente et provocante tout en restant très pop. La chanteuse apparaît couverte de sang après une bagarre entre hommes dans un gymnase. Dans d’autres séquences, elle danse en mini robe de tulle noire dans une église, au milieu de cercueils pastels. À l’intérieur ? Les hommes qui l’ont maltraitée. Il s’agit sans aucun doute de l’une des vidéos les plus travaillées de Sabrina Carpenter. Elle a été comparée à de nombreux films, notamment à Jennifer’s Body (2009), Promising Young Woman (2020) et Bottoms (2023).

    Mais un scandale a suivi sa diffusion. En effet, la vidéo a été tournée dans une église de Brooklyn – la Blessed Virgin Mary – sans que le prête – Jamie J. Gigantiello – qui a dû présenter ses excuses, ne sache de quoi il retournait. Il a ensuite été suspendu par le diocèse de Brooklyn pour avoir laissé passer ses images filmées dans un lieu pieu. Un an plus, le prêtre sera accusé d’avoir détourné des fonds. Sabrina Carpenter répondra à la polémique avec son humour légendaire, déclarant que la permission lui avait été donnée en amont et que “Jesus was a carpenter.”