1 juil 2024

Omar Apollo ou les poèmes désabusés d’un crooner américain

C’est à l’occasion de We Love Green, il y a quelques semaines, que Numéro a rencontré Omar Apollo. L’artiste de 27 ans, collaborateur de Kali Uchis, SZA ou Pharrell Williams était l’une des têtes d’affiche du festival parisien et défend aujourd’hui God Said No, son second album studio, une pop indé amère et désabusée.

Omar Apollo – Empty (2024) extrait de l’album “God Said No”

Qui est Omar Apollo, crooner américain et tête d’affiche du festival We Love Green

Cet entretien aurait pu s’intituler : “Omar Apollo ressuscite la musique de lover.” Mais il faut reconnaître que cela faisait mauvais genre. Puis le guitariste de 27 ans propose davantage. Certes sa récente prestation au festival We Love Green manquait parfois de punch… mais elle restait tout de même efficace et bien ficelée. Bref. Pour mieux comprendre la musique du crooner d’1,98 m, il faut peut-être commencer par déchiffrer le personnage… Omar Apolonio Velasco est né dans l’Indiana, de parents d’origine mexicaine, issus de la classe ouvrière. Jeune musicien, il s’effondre sur un épais matelas composé de R’n’B, de soul pure et de rock indé. Il devient alors un chanteur de charme. Collaborateur de Kali Uchis, Pharrell Williams, SZA ou Daniel Caesar, son premier album Ivory (2022) le propulsera directement à Los Angeles, pour la cérémonie des Grammy Awards 2023. Notre challenger brigue alors le gramophone du “Meilleur nouvel artiste.” C’est finalement Samara Joy qui s’impose. Élite du jazz.

Omar Apollo – Done With You (2024) extrait de l’album God Said No

God Said No, le nouvel album d’Omar Apollo

Aujourd’hui, Omar Apollo défend God Said No, son second album studio. Quatorze titres qui dressent “un bilan des débris émotionnels qui ont suivi la fin d’une histoire d’amour torride.” Il faudra écouter le disque pour se faire une idée. En tout cas, la presse constate que le guitariste prend des risques… et que ça paie. Exemple probant, l’évolution des notes attribuées à chacune de ses œuvres par l’inflexible magazine musical Pitchfork : Stereo EP (2018) décroche un timide 6,8/10, Apolonio (2020) un convainquant 7,2/10 puis Ivory se félicite d’un 7,6/10. Pas sûr que ce nouvel opus lui permette de battre son propre record. Omar Apollo a été frappé par une malédiction : celle du confort. Encore une fois, c’est efficace et bien ficelé. Mais est-ce vraiment ce que nous attendons d’un homme talentueux ? Rencontre.

Numéro: C’est étrange, j’ai l’impression que vous êtes un homme timide… et en même temps pas tant que cela. Votre calme est assez troublant.

Omar Apollo: Je ne crois pas être un homme timide. À mesure que je vieillis, je suis de plus en plus réservé. Plus jeune, j’étais doté d’une énergie très sauvage et je disais à peu près tout ce qui me passait par la tête. Je parlais de moi à tout le monde, tout le temps. Je crois que je me suis un peu calmé.

Comment expliqueriez-vous votre musique à un enfant de dix ans ?

Je lui dirais simplement qu’elle parle d’amour et de chagrin. L’amour est à la base de toute mon écriture. Peu importe les relations. Un père, une mère, un frère ou un amant. Souvent, les mots sont encore plus forts lorsque l’on évoque une famille. C’est sans doute pour cela que j’aime autant parler de mon enfance…

L’un des meilleurs morceaux de l’album s’intitule Empty. Racontez-moi sa composition.

J’étais en studio avec Teo Halm, qui a composé tout l’album avec moi et était déjà aux manettes du morceau Evergreen, sur mon disque précédent. Il a improvisé des arpèges au clavier Wurlitzer et j’ai imméditament trouvé cela magnifique. Empty est le premier mot à m’avoir alors traversé l’esprit. Nous avons enregistré le titre dans la foulée. Mes parents et quelques amis étaient présents, j’ai commencé à chanter en espagnol puis ils ont quitté la pièce pour que je puisse me concentrer. C’est devenu l’un de mes morceaux favoris de l’album. Je ne voulais pas qu’il puisse être entièrement compris la personne pour laquelle j’écrivais, car elle ne parle pas espagnol…

Omar Apollo – “Evergreen” (2022) extrait de l’album “Ivory”

Cet album oscille entre différents genres et propose une sorte de pop anachronique, presque vintage finalement…

Cela fait un bon moment que j’essayais de composer quelque chose comme ça. Lorsque j’ai découvert le film Midnight Express (1978) d’Alan Parker, je suis tombé amoureux de la bande originale de Giorgio Moroder.  Un membre de mon équipe m’a alors dit : “Tu devrais composer davantage de musique sur ordinateur.” Disons que je me suis laissé tenter.

Et alors ? Comment êtes-vous parvenu à proposer quelque chose de différent de vos opus précédents ?

Je me suis éloigné de tout. J’ai déménagé à Londres parce que j’étais beaucoup trop à l’aise à Los Angeles. Il fallait que je me perde et que je quitte ma zone de confort pour proposer quelque chose qui ait du sens. Comme un instinct de survie. Et puis je suis tombé amoureux de la poésie. Après avoir terminé l’album Ivory, je lisais énormément de poèmes : Mary Oliver (1935-2019), Victoria Chang ou Ocean Vuong. Cela m’a donné envie de devenir un meilleur écrivain. Donc j’ai commencé à écrire de façon plus… intentionnelle. La dernière chanson de ce nouvel album, Glow, est paradoxalement la première que j’ai écrite. La boucle était bouclée. Cela a donné le ton pour tout le reste du disque. Mais, en y réfléchissant bien, je pense que mes morceaux 3 Boys (2023), Evergreen (2022) et Useless (2020) sont ceux qui résisteront le plus à l’épreuve du temps.

Avez-vous des idoles ? Des artistes que vous auriez rêvé de rencontrer le temps d’un dîner par exemple ?

Oui ! Paul Newman. Je l’aime beaucoup. Il est cool, vous ne trouvez pas ? Non, quoique. Je vais échanger Paul Newman contre James Dean, il semble être davantage dans ma vibe je trouve. Prince, évidemment. Et Whitney Houston aussi. Ils font partie des artistes les plus brillants de notre histoire.

Changez-vous intégralement votre direction artistique lorsque vous vous produisez en festival ?

Dans le cas de certains concerts, c’est un peu de la triche. Tout le monde est là pour vous. Les gens veulent juste vous voir et vous pourriez faire à peu près n’importe quoi sans avoir à performer à votre meilleur niveau que vous récolteriez tout de même des lauriers que vous ne méritez pas. Mais en festival, la plupart des gens ne vous connaissent pas. C’est comme si vous deviez conquérir le public pour la première fois…

God Said No (2024) d’Omar Apollo, disponible.