Les meilleurs albums de rock de 2022, de Wet Leg à Arctic Monkeys…
En pleine hégémonie du rap dans les charts, quelques groupes et artistes ont redonné des couleurs à la musique à guitares en 2022. Tour d’horizon des meilleures sorties de rock, punk et pop électriques de cette année, des cultissimes Arctic Monkeys à la rebelle Willow Smith en passant par les sémillants Dry Cleaning.
par Violaine Schütz.
et Chloé Sarraméa.
1. « Stumpwork » de Dry Cleaning [4AD]
Après un premier album remarqué, New Long Leg, sorti en 2021, le groupe de post-punk londonien Dry Cleaning – formé en 2018 – a sorti un second opus le 21 octobre dernier. Sur ce deuxième disque, intitulé Stumpwork, on retrouve la voix hypnotique et le débit nonchalant et détaché (du « spoken word ») de la charismatique chanteuse, Florence Shaw, et des mélodies rock entêtantes évoquant des groupes et des artistes tels que Sonic Youth, PJ Harvey, Siouxsie and the Banshees, The Fall, Wire, Magazine ou Joy Division. Sans aucun doute, l’une des sorties musicales les plus électrisantes de 2022.
2. « <CopingMechanism> » de Willow [Roc Nation]
La chanteuse et actrice américaine talentueuse et rebelle Willow Smith (alias Willow) a sorti un cinquième album solo le 23 septembre intitulé <CopingMechanism>. L’artiste, interviewée cette année longuement dans les pages de Numéro, y présente un mélange d’indie rock, de power pop, d’emo (style musical punk aux paroles expressives), de grunge et de nu metal qui fait des étincelles.
3. « Hiding in Plain Sight » de Drugdealer [Mexican Summer]
Selon le communiqué de presse accompagnant le troisième album de Drugdealer, Hiding in Plain Sight, ce disque a bien failli ne pas voir le jour. En effet, Michael Collins, le leader de ce collectif de pop-rock-psychédélique de Los Angeles, a envisagé un temps d’abandonner la musique pour se lancer dans le cinéma. Il aura fallu qu’il rencontre, lors d’une résidence artistique à Marfa (au Texas), la légendaire compositrice Annette Peacock, figure du free-jazz new-yorkais des sixties et pionnière du synthétiseur Moog, pour changer d’avis. En a découlé un album de country-rock très seventies et mélodique qui ne parle presque que de la recherche de l’amour.
4. « Anywhere but Here » de Sorry [Domino]
925, le premier album de Sorry, jeune de rock groupe originaire du nord de Londres, sorti en 2020, avait fait l’unanimité auprès des médias musicaux. Débraillé, inventif, lyrique et produit en partie par des membres de Portishead, leur second disque, Anywhere but Here, publié le 7 octobre 2022, recèle encore de beaux tubes remuants (aux guitares désaccordées, rappelant le meilleur du rock des années 90. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter le premier extrait de l’opus, Let The Lights On, une chanson douce-amère qui parle de vouloir être honnête dans une relation (quitte à ce que cette histoire ne survive pas).
5. « The Car » (2022) d’Arctic Monkeys [Domino]
Après un set électrisant à Rock en Seine, le 25 août dernier, et un single prometteur, There’d Better Be a Mirrorball, la formation de rock originaire de Sheffield (en Angleterre) Arctic Monkeys a réalisé son grand retour sous le format « album ». Le groupe a en effet sorti le 21 octobre dernier son septième opus intitulé The Car, s’inscrivant dans la même ligne, mélodique et orchestrée que leur précédent disque, l’aventureux Tranquility Base Hotel + Casino (2018). Produit par le musicien anglais James Ford qui a déjà travaillé avec Kylie Minogue, Florence + the Machine et Depeche Mode, l’album flirte plus avec la pop psychédélique années 70 qu’avec les débuts furieux d’Arctic Monkeys. Une vraie réussite.
6. « Save the Baby » d’Enumclaw [Luminelle]
Considérés comme le renouveau du rock indépendant américain par de nombreux médias d’outre-Atlantique, le groupe originaire de Tacoma (Washington) Enumclaw a sorti son premier album le 14 octobre 2022. Il s’agissait alors, pour le quatuor garage-noise-rock mené par le charismatique Aramis Johnson et adulé par le compositeur britannique prodige King Krule, de confirmer l’essai, après une poignée de morceaux prometteurs. Avec des titres nonchalants et efficaces dans la lignée de formations nineties telles que Dinosaur Jr. et Pavement, le disque séduit au delà des espérances.
7. « Misery » d’Ekkstacy [UnitedMasters]
À seulement 20 ans, le chanteur et musicien canadien Ekkstacy est la nouvelle sensation du rock underground. Et ce n’est pas son deuxième album, Misery, publié le 30 septembre dernier, qui a contret son statut. Influencé par le post-punk de la fin des années 70, le rock indépendant des années 80 et l’emo-rock des années 2000, l’artiste propose des mélodies accrocheuses évoquant la frustration adolescente dans la lignée de la pop tortueuse et romantique de The Drums, le groupe qui a pris le Canadien sous son aile.
8. « Wet Leg » (2022) de Wet Leg [Domino Recordings]
À l’ère où l’information se fraie un chemin à une vitesse supersonique, on est tout de même heureux d’une chose : voir des artistes éclore en un battement de cil. Et tout dynamiter sur leur passage. C’est ce qui s’est passé avec Wet Leg, un tandem de filles tout droit sorties de nulle part – ou plutôt de la minuscule île de Wight en Angleterre — qui, en un titre, ont explosé des records d’audience sur YouTube. Leur clip Chaise Longue, à peine publié sur la plateforme en juin 2021, a vu son nombre de vues grimper, grimper et grimper encore… jusqu’à atteindre les millions de vues. Après avoir buzzé sur YouTube, le duo anglais a publié en 2022 un premier disque punk-rock-new-wave-post-punk des plus brillants.
9. Painless (2022) de Nilüfer Yanya [Ato /Pias]
À seulement 27 ans, la chanteuse londonienne d’origine turco-irlando-barbadienne Nilüfer Yanya a déjà l’étoffe d’une rock star. Celle qui a appris le piano à 6 ans, le violoncelle à 11 – parce que maman l’a gentiment forcée, confie-t-elle – et la guitare à 12, s’est entourée, pour son second disque, Painless, et sans aucun doute le plus abouti, des producteurs et ingénieurs parmi les plus doués, dont Andrew Sarlo, le producteur du groupe de rock indépendant américain Big Thief – dont la chanteuse avoue être une grande fan. Ils ont signé pour elle des mélodies aussi sombres qu’entrainantes, qui bercent et secouent et dont la reverb des guitares vous replongent à l’ère de la toute puissance des groupes de rock-pop-punk-skate type Sum 41. Entre les refrains attendrissants de Thom Yorke, la sensibilité d’Elliott Smith et la voix angélique d’une Rihanna à ses débuts, la chanteuse fait de ce mélange des ballades cohérentes, toutes entraînantes. Elle tient sans doute ça de sa famille d’artistes où “tout le monde faisait son art à la maison, du piano, au travail textile de [sa] maman en passant par la peinture figurative de [son] papa”.