Le jour où Ted Bundy a enlevé Debbie Harry
Chanteuse iconique, muse d'Andy Warhol et meneuse de Blondie, Debbie Harry a marqué l’histoire de la musique avec ses cheveux peroxydés et son franc-parler légendaire. Arte lui rend hommage avec un documentaire édifiant, riche en anecdotes méconnues sur sa vie – comme le soir de sa triste rencontre avec le tueur en série Ted Bundy.
Par Lolita Mang.
“Cela m’est bien égal que mon crâne finisse sur une étagère, tant qu’il y a mon nom sur l’étiquette !” Chanteuse iconique, muse d’Andy Warhol et meneuse d’un groupe de rock aux millions d’albums vendus, Debbie Harry a marqué l’histoire de la musique avec ses cheveux peroxydés et son franc-parler légendaire. Arte lui rend hommage en diffusant le documentaire Debbie Harry : Atomic Blondie, réalisé par Pascal Forneri. Mêlant images d’archives et interviews d’icônes pop d’hier et d’aujourd’hui, le long-métrage se donne pour mission de dresser le portrait de la chanteuse culte, tout en distillant quelques anecdotes méconnues sur sa vie.
Les rêves peroxydés d’une adolescente du New Jersey
“Pouvez-vous me citer un seul groupe américain qui a influencé la scène pop comme l’a fait Blondie à la fin du XXème siècle ?” demande le chanteur Iggy Pop, face caméra, les sourcils froncés. Pas de réponse. Sans doute car Blondie, mené par la flamboyante Debbie Harry, trotte encore dans les esprits de chacun. Les tubes tels que Call Me et Heart of Glass, écoulés à plusieurs millions d’exemplaires, ont fait du groupe une pierre angulaire de la pop culture.
Pourtant, Debbie Harry, née Angela Trimble en 1945, n’a pas toujours été la chanteuse mémorable que l’on connaît. Elle fut une adolescente rêveuse du New Jersey, bientôt projetée au beau milieu de la scène artistique du New York des années 1970. Fascinée par les actrices aux cheveux blonds platines, elle se rêve fille de Marylin Monroe. Mais avant de faire subir l’ultime supplices à ses cheveux naturellement bruns, elle échoue dans un groupe folk et hippie, The Wind in the Willows. C’est au sein de cette formation qu’elle rencontre pour la première fois Chris Stein, son petit ami qui l’accompagnera tout au long de sa vie, et avec qui elle formera Blondie.
Alternant entre images d’archives et interviews de Debbie Harry, le documentaire permet d’associer les mots de la chanteuse à certains épisodes marquant de son passé, voire, à certains faits méconnus du grand public. Alors qu’elle est serveuse au Max’s Kansas City, que fréquentent entre autres, Andy Warhol, Lou Reed ou encore l’écrivain William S. Burroughs, Debbie Harry fait une sinistre rencontre un soir après son service : “Je ne trouvais pas de taxi, et ce type n’arrêtait pas de me tourner autour avec sa voiture en me proposant de me ramener. Il a dû me le demander au moins trois fois” se souvient-elle. Finalement, elle accepte et grimpe dans la voiture. Mais rapidement, elle réalise à quel point la situation est louche : les vitres sont teintés, il n’y a ni poignée depuis l’intérieur, ni lève-vitre. Une odeur pestilentielle règne dans le véhicule. L’Américaine faufile alors son bras par la mince ouverture de la fenêtre pour ouvrir la portière de l’extérieur. Son chauffeur se rend compte de la supercherie, accélère d’un coup, et jette la jeune femme sur la route. Ce ne sera que quelques années plus tard, en regardant la télévision, que Debbie Harry reconnaîtra son kidnappeur : le tueur en série tristement célèbre, Ted Bundy.
“Patti Smith ne pouvait pas la voir en peinture !”
La mésaventure n’empêche pas la chanteuse à continuer à fréquenter les milieux bohèmes de New York, entre poètes maudits, écrivains suicidaires et musiciens drogués. Le quartier de Lower Manhattan est le repère des artistes ratés, qui ne se reconnaissent pas dans l’Amérique désenchantée post-Nixon. Le film suit les traces de la chanteuse jusqu’à la naissance de Blondie, qui voit le jour grâce aux compositions de Chris Stein et aux textes de Debbie Harry. Autre fait marquant révélé dans le documentaire de Pascal Forneri : alors que le groupe commence à se produire sur la scène du CBGB, club iconique et fondateur dans l’émergence du rock underground où l'on croise les Ramones, les Talking Heads, Television mais aussi Patti Smith, qui ne supporte pas la tignasse blonde de Debbie Harry : “Patti a dit à Debbie qu’il n’y avait pas assez de place pour elles deux, qu’elle n’avait aucun talent et qu’elle devrait arrêter. Elle ne pouvait pas la voir en peinture !” se souvient Jimmy Destri, le claviériste de Blondie.
En 2020, l’image de Debbie Harry continue de planer sur la scène pop rock, à l’échelle internationale. La chanteuse a influencé de nombreuses stars, à commencer par Madonna. Le dernier album en date du groupe, Pollinator, sorti en 2017, contient des collaborations avec la chanteuse Charli XCX et Dev Hynes (Blood Orange). Debbie Harry, quant à elle, porte toujours fièrement ses cheveux décolorés, notamment lors de quelques apparitions remarquées, comme au défilé Coach lors de la dernière Fashion Week de New York.
Debbie Harry : Atomic Blondie, disponible jusqu’au 24 avril sur le site et la chaîne YouTube d’Arte.