DMX : 5 choses à savoir sur la légende du rap disparue tragiquement
Earl Simmons alias DMX nous a quitté le 9 avril, à l’âge de 50 ans. Le rappeur phare des années 90 nous laisse un héritage impressionnant construit autour d’une voix bagarreuse et d’un charisme aussi sombre que fascinant.
Par Violaine Schütz.
1. Une enfance compliquée
Si certains rappeurs ont tendance à exagérer le nombre de séjours en prison pour peaufiner leur image de gangster que rien n’effraie, ce n’était pas le cas de DMX. Earl Simmons, né à Mount Vernon, dans l’État de New York, a grandi à Yonkers, en banlieue de la Grosse Pomme dans un climat des plus sombres. Il qualifiera plus tard en interview son enfance de déprimante tout en confiant qu’à cette époque, on ne parlait pas de ses difficultés car cela constituait un signe de faiblesse. Son éducation est marquée par un père absent (un artiste qui peignait des aquarelles de rue parti vivre à Philadelphie), les crises d’asthme, les coups de sa mère et de ses petits amis, les fugues et les nuits à dormir dans la rue et à se lier avec des chiens errants. Il subit un véritable traumatisme quand son premier pitbull est tué par des policiers alors qu’il est enfant. Suivront les accès de rage d’un gamin qui tente de survivre tant bien que mal entre la violence et les cambriolages. C’est ici que se situe la source d’un rap qui s’avérera à la fois réaliste et sanglant. En 1984, Earl, alors âgé de 14 ans, se met au beatbox. Et c’est après un séjour en prison qu’il commence à écrire ses premiers textes. Quatre ans plus tard, lors d’une autre incarcération pour carjacking, il se lance dans le rap, faisant ensuite circuler ses mixtapes. Rapper s’impose alors comme une catharsis face à la noirceur qui l’entoure. “Personne ne dégageait autant un sentiment de souffrance, de douleur et une énergie si atomique. Le Cerbère de Yonkers, qui a souffert pour tous nos péchés et les siens. Peut-être le rappeur le plus brut de tous les temps, sans prétention ni fioritures, juste de l’adrénaline pure, un génie sans loi et un abandon téméraire. La lutte incarnée” résume en un tweet le rappeur Biz Markie à propos de DMX au moment de sa mort.
2. Un uppercut dans la face du rap
DMX (pour “Dark Man X”) va passer quelques temps dans l’underground new-yorkais à peaufiner sa voix rauque reconnaissable entre mille et son flow menaçant avant de décrocher un contrat avec Def Jam, en 1997. Après des titres pour LL Cool J sortis la même année et une battle avec un autre prince de New York, Jay-Z (qui restera son grand rival) dans une salle de billard du Bronx au milieu des années 90, il change le visage du rap. Les rois du game se nomment alors Puff Daddy, The Notorious B.I.G, le Wu-Tang Clan et Outkast. C’est à ce moment-là, où domine les hymnes bling sur MTV, en 1998, que DMX sort son premier album It’s Dark and Hell Is Hot (puis son deuxième, la même année, Flesh of My Flesh, Blood of My Blood). Le titre et la pochette, rouge comme le diable, annoncent la couleur. Ici, le rappeur ne mise pas sur la poésie des textes, mais sur une énergie ravageuse et brutale. Les aboiements sont littéralement au rendez-vous sur un morceau comme Stop Being Greedy. Le rappeur, qui se passionne pour les pitbulls, possède un côté animal capable d’assurer une cadence infernale. Le mot “dog” revient d’ailleurs beaucoup dans ses chansons, imposant l’image du chien fou et enragé qui veut bouffer le rap game. DMX ne rappe pas, il grogne et cogne même s’il sait aussi se montrer plus introspectif. Une verve brute qu’on retrouve d’une certaine manière aujourd’hui dans la trap.
3. Un rappeur de tous les records
En 2014, une étude réalisée par le développeur Matt Daniels indiquait que DMX était l’un des rappeurs à utiliser le moins de mots dans ses textes. Alors que la richesse du vocabulaire du Wu-Tang Clan et de The Roots atteint celle de Shakespeare. Mais son authenticité à retranscrire la fureur de vivre de ceux qui ont connu la rue vaut mille mots. C’est elle qui a permis au rappeur de connaître un succès retentissant. Plus de six millions d’exemplaires de son premier album se sont écoulés, le certifiant quadruple disque de platine aux États-Unis. Ses cinq premiers albums (sur sept en tout) ont tous été classés numéro 1 des charts US. DMX s’est aussi démarqué en étant le deuxième artiste (après Tupac Shakur) dont deux disques se sont hissés numéro 1 au Billboard 200 le jour de leur sortie. En tout, il aurait vendu environ 30 millions d’albums dans toute sa carrière. De Ruff Ryders’ Anthem, la chanson phare des amateurs de grosses cylindrées à X Gon’ Give It To Ya, on ne compte plus ses tubes dont les prods synthétiques audacieuses étaient souvent signées Swizz Beats. Et les collaborations, de Marilyn Manson à Mary J. Blige.
4. Un détour par Hollywood
Avec son physique de star de la NBA (avec quelques centimètres en moins), son sens du style et son regard intense, DMX a su séduire Hollywood. A l’image de Will Smith et d’Ice-T qui ont aussi tracé leur bout de chemin en tant qu’acteurs, son charisme contrebalançait son manque d’heures de cours à l’Actor’s Studio. Incarnant une virilité portée à son paroxysme (muscles saillants, débardeur et grosse chaîne qui brille), il est apparu une vingtaine de fois à l’écran, que ce soit dans des séries ou des films, jouant souvent son propre rôle. Parmi les plus connus, on compte Belly de Hype Williams, Roméo doit mourir avec Jet Li et Aaliyah dont DMX était très proche, Hors limites avec Steven Seagal et surtout Never Die Alone, un thriller qui parle de New York, de caïds et de rédemption dans lequel le charisme du rappeur explose.
5. Un biopic vivant
La vie du rappeur, pleine de contradictions, constitue une matériau parfait pour un biopic. Earl Simmons, qui a été élevé parmi les Témoins de Jéhovah, était chrétien et a voulu un temps arrêter le rap pour devenir pasteur. Il lisait chaque jour la Bible et prenait ses séjours en prison comme des messages venus du ciel. Mais à côté de ces vœux pieux, celui qui portait souvent une grosse croix autour du cou a multiplié les détentions pour possession de drogues, conduite dangereuse, non-paiement de pension alimentaire et fraude fiscale. Grand séducteur, souvent infidèle, il serait père d’au moins 15 enfants. L’un des ses fils a d’ailleurs vendu les disques de platine de son paternel, sur eBay, en 2015, pendant qu’il purgeait une peine de prison. La vie d’Earl avait des airs de combat permanent. Il souffrait de trouble bipolaire (l’un de ses albums s’intitule The Great Depression) et s’est battu toute sa vie contre ses addictions tels que le crack et la cocaïne. Son entourage parlait d’un mental de “guerrier” qu’il a eu “jusqu’au bout”. Il a perdu sa dernière bataille. Après une semaine critique passée à l’hôpital suit à une overdose et à une crise cardiaque, il a cessé d’aboyer le 9 avril à l’âge de 50 ans. Chance The Rapper, Missy Elliot, Eve ou encore la mère d’Aaliyah ont vivement réagi à sa mort, montrant à quel point son héritage est bien vivant. Nas l’a même qualifié de “poète de Dieu”.