Philou, le nouveau visage de la scène électronique qui sample Penélope Cruz
Productrice, DJ et ex-mannequin, Philou électrise les scènes du monde entier avec ses sets aux accents downtempo et house psychédéliques. Entre mélancolie feutrée et groove incandescent, la Française défend aussi ses propres compositions : son titre Acid Martini, sample une réplique culte du film Vanilla Sky… Parée de bijoux Piaget, la DJ en pleine ascension s’est pliée au jeu du shooting mode et de l’interview pour Numéro.
Photos par P.A Hüe de Fontenay,
Réalisation par Rebecca Bleynie,
Texte par Alexis Thibault.

La DJ Philou sample le film culte Vanilla Sky
“I think she’s the saddest girl to ever hold a Martini…” Penélope Cruz glisse ces quelques mots à un Tom Cruise en pleine crise identitaire, comme on libère un secret trop lourd à garder. Une scène devenue culte, extraite de Vanilla Sky (2001) de Cameron Crowe, remake de Abre los ojos, drame psychologique réalisé quatre ans plus tôt par
Alejandro Amenábar. Plus explicite que le thriller original, le long-métrage, bourré de tubes – de Radiohead à R.E.M. –, adopte une esthétique de la confusion et une narration vertigineuse, comme s’il empruntait au cinéma de David Lynch…
Cette réplique, la productrice et DJ Philippine Celaries l’a samplée, découpée, transfigurée, puis intégrée à son propre morceau aux contours acides. Elle l’a sobrement baptisé Acid Martini (2025). Clin d’œil évident. Ses titres Disco Nap (2024) et Rapossa Rave (2024) sont également disponibles sur les plateformes de streaming.
À la scène, on retrouve la jeune femme de 31 ans sous un pseudonyme au charme juvénile : Philou. Un alias à l’image de sa palette sonore ? Groove multicolore, house efficace, dance indie et rythmes latins… Ex-mannequin passée par les podiums, elle s’impose désormais comme une figure de la fête électronique et déploie son aura dans les clubs du monde entier, notamment au Rex Club à Paris, au Voodoo Village en Belgique, au Burning Man au Nevada, ou encore à l’Onda Linda et à l’Astradanza au Mexique. D’autres l’ont vue chez Extrema, illustre festival belge, où elle s’est produite avant l’incontournable Berlinois Paul Kalkbrenner, incarnation de la techno cinématographique qui déploie des nappes synthétiques sur des morceaux minimalistes.

Des warehouses de Londres aux paysages du Brésil
C’est à Londres que Philou découvre véritablement la nuit. Les warehouse parties, plus proches de la communion que de la performance, deviennent alors son sanctuaire. “Avec les raves, j’ai compris que la fête pouvait être inclusive, et même réconfortante.” Ce rapport intime, presque spirituel, à la musique, on le retrouve dans chacun de ses sets, qu’elle conçoit comme des odyssées mentales, sortes de paysages kaléidoscopiques que l’on regarderait défiler à travers la vitre d’un train lancé à pleine vitesse… Mais c’est peut-être au Brésil, à São Paulo, que sa trajectoire prend un tournant décisif.
“Dans ce milieu, il faut porter un masque social. Un artiste, qui plus est une femme, doit toujours être au top.” Philou.
Là-bas, elle s’éprend définitivement du genre downtempo. Un style hypnotique né au début des années 1990 et caractérisé par son tempo relativement lent. Des groove syncopés, des percussions boisées, des lignes de basse profondes et un usage fréquent de pas atmosphériques. Sa première rencontre avec le son se joue pourtant bien loin des platines. Dans un petit appartement du XVIIᵉ arrondissement de Paris, elle débute la guitare avec ses frères à une époque “où elle n’était pas encore angoissée par le monde”. C’est seule dans sa chambre, à se perdre dans les méandres de l’algorithme de YouTube, qu’elle commence à digérer des mélodies. Elle ne sait pas encore qu’elle en ferait un jour sa matière première.
Les influences inattendues de Philou, de Patti Smith à Amy Winehouse
Au cours de cet entretien, Philou citera Patti Smith, Amy Winehouse, mais aussi Enter The Void de Gaspar Noé. À croire que son amour pour l’écriture brute et les figures cabossées traverse tout son travail. “Les gens pensent que j’écoute uniquement de la musique électronique. Ce n’est pas du tout le cas. J’aime les poèmes de Patti Smith et l’écriture d’Amy. Les gens écorchés ont souvent le plus de choses à dire…” Une artiste lucide, uniquement inspirée par les gens qui osent.
Son chemin passera aussi par les soirées Untitled, installées dans le célèbre club Silencio, dans le IIᵉ arrondissement de Paris, qu’elle fonde avec deux amis. La scène devient un lieu d’expression mais aussi de tension : “Dans ce milieu, il faut porter un masque social. Un artiste, qui plus est une femme, doit toujours être au top. Si vous êtes une nana et que vous en êtes arrivée là, c’est forcément parce qu’on vous a mise là. On ne dit pas ça aux hommes, n’est-ce pas ?”
Philou est de celles qui aiment être seules sans se sentir abandonnées. Elle ne renie pas ses années de mannequinat. Les passerelles entre la mode et la musique existent bien. Dans les deux cas, il faut sans cesse justifier sa légitimité, souvent en silence. Elle confiera tout cela avec une douceur élégante. Comme la réplique culte d’un personnage de Vanilla Sky qui libèrerait un secret trop lourd à garder.
Acid Martini (2025), disponible sur toutes les plateformes.
Les bijoux Piaget sont disponibles sur piaget.com.

Coiffure : Paolo Ferreira chez Calliste Agency. Maquillage : Megumi Itano chez Calliste Agency. Assistant photographe : Étienne Oliveau. Assistant réalisation : Thibaud Romain. Production : Alyssa Baranzelli chez Open Space Paris.