Comment Janelle Monáe, en concert à La Seine Musicale, est devenue une artiste majeure
Un an après la sortie du très sensuel The Age of Pleasure, la chanteuse et actrice Janelle Monáe se produira le dimanche 7 juillet à La Seine Musicale (en banlieue parisienne) pour un show qui s’annonce aussi torride que musicalement vivifiant. L’occasion de revenir sur le parcours de cette artiste majeure adoubée par Prince, qui, dans ses paroles comme dans ses clips, célèbre avec panache la puissance des femmes.
par Violaine Schütz.
Janelle Monáe : une musicienne avant-gardiste
Originaire de Kansas City, l’auteure-compositrice-interprète américaine Janelle Monáe – 38 ans – a eu envie de devenir musicienne pour deux raisons. La première ? Dorothy du Magicien d’Oz, sa fantaisie et ses chaussures pailletées. La deuxième ? L’environnement difficile qu’elle a connu enfant, engendrant le désir d’un monde parallèle, plus fantasmagorique. Le rêve devient réalité quand la songwriteuse emménage à Atlanta, en Géorgie.
C’est là qu’elle rencontre un autre excentrique visionnaire, Big Boi d’Outkast, qui la fait chanter sur l’album Idlewild. Dans la foulée, Puff Daddy la signe sur son label, fasciné par sa singularité. En 2007, Janelle Monáe sort son premier travail solo, le très ambitieux Metropolis: Suite 1 (2007) inspiré par l’esthétique expressionniste du réalisateur Fritz Lang.
Trois ans plus tard, Janelle s’essaie à une nouvelle expérience avec le concept album The ArchAndroid. L’alter ego qu’elle a créé, l’androïde venue du futur Cindi Mayweather, tombe amoureuse d’un humain et se retrouve démembrée.
Dans la vie, tout le monde tombe illico amoureux de cette fantasque version féminine de Prince (qui l’avait adoubée) en smoking qui se réclame d’Alfred Hitchcock, Joséphine Baker, Grace Jones, David Bowie, Michael Jackson, Philip K.Dick et James Brown.
Sa grande force ? S’attaquer à des problématiques de société derrière l’univers SF et les morceaux de soul psyché, Cindi symbolisant une minorité victime de ségrégation traquée pour sa différence.
Une actrice confirmée vue dans Glass Onion
Avant de se consacrer à la musique, Janelle Monáe est partie étudier le théâtre à New York avec l’idée de devenir actrice. Et son charisme est tout aussi ravageur à l’écran où elle s’illustre avec des choix filmiques pertinents.
Son visage juvénile illumine en effet le superbe Moonlight (2016), Oscar du meilleur film en 2017. Elle incarne avec force l’une des héroïnes du film Les Figures de l’ombre (2016), produit par Pharrell Williams. Acclamé par la critique, ce long-métrage conte l’histoire méconnue des trois scientifiques afro-américaines qui ont aidé les États-Unis à dominer la conquête spatiale.
On l’a aussi vue dans Bienvenue à Marwen (2018) de Robert Zemeckis, aux côtés de Diane Kruger qui raconte le parcours d’un homme victime d’amnésie après une agression, qui, pour se soigner, se lance dans la construction de la réplique d’un village belge, durant la Seconde Guerre mondiale. Encore un scénario étrange et fascinant comme Janelle Monáe les aime dans ses disques, et sans doute dans la vie.
Mais son rôle le plus important jusqu’ici reste Glass Onion : Une histoire à couteaux tirés (2022) de Rian Johnson, avec Daniel Craig. Diffusé sur Netflix, le film à succès nous emmène en Grèce, sur les traces du détective Benoit Blanc, qui enquête sur un mystère entourant un milliardaire issu du domaine de la technologie.
Une artiste engagée
En 2013, l’album The Electric Lady (2013) vient confirmer le statut d’icône de Janelle Monáe, notamment grâce à un duo avec une autre reine de la soul mutante, Erykah Badu (Q.U.E.E.N.) et un autre avec l’audacieuse Solange Knowles.
L’année d’après, elle reçoit un prix du Harvard College Women’s Center pour son implication féministe. Femme d’affaires avertie à la tête de sa propre société (Wondaland) et activiste au sein des mouvements Black Lives Matter et Time’s Up, son propos est encore très politique sur Dirty Computer (2018), un “emotion picture” comme elle le définit elle-même – une histoire filmée mêlée à de la musique.
Les tubes Make Me Feel et Django Jane sonnent comme des hymnes à la liberté sexuelle, au pouvoir du corps et aux femmes noires. Dans le clip de Pynk, elle porte – tel un étendard – un pantalon en forme de vagin couleur millennial pink, teinte emblématique de l’époque.
Celle qui fut invitée par le couple Obama à performer à la Maison-Blanche pour la Fête nationale y affirme sa vive opposition à l’Amérique de Trump qui menace ses droits. “Pynk célèbre la création. L’amour propre. La sexualité. Et le pussy power ! Pynk, c’est la couleur qui nous unit tous, puisque c’est la couleur que nous trouvons dans les recoins et les cavités les plus profonds et reculés du corps humain… Pynk, c’est là où le futur est né…”
The Age of Pleasure ou la célébration d’une sexualité décomplexée
L’an dernier, l’auteure-compositrice-interprète était de retour avec The Age of Pleasure, un quatrième album studio hédoniste et sensuel, proposant des ballades R’n’B chaloupées parfaites pour l’été, des sonorités afro-futuristes et amapiano, ainsi qu’un clip, Lipstick Lover, saphique et ultra sexuel. Encore un coup de maître de la part de celle qui s’engage pour les droits LGBT et qui a fait son coming out pansexuel avant d’annoncer sa non-binarité.
Multipliant les punchlines importantes, elle a notamment déclaré au magazine Rolling Stone : « Être une femme noire et queer aux États-Unis – c’est à dire quelqu’un qui a des relations autant avec des hommes que des femmes – je pense que ça fait de moi une p*tain de fille libre. » Personne ne dira le contraire à propos de cette artiste aussi visionnaire que pleine de panache.
The Age of Pleasure (2023) de Janelle Monáe, disponible. En concert à La Seine Musicale le 7 juillet 2024, à Boulogne-Billancourt.