16 fév 2021

Brent Faiyaz, la star du R’n’B qui renie les maisons de disques

Depuis la sortie fin janvier de “Gravity”, son dernier single avec Tyler, The Creator, le nom de Brent Faiyaz est sur toutes les lèvres. Révélé en 2016 dans “Crew”, son titre en featuring avec GoldLink nommé aux Grammy Awards, Brent Fayiaz continue de séduire avec ses morceaux introspectifs et son attitude anti-conformiste. Portrait.

Couverture de l’album « Fuck the World », de Brent Faiyaz, Lost Kids 2020

Dans l’intro de Sonder Son, premier album auto-produit sorti en 2017, Brent Faiyaz retranscrit l’ambiance sonore de son enfance passée dans une petite maison du Maryland. Entre les aboiements et le crissement des pneus sur le gravier, on y entend sa mère crier “Chris ! Viens-là tout de suite ! Ça fait des semaines que tu ne me ramènes que des F ! Qu’est-ce que tu fous toute la journée à l’école ? ”. Même si elle est fan de musique, la mère de Christopher Brent Wood – Brent Faiyaz de son vrai nom – s’inquiète de son attitude nonchalante à l’école. En classe, Chris lève ses yeux vers le ciel ou dessine des formes mystérieuses dans la marge de son cahier. D’ailleurs, c’est d’abord le dessin qui lui a servi de support d’expression, avant qu’il ne se plonge dans la musique, dès l’âge de 12 ans. A cette époque, son frère Juan et lui produisent des morceaux à l’aide d’un petit micro USB et d’un logiciel gratuit, puis vendent même leur musique dans la cour du collège… Brent Faiyaz n’est pas encore adolescent qu’il a déjà fondé son propre label.

 

 

A ce moment-là, Chris était loin d’imaginer que ce projet précoce serait le premier d’une longue série. En 2017, il fonde le label Lost Kids avec son manager, Ty Baidsen. Alors que la plupart des artistes qui voient leur notoriété grossir rejoignent un label puissant, Brent Faiyaz refuse de sacrifier une partie de sa liberté et de sa créativité. Il veut contrôler sa musique, son image, mais aussi toucher une plus grande partie de l’argent qu’il génère et être plus transparent avec ses fans à ce sujet. Les deux associés investissent alors 30 000 dollars de leur poche pour financer la production du premier album du musicien, et utilisent les données des plateformes de streaming musical comme Spotify, Pandora et Apple Music pour cibler leur fanbase.

 

 

Comme beaucoup d’artistes de sa génération, Brent Faiyaz a commencé à partager sa musique sur SoundCloud, avec un premier EP intitulé Black Child (2014). Si son plan était d’abord de devenir rappeur, son manager le convainc de privilégier le chant, lui confiant que c’est lorsqu’il chante que “la magie opère vraiment”. Ses instrus planantes, sa voix claire et son phrasé lascif lui garantissent une place de choix dans la playlist Bedroom Jams – la playlist sexy de Spotify ; mais derrière ses airs de crooner des temps modernes, le chanteur construit peu à peu son univers, albums après EPs, autour d’un R’n’B introspectif et sensible, qui est presque devenue une thérapie, au-delà d’un exutoire.

 

Après l’EP A.M. Paradox (2016), qui pose les bases de son style, puis Sonder Son (2017), son album le plus personnel et le plus autobiographique, Brent Faiyaz a livré un album aux 13 titres en 2020, Fuck the World, sorti sous son label Lost Kids, qui traite d’un thème bien connu du R’n’B : les relations amoureuses. Comme le titre de l’album – qui est aussi sa devise – l’indique, c’est avec désinvolture que le jeune chanteur pose sa voix soprane sur des instrus sensuelles. Dans ses morceaux, le chanteur de 25 ans use souvent de mots crus, qui contrastent avec sa voix angélique, apportant sa touche bien personnelle à l’héritage musical de la crème du R’n’B des années 90 et 2000, entre Donell Jones et Bryson Tiller en passant par Frank Ocean. Même s’il est influencé par les grands du R’n’B, il n’en est pas moins un pur produit de la génération Y. Son identité visuelle, dans la lignée esthétique de Foushée, The Weekend ou encore Childish Gambino, s’inscrit dans une douce mélancolie désabusée, faisant de lui un véritable ambassadeur d’une jeunesse nostalgique d’un passé insouciant.

 

 

Son vague à l’âme de poète urbain en plein spleen a également séduit plusieurs artistes influents dans le milieu du R’n’B. En 2016, il forme le groupe “Sounder” avec les producteurs Dpat et Atu : la même année, il apparait aux côtés de Shy Glizzy et de GoldLink dans son titre Crew, qui sera nommé aux Grammy Awards 2016. Le 20 janvier dernier, il revient avec un dernier single, Gravity, en featuring avec Tyler, The Creator, qui apporte sa patte spacy au style du petit prodige du R’n’B, créant un single hybride et futuriste. Peut-être un avant-goût de son troisième album, Make it out alive, actuellement en préparation. 

 

Gravity (2020) de Brent Faiyaz & DJ Dahi ft. Tyler, The Creator, disponible.