19 mai 2021

Le jour où Guillaume Apollinaire a été accusé d’avoir volé des pièces du Louvre

En août 1911, La Joconde disparaît du Louvre. Pire, après une investigation poussée, près de 300 pièces manquent à l’appel. Le poète Guillaume Apollinaire se retrouve écroué pendant six jours après avoir accepté des statuettes à un prix dérisoire… qui sont en réalité des objets volés.

Le juge d’instruction chargé de l’affaire, Joseph-Marie Drioux – que la presse surnomme le “mari de la Joconde” – décide d’emprisonner quelques jours, à la Santé, le poète Guillaume Apollinaire. Précisément, il passe six jours dans l’ombre d’une cellule en raison d’une complicité tissée en 1907 avec son ami et ancien secrétaire belge Géry Pieret qui a, en effet, dérobé trois statuettes phéniciennes au Louvre en 1907 et 1911. Et même si Guillaume Apollinaire est bien au fait des penchants pour le jeu et l’escroquerie de son ami, il accepte, en 1907, une sculpture à prix d’or que Géry propose aussi à Picasso, qui s’en inspira pour réaliser Les Demoiselles d’Avignon. Mais l’affaire du Louvre rattrape les deux hommes lorsque Guy Piéret envoie une statuette au quotidien Paris Journal, en prétendant avoir volé la Joconde et d’en réclamer une rançon de 150000 francs. Tout s’effondre pour le génie poète et l’inventeur du cubisme : les deux amis recèlent de pièces volées, cherchent à s’en débarrasser, et sont accusés de complicité dans l’indignation complète du milieu intellectuel parisien. Car oui, Apollinaire n’était pas l’illustre inconnu, le poète oublié. C’est peut-être son image de grand littéraire qui donne à l’affaire une toute autre dimension. Depuis 1903, il fréquente les cercles littéraires et fait la connaissance de Jarry de Montfort puis Derain et Vlaminck. Il publie contes et poèmes dans des revues rassemblés dans des recueils : l‘Enchanteur pourrissant (1909), l’Hérésiarque et Cie (1910). Bien loin de lui l’idée de s’enfermer dans la tour d’ivoire du poète misanthrope. Il exerce l’activité de journaliste : il s’occupe de chroniques dans la Revue d’art dramatique, il rédige des roman érotiques, et préface des textes libertins (1909). Une activité de journaliste, une vocation de poète intacte, Apollinaire considère que tout événement, ordinaire ou curieux, peut devenir prétexte à poésie : “Chacun de mes poèmes est la commémoration d’un moment de vie“. Ces six jours l’ont marqué, a fortiori lorsqu’on est innocent. En ce sens, l’incarcération est aussi un instant de poésie, une terre fertile aux sizains, sonnets, ou acrostiches… Et la même année, “Le Flaneur des deux rives” publie son premier recueil de poèmes, Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée, qui brosse le portrait de 30 animaux plein d’esprit.

G.Apollinaire © Radio France

Qui a pu faire le coup ? Qui a touché au joyau de Léonard de Vinci ? Un gardien ? Un journaliste ? Un technicien de surface ? On fouille tous les recoins du musée. Les placards et les réserves, aussi poussiéreux soient-ils, sont passés au peigne fin, et près de soixante-dix inspecteurs sont dépêchés sur place le jour du vol. Seuls le magnifique cadre de la Renaissance italienne et la vitre qui protégeait le tableau sont retrouvés dans un petit escalier menant à la cour Visconti. Le monde s’enflamme, la presse s’emballe, les contrôles aux frontières sont renforcés, la nouvelle fait les choux gras des journaux et quand le scandale prend de l’ampleur, on pointe du doigt des cibles “faciles” : les Juifs seraient-ils à l’origine du vol ? Ou un “Boche”, mouchard du Kaiser Guillaume II ? Le contexte international tendu contribue à intensifier les calomnies. Dans ce climat délétère et face au scandale, le directeur du Louvre, Théophile Homolle, est contraint de démissionner. S’ensuivent deux semaines d’accusations diffamatoires, de spéculations infondées qui ignorent délibérément la présomption d’innocence, et durant lesquelles aucun “bon” coupable n’est trouvé. L’enquête marque le pas. Le musée entreprend un inventaire complet de ses collections. Et voilà que quelque 300 pièces ont disparu ! Chacun tente, à sa manière, tant bien que mal, de remettre la main sur le tableau, motivé à l’idée de se voir attribuer la récompense de 25 000 francs offerte par la Société des Amis du Louvre, ou les 40 000 francs proposés par la revue L’Illustration à toute personne le rapportant dans ses locaux. Deux semaines après le vol, un étranger au nom improbable, poète de surcroît, est arrêté : M. Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, dit Apollinaire.

 

Le juge d’instruction chargé de l’affaire, Joseph-Marie Drioux – que la presse surnomme le “mari de la Joconde” – décide d’emprisonner Guillaume Apollinaire, pendant quelques jours, à la Santé. Il passe donc six jours dans l’ombre d’une cellule en raison de sa complicité avec son ami et ancien secrétaire, le Belge Géry Pieret, qui, en 1907 et 1911, déroba trois statuettes phéniciennes au Louvre. Même si Guillaume Apollinaire n’ignore pas les penchants pour le jeu et l’escroquerie de son ami, il accepte, à cette même époque, d’acheter à vil prix l’un des trois “trésors’” que Pieret lui propose. Par ailleurs, Pieret a également réussi à en vendre une autre à Picasso, qui s’en est inspiré pour réaliser Les Demoiselles d’Avignon. Mais l’affaire du Louvre rattrape les deux hommes lorsque Géry Pieret envoie la dernière des statuettes au quotidien Paris Journal en prétendant avoir volé La Joconde et réclame une rançon de 150 000 francs. Tout s’effondre pour Apollinaire, le génial poète, et pour Picasso, l’inventeur non moins génial du cubisme : les deux amis comprennent qu’ils recèlent des pièces volées et cherchent à s’en débarrasser. Ils sont accusés de complicité et deviennent l’objet de l’indignation du milieu intellectuel parisien. Car Apollinaire n’était pas un illustre inconnu, un poète maudit. C’est peut-être son image de grand littéraire qui donne à l’affaire sa dimension sensationnelle. En effet, depuis 1903 il fréquente les cercles littéraires et a fait la connaissance de Jarry de Montfort, puis, quelque temps plus tard, de Derain et de Vlaminck. Il a publié des contes et des poèmes dans des revues, qui ont été rassemblés dans des recueils : L’Enchanteur pourrissant (1909) ou L’Hérésiarque et Cie (1910)… Se tenant loin du personnage de poète misanthrope qui s’enferme dans sa tour d’ivoire, Apollinaire est aussi journaliste. Il écrit des chroniques pour la Revue d’art dramatique, rédige des romans érotiques et préface des textes libertins. En tant que poète, Apollinaire considère que tout événement, ordinaire ou curieux, peut devenir prétexte à poésie. Son expérience de l’incarcération devient elle-même source d’inspiration. Comme il disait si bien : “Chacun de mes poèmes est la commémoration d’un moment de vie.