4 mar 2020

Isabelle Huppert en 5 rôles insolites

Isabelle Huppert incarne à elle seule le rayonnement du cinéma français. Habituée des films de Claude Chabrol, François Ozon… Elle a tourné avec les plus grands réalisateurs. L’actrice s’est démultipliée tout en se forgeant une image bien à elle, froide et élégante. Mais, derrière ses plus grandes apparitions se cachent des rôles surprenants. Retour sur cinq performances improbables.

Col roulé en latex, RICHARD QUINN. Boucle d’oreille, ALAN CROCETTI. credits: Sofia Sanchez et Maurau Mongiello

Bientôt à l’affiche du film de Jean-Paul SaloméLa Daronne, dans lequel elle incarne une dealeuse de drogue, Isabelle Huppert n’en finit plus de surprendre le spectateur par ses choix éclectiques. Celle qui a tourné avec Otto Preminger, Hong Sang-Soo, Ira Sachs et Werner Schroeter alterne désormais les comédies, les drames et les thrillers avec l’habileté d’un caméléon. Lors de son entretien à Numéro en août 2019, elle confiait pourtant que chacun de ses rôles comporte une forme d’autoportrait, comme si, inconsciemment, elle choisissait des personnages à son image. Polymorphe, sa carrière foisonnante comporte même quelques pépites surprenantes, là où on ne l’attend pas forcément.

« Passion » de Jean-Luc Godard (1982)

1. Une ouvrière syndicaliste dans Passion de Jean-Luc Godard (1982)

 

Si le fait qu’Isabelle Huppert ait tourné avec Jean-Luc Godard n’est pas vraiment une surprise, son rôle d’ouvrière l’est un peu plus. Syndicaliste révoltée, elle est l'incarnation même de la lutte des classes, si chère au cinéaste, en jouant le rôle d’une jeune femme licenciée par un patron qui apprécie peu ses activités militantes. Deuxième collaboration entre Godard et Isabelle Huppert après Sauve qui peut (la vie) en 1979, le film signe notamment les retrouvailles entre Jean-Luc Godard et son chef-opérateur Raoul Coutard. Regard acéré sur son personnage, sans fioritures ni complaisance, Passion rappelle parfois Le Mépris, car il y est question, aussi, de cinéma. L'actrice, qui a dû apprendre à bégayer pour le rôle, s'est aussi pliée au travail en usine afin d'entretenir un rapport plus concret avec la réalité du film. 

« Coup de torchon » de Bertrand Blier (1981)

2. Une maîtresse survoltée et grossière dans Coup de torchon de Bertrand Blier (1981)

 

Ici encore, Isabelle Huppert campe un personnage à l’opposé de l’image altière qui la caractérise. Maîtresse de Philippe Noiret dans le film de Bertrand Blier, son personnage est survolté, grossier au possible et animé par une fureur de vivre amère. On peine même à reconnaître la voix de l’actrice lorsqu’elle lance ses répliques acerbes. Battue par son mari, elle revient avec froideur sur sa mort: "Je regrette de pas avoir été là pour le voir crever ce fumier de salaud. Tu sais ce que j’aurais aimé faire ? Prendre un tisonnier chauffé à blanc et lui enfoncer dans le trou". Un franc parler jouissif qui s'ajoute à la galerie de personnages cruels et lâches du film.

« Tip Top » de Serge Bozon (2013)

3. Une inspectrice masochiste dans Tip Top de Serge Bozon (2013)

 

Un filet de sang qui coule le long de l’arrête de son nez, une gouttelette qu’elle rattrape avec la langue… Isabelle Huppert est une inspectrice de la police en pleine enquête dans un commissariat corrompu. Pincée et autoritaire, son personnage décalé de commissaire Lafarge fait face à Sandrine Kiberlain et François Damiens, tout aussi gauches et grinçants qu’elle. Alors que les uns sont des racistes assumés, des voyeurs ou flics apathiques, la commissaire retrouve son mari —Samy Naceri— dans sa chambre d’hôtel pour une partie de jambes en l’air sadomasochiste. Couverte de bleus, elle mène l’enquête à la baguette, faisant de ce rôle un des plus extravagants qu’elle ait tenus. 

« Greta » de Neil Jordan (2019)

4. Une dangereuse psychopathe dans Greta de Neil Jordan (2019)

 

Le dernier film de Jordan Neil fait écho à certains rôles terrifiants qui ont forgé l’image glaçante de l’actrice. Violette Nozière de Claude Chabrol (1978) la montrait en parricide sans âme ni remord, La Pianiste de Michael Haneke (2001) faisait d’elle une professeure de piano psychopate, tandis que Elle de Paul Verhoeven (2016) la montrait détachée, insaisissable. Dans Greta, Isabelle Huppert incarne une veuve solitaire, recluse chez elle comme dans un donjon. Alors que Frances (Chloë Grace Moretz) lui rapporte son sac à main qu’elle a trouvé dans le métro, la femme se révèle être un personnage dérangé, habitué à tendre des pièges à des jeunes filles pour faire de leur vie un enfer. Si ce rôle dénote dans le reste de sa carrière, c’est parce qu'il présente tous les codes du thriller, un genre auquel l'actrice rousse n'est pourtant pas habituée. Film noir farcesque et un peu kitsch, Greta prouve la grande capacité d’Isabelle Huppert à se renouveler et à choisir des rôles inattendus. 

« Dix pour Cent » saison 3, épisode 4, de Fanny Herrero (2017)

5. Elle-même dans la saison 3 de Dix Pour Cent de Fanny Herrero (2015-2019)

 

La série est connue pour accueillir les grandes figures du cinéma français : Fabrice Lucchini, Nathalie Baye, Virginie Efira, Isabelle Adjani, Juliette Binoche ou encore Guy Marchand y défilent tour à tour dans un délicieux exercice d’autodérision. Entre Gérard Lanvin et Cédric Kahn, Isabelle Huppert fait elle aussi l’objet d’un épisode lors de la saison 3. Dépeinte comme un vrai bourreau de travail autoritaire, on la voit notamment réécrire ses lignes de textes et imposer sa vision du film à un metteur en scène désemparé… 

 

 

La Daronne de Jean-Paul Salomé, en salles le 25 mars 2020.