4 sept 2024

Mostra de Venise 2024 : le film Queer montre Daniel Craig comme on ne l’avait jamais vu

Dans le dernier film Queer de Luca Guadagnino, l’ex-James Bond Daniel Craig plonge dans une histoire d’amour et de frustration avec un amant distant, au sein de cette adaptation torride d’un roman de William Burroughs.

Daniel Craig à la 81e Mostra de Venise (2024). © Photo by Ernesto Ruscio/Getty Images.
Daniel Craig à la 81e Mostra de Venise (2024). © Photo by Ernesto Ruscio/Getty Images.

Queer : le nouveau film torride signé Luca Guadagnino

Quelques mois après Challengers, son coup d’éclat tennistico-sexy autour du trio ZendayaJosh O’Connor-Mike Faist, le réalisateur italien Luca Guadagnino revient en compétition à la Mostra de Venise avec un film très différent. Adapté d’une nouvelle de jeunesse de William S. Burroughs, Queer semble éminemment personnel pour l’auteur de Call Me By Your Name (2018), qui met en scène un personnage de son âge (la cinquantaine) perdu dans les affres de la projection amoureuse. L’action débute à Mexico City, durant les années 1940, mais nous pourrions être à peu près n’importe où, n’importe quand : il suffit d’un monde où l’amour existe.

Le héros est un américain réfugié au Mexique pour échapper à une situation compliquée. Une histoire de drogue ? Sans doute. Connaitre les détails n’a pas grande importance. Lee (Daniel Craig) n’en parlera presque pas. Cet homme fatigué par la vie et addict est montré dans son quotidien, à la fois oisif et aux aguets. Homosexuel et célibataire, il passe ses journées et soirées dans les bars, où s’agite une petite communauté d’expatriés pour qui les shots de Tequila s’enchainent. En attendant quoi ? Des hommes murs jettent des regards pleins de désir vers d’autres plus jeunes, on connait la chanson. Sauf que Guadagnino recherche moins le folklore gênant de la drague qu’une exploration féroce de l’inégalité amoureuse, là où les sentiments sont aussi des transactions.

Daniel Craig dans le film Queer (2024).
Daniel Craig dans le film Queer (2024).

Daniel Craig en icône gay sensible

Dans Queer, Lee incarne un privilège (il a de l’argent, méprise les locaux, rémunère des gigolos) tout en vivant lui-même une discrimination. On devine qu’il a échoué dans ce quartier comme dans une cage dorée, alors que son orientation sexuelle est perçue ailleurs comme une maladie. Tout cela lui est rentré dans la tête.

Assez finement, Guadagnino explore ce paradoxe, avant de passer aux choses sérieuses : la construction d’un drame amoureux, avec comme horizon les grandes romances gays contrariées et hantées, comme Happy Together (1997) de Wong Kar-wai ou Sans jamais nous connaitre (2023) d’Andrew Haigh, quand Lee s’entiche de Eugene (Drew Starkey), un jeune américain qui laisse planer le doute sur son orientation sexuelle. Ensemble, ils connaissent quelques moments torrides. Lee semble revivre, alors que son amant garde ses distances. La douleur s’installe. Guadagnino pousse le trouble aussi loin que possible, filmant le sexe sans prendre de pincettes, montrant à quel point la quête d’amour de Lee vient avec une forme de haine de soi, terreur et joie mêlées.

Le film Queer (2024) © Yannis Drakoulidis.
Le film Queer (2024) © Yannis Drakoulidis.

Une exploration érotique sans issue

On peut regretter que le cinéaste italien rate (de peu) le grand film d’amour éperdu que manifestement, il vise. Queer souffre d’un récit trop ténu dans sa première heure et la tendance à l’ornementation de Guadagnino, styliste hors pair, lui joue des tours. Les costumes signés JW Anderson ont beau être impeccables, la bande-son très inspirée (en plus de la musique de Trent Reznor et Atticus Ross, on entend des pépites comme les Piano Sessions de Prince), le film ne renonce pas assez à contempler sa propre beauté et nous laisse parfois à distance.

Sa dernière partie, où il est question d’un trip dans la jungle à la recherche d’une substance aux pouvoirs dévorants, est plus folle, plus explicite aussi dans son traitement de l’amour comme une perdition, au bord du fantastique. Queer devient alors un de ses films qu’on n’oublie pas, malgré leurs défauts. Parce qu’il recherche une forme d’honnêteté radicale, à fleur de peau. Mais aussi parce qu’il transforme l’un des symboles de la masculinité puissante au 21e siècle, Daniel Craig, en une icône gay sensible.

L’ancien James Bond avait entrepris sa mue en disant au revoir à son personnage fétiche dans Mourir peut attendre en 2021, mais il franchit ici un cap sous le regard aimant de Guadagnino, lancé dans une exploration érotique sans issue, n’hésitant pas à se montrer radicalement fragile, presque fantômal. On aimerait retrouver l’acteur au palmarès de cette 81e Mostra de Venise, tant il se réinvente sans concession.

Le film Queer (2024) de Luca Guadagnino, avec Daniel Craig, n’a pas encore de date de sortie.