31 déc 2024

Qui est Nassim Lyes, la révélation du film Sous la seine qui rêve de séduire Hollywood ?

Devant la silhouette musclée et sexy de Nassim Lyes, toutes les portes semblent vouloir s’ouvrir. Notamment celles de Netflix, qui lui a offert l’un des rôles principaux du film Sous la Seine, carton mondial de l’année, où la capitale française est attaquée par des squales. Entre comédies et films d’action, l’acteur, à l’affiche le 10 janvier 2025 d’Ad Vitam sur Netflix, aiguise ses talents et rêve de nager avec des requins encore plus féroces : ceux de Hollywood.

par Olivier Joyard.

Portraits par Daragh Soden.

Nassim Lyes. Manteau croisé en cuir et bermuda en drap de laine, Emporio Armani. Collier et bagues “B.zero1”, et montre “Octo Roma Chronograph”, Bvlgari.
Nassim Lyes pour Numéro Homme. Manteau croisé en cuir et bermuda en drap de laine, Emporio Armani, collier et bagues “B.zero1” et montre “Octo Roma Chronograph” Bvlgari.

Rencontre avec l’acteur Nassim Lyes, star du film Sous la Seine

Nous sommes au cœur de l’été olympique quand Nassim Lyes se pose la question de quitter le centre de Paris, où il vit depuis des années. Cela fait plusieurs semaines que l’acteur est reconnu à chaque coin de rue, ses fans se font de plus en plus pressants, jusqu’à troubler sa quiétude. De quoi chercher un peu d’air, même si le moment reste forcément positif. L’ascension fulgurante de ce garçon souriant et ultra énergique a comme base le carton de l’année sur Netflix, le film de genre Sous la Seine, réalisé par Xavier Gens, dont il tient l’un des rôles principaux : le chef de la brigade policière fluviale, confronté à l’irruption pour le moins louche d’une famille de requins tueurs dans la capitale française.

Plus c’est gros, plus ça passe : les chiffres sont excellents partout dans le monde. Voilà Nassim Lyes devenu un phénomène, alors qu’il travaille régulièrement depuis le début des années 2010. “Le film arrive à mon âge [36 ans] et tant mieux, explique posément l’intéressé. À la trentaine, tu gères les succès différemment. Avant, cela n’aurait peut-être pas été le cas. Dieu ou l’univers, appelons-les comme on veut, ont très bien fait les choses. Si j’avais eu 20 ans, j’aurais pu me prendre pour je ne sais qui et péter un plomb.

À 20 ans, Nassim Lyes n’avait pas encore montré son visage et sa musculature à une caméra. En grandissant à Nîmes, avec un passage éclair en Normandie, à l’âge de 10 ans, suite au divorce de ses parents (“Ils se sont retrouvés et ont re-divorcé, mais c’était dans la joie et la bonne humeur”, assure-t-il), le jeune homme ne s’autorisait pas à rêver, tant le milieu parisien du cinéma semblait loin de son quotidien d’espoir du sport.

Nassim Lyes. Blouson en coton technique et pantalon en cuir, Hermès. Collier “B.zero1” et montre “Bvlgari Aluminium White Automatic”, Bvlgari. Débardeur personnel.
Nassim Lyes pour Numéro Homme. Blouson en coton technique et pantalon en cuir, Hermès, collier “B.zero1” et montre “Bvlgari Aluminium White Automatic”, Bvlgari et débardeur personnel.

Un espoir du sport plongé dans le milieu du cinéma parisien

Par hasard, le déclic arrive. “Je suis monté à Paris pour la première fois lors des Championnats de France de kick-boxing en 2009, que j’ai eu la chance de gagner [catégorie junior, 67 kilos]. J’ai pu découvrir la ville pendant un week-end et je suis tombé sur des acteurs, dont Youssef Hajdi, originaire de Beaucaire [Gard]. J’avais toujours voulu être comédien, mais je me disais que pour un mec de la ZUP nord de Nîmes, c’était compliqué. Youssef, qui appartient à la génération précédant la mienne et vient d’un milieu similaire, m’a parlé de sa propre carrière [cette figure familière a notamment tourné avec Jean-Pierre Jeunet et Luc Besson]. Il avait cru en lui, je pouvais croire en moi. Je suis rentré à Nîmes et, le lundi matin, j’ai annoncé à ma mère qu’au lieu de retourner en fac de droit, où j’avais obtenu mon semestre, j’allais monter à Paris tenter ma chance dans le cinéma. Parmi quatre frères, j’étais le seul qui travaillait bien à l’école. C’était difficile pour elle.

Difficile, mais pas insurmontable, pour une femme que Nassim Lyes décrit comme une personnalité solaire. “Surtout, ma maman avait voulu être actrice, donc elle m’a vite encouragé. C’était une énorme fan de films d’action avec Jean-Claude Van Damme, Bruce Willis, Mel Gibson… Un dimanche sur deux, on en voyait ensemble. Elle m’a transmis sa passion. En la croisant, les gens disent : ‘Les chiens ne font pas des chats.’

La bande-annonce du film Sous la Seine (2024) de Xavier Gens, avec Nassim Lyes et Bérénice Bejo.

Nassim Lyes, de barman dans un café de Paris à révélation du cinéma français

Dès son installation à Paris, Nassim Lyes avance au culot, pour se trouver au bon endroit au bon moment. Il se fait engager comme barman à l’Égoïste, un café branché du Marais, rue de Bretagne, que fréquentent à cette époque des célébrités du cinéma comme Leïla Bekhti, Tahar Rahim, Vahina Giocante ou encore Hélène de Fougerolles. “C’était mon deuxième travail, après le McDo. J’étais rasé, très bronzé l’été, j’étais là pour croiser ces gens.” Un soir, le directeur de casting Antoine Carrard arrive dans le bar et, impressionné par sa stature, demande à Nassim Lyes ce qu’il fait dans la vie.

Du tac au tac, celui-ci répond qu’il veut devenir acteur. “Il cherchait un Brésilien surfeur, pour un film avec Gilles Lellouche. Je lui balance que je suis brésilien et que j’ai un super niveau en surf, alors que non, je suis d’origine algérienne et je ne sais pas nager ! Mais j’ai été pris. Et j’ai suivi des cours de natation.” [Rires.] Fake it until you make it, disent les Américains, qui en connaissent un rayon sur la meilleure façon de briser les plafonds de verre. Le film s’appelle Mineurs 27, avec Jean-Hugues Anglade, et met Nassim Lyes sur la liste des jeunes acteurs français capables d’attirer les regards. Il s’offre les services de Karine Nuris, une coach de jeu très réputée, sur les conseils d’une amie de lycée dont elle est la sœur.

Encore un petit coup de pouce du destin, même si les difficultés sont réelles pour celui qui interprète bientôt un rôle de voyou dans la première série française de Netflix, Marseille, très mal reçue. La malchance s’en mêle, quand, en 2015, Nassim Lyes figure au casting de Made in France de Nicolas Boukhrief. Non seulement le film met en scène un groupe de jeunes djihadistes qui planifie plusieurs attaques simultanées à Paris, mais, quelques jours avant sa sortie, surviennent les attentats du 13 novembre, qui endeuillent le pays.

Nassim Lyes. Débardeur en coton et Lurex, Fendi. Pantalon en drap de laine, Yohji Yamamoto. Colliers et bracelets “B.zero1”, et montre “Octo Finissimo”, Bvlgari. Ceinture, Hermès.
Nassim Lyes pour Numéro Homme. Débardeur en coton et Lurex, Fendi, pantalon en drap de laine, Yohji Yamamoto, colliers et bracelets “B.zero1”, et montre “Octo Finissimo”, Bvlgari et ceinture Hermès.

Entre comédies et films d’action, Nassim Lyes aiguise ses talents

Reprogrammée pour le mois de janvier suivant, la sortie en salle de Made in France, avec notamment François Civil, est finalement annulée. “Sur l’affiche, il y avait la tour Eiffel et une kalachnikov, explique Nassim Lyes. Heureusement, la sortie en VOD a été un succès, et ce film représente malgré tout un tournant dans ma carrière : c’était mon premier rôle dramatique, moi qui avait fait beaucoup de comédies, comme la série Lascars.”

La comédie n’a jamais quitté Nassim Lyes, qui a participé au buzz viral d’En passant pécho, la websérie lancée en 2012 devenant un film de Julien Royal en 2021. Il y joue Cokeman, dealer de cocaïne vivant en slip. “J’ai appris à ce moment-là que dans le métier d’acteur, il fallait s’oublier, oublier même la caméra. Tu peux être moche, on s’en fout.

L’idée d’apprentissage résonne souvent dans sa bouche, que ce soit pour évoquer l’importance de la minisérie The Spy (2019) de Gideon Raff, avec Sacha Baron Cohen, ou son expérience récente avec Guillaume Canet dans le thriller Netflix Ad Vitam de Rodolphe Lauga, qui sortira le 10 janvier 2025. “Je m’inspire beaucoup des réalisateurs avec lesquels je travaille, confirme-t-il. J’ai l’impression d’avoir progressé de tournage en tournage, comme un artisan qui travaille son bois et devient de plus en plus juste.” Parmi les collaborations les plus importantes de la carrière du Nîmois figure bien sûr celle avec Xavier Gens.

Le réalisateur quadragénaire de Sous la Seine a débuté sa carrière dans les années 2000 avec Hitman et s’est forgé une solide réputation dans le domaine de l’action avec la série Gangs of London, puis avec le film Farang, tourné en Thaïlande et sorti en 2023, pour lequel le Français a engagé Nassim Lyes dans le premier rôle. “Une des plus belles expériences humaines que j’ai connues, affirme l’acteur, qui revendique une approche moins technique qu’affective. Si la relation avec un réalisateur reste strictement professionnelle, ce qui a pu m’arriver, je m’ouvre moins. Dans la scène du bar de Sous la Seine, j’ai réussi à aller dans l’émotion parce que j’étais en confiance avec Xavier Gens. Le personnage parle de son passé. C’était très intime, j’avais besoin de me dévoiler pour donner le meilleur. C’est ma méthode, je sais qu’il en existe d’autres. Moi, je vais chercher des trucs vrais. Avant la prise, Xavier Gens m’a montré une photo, avec mon consentement. On y voyait mon papa, que j’aime énormément et qui était malade durant cette période. Pendant toute la prise, ma voix part, je me retiens de ne pas pleurer. Une seule a suffi.

Nassim Lyes. Chemise en soie imprimée, Zilli. Pantalon en drap de laine et boots, Yohji Yamamoto. Collier “B.zero1” et montre “Octo Finissimo”, Bvlgari.
Nassim Lyes pour Numéro Homme. Chemise en soie imprimée, Zilli. Pantalon en drap de laine et boots, Yohji Yamamoto, collier “B.zero1” et montre “Octo Finissimo”, Bvlgari.

En recevant le script, j’ai compris que j’allais m’amuser, car je passe du voyou au flic. J’ai souvent été de l’autre côté, chez les mecs de cité, car nous, acteurs issus de l’immigration, on nous met vite dans une case.”

Nassim Lyes.

Sous la Seine a plu au public autant qu’il a subi les railleries d’une bonne partie de la critique, pour son côté kitsch, ses invraisemblances pas forcément bien assumées et sa vision pour le moins partielle de la réalité française de 2024. “Mais Netflix avait senti le succès, constate l’acteur, admiratif. Le film a aujourd’hui des dizaines de millions de vues. C’est la puissance des plateformes. Même si la critique est mitigée en France, les Anglo-Saxons aiment beaucoup plus. Stephen King adore, c’est une pointure ! Tant qu’on a un avis, c’est bien. L’indifférence, c’est ce qu’il y a de pire.

Nassim Lyes se souvient de Sous la Seine comme d’un des projets les plus excitants de sa carrière sur le papier, à cause d’un changement d’image enfin possible. “En recevant le script, j’ai compris que j’allais m’amuser, car je passe du voyou au flic. En quinze ans, je n’avais jamais reçu une telle proposition. J’ai souvent été de l’autre côté, chez les mecs de cité, car on peut être cantonné dans le cinéma français. Nous, acteurs issus de l’immigration, on nous met vite dans une case.

Loin de toute polémique, Lyes note l’importance de plus en plus grande des acteurs issus de familles immigrées dans le paysage. “Je vois des personnalités comme Karim Leklou ou Tahar Rahim, qui sont superbes, ou encore Dali Benssalah, tous ces mecs d’origine maghrébine, qui profitent d’une belle diversité dans les rôles.” Nassim Lyes dit son espoir d’une évolution positive dans la société française, dont les représentations pourraient être un fer de lance. “La seule chose qui m’attriste, c’est de voir qu’il existe une peur de l’étranger et un sentiment d’insécurité qui ne sont pas fondés. Je dis toujours que lorsqu’on arrêtera de se voir avec des frontières, on aura fait des progrès. Quand je regarde une personne, c’est au-delà de sa couleur, sa religion, son orientation sexuelle et ses croyances. Je suis dans l’empathie. Le vivre- ensemble et l’amour vont vaincre.

La bande-annonce d’Ad Vitam (2025).

Xavier Gens, le réalisateur qui révélé Nassim Lyes

Devant la caméra de Xavier Gens, Nassim Lyes a pris un autre visage, moins normé, en plus de connaître un plaisir de gosse : faire l’acteur dans les conditions très particulières d’un film d’action pour Netflix. “Nous étions entre la Belgique, Alicante et Paris. À certains moments, la Seine était privatisée, on naviguait sur des Zodiac, à 80 km/h, en pleine nuit, avec la tour Eiffel qui brille, Notre-Dame… Des moments inoubliables. C’est pour cela que l’on fait ce métier, pour vivre ce genre d’expérience, que je ne revivrai sûrement jamais. Sauf s’il y a une suite !

En dehors de l’excitation de tourner dans la capitale française un film de genre sans limites – trois requins à l’assaut de la ville, pourquoi pas ? –, Nassim Lyes a aussi pu tester ses angoisses. Un problème de décompression lors d’une initiation à la plongée à l’âge de 13 ans, à Sète (Hérault), l’avait laissé avec pas mal d’appréhension et des tympans en vrac.

Alors, se faufiler dans un décor qui recrée les catacombes, porter un masque enveloppant toute la tête, passer du temps sous l’eau, tout cela n’était pas gagné. “Pour des raisons visuelles, Xavier Gens a équipé les acteurs avec ces masques scellés, qui montrent nos visages. Tu n’entends rien de ce qui se passe à l’extérieur. L’effet de claustrophobie était maximal ! La première journée a été compliquée, mais nous avons fait des exercices de respiration et de relaxation. Au bout d’une semaine, j’étais comme un poisson dans l’eau malgré un bassin de douze mètres de profondeur. Ce métier est génial : on grandit au fil des tournages. Depuis, je suis moins claustro, et je me sens mieux dans les ascenseurs.” [Rires.]

Après le carton de Sous la Seine, où est la limite pour Nassim Lyes ? Inspirant au-delà des écrans, il incarne aujourd’hui le parfum J de Jacomo. Le choix de l’acteur a été évident, pour son élégance, sa sensibilité et son authenticité, sa manière de vibrer naturellement avec son époque. Nassim Lyes poursuit aussi un chemin où le travail d’acteur se double d’un intérêt grandissant pour l’écriture de scénarios.

Nassim Lyes dans le film "Ad Vitam" (2025) © Christophe Brachet/Netflix.
Nassim Lyes dans le film Ad Vitam (2025) © Christophe Brachet/Netflix.

Le petit Nassim, qui regardait les films d’action avec les stars américaines, a envie de se retrouver sur les plateaux avec les héros de son enfance. Je me dis que c’est possible.

Nassim Lyes.

Déjà coauteur avec Julien Royal de la comédie Nouveaux riches, il vient de rempiler avec son compère pour un nouveau film, nommé Bagarre, sur un héros aux idéaux non violents forcé d’intégrer un service de combat à la commande. “Julien, c’est un grand littéraire, moi, je ne lis pas beaucoup de livres. Il est né à Boulogne, moi, je viens de la ZUP nord de Nîmes. Tout nous opposait, mais dans l’humour, on s’est trouvés.” Ainsi fonctionne le trentenaire, quand les rapports personnels et amicaux viennent enrober le travail d’une couche de proximité.

Celui qui continue à fréquenter les salles de sport cinq fois par semaine rêve aussi plus loin, jusqu’à Hollywood, où il a déjà goûté aux plateaux dans le film Birds of Paradise (2021) de Sarah Adina Smith. C’est son horizon naturel, en tant que territoire d’élection du cinéma d’action. “Je n’arrêterai jamais de tourner en France, car c’est mon ADN, surtout les comédies, que j’adore. Mais le petit Nassim, qui regardait les films d’action avec les stars américaines, a envie de se retrouver sur les plateaux avec les héros de son enfance. Je me dis que c’est possible. Ce n’est pas de l’arrogance : une petite voix en moi me susurre que c’est la prochaine étape. Si ça doit venir, ça viendra. Ma carrière a toujours pris son temps, depuis quatorze ans elle se construit brique par brique, et ça me va très bien.

Sous la Seine (2024) de Xavier Gens, avec Nassim Lyes et Bérénice Bajo, disponible sur Netflix. Ad Vitam (2025) de Rodolphe Lauga, avec Guillaume Canet, Stéphane Caillard et Nassim Lyes, au cinéma le 15 janvier 2025.

Réalisation : Jean Michel Clerc. Coiffure et maquillage : Saloi Jeddi. Assistante photographe : Clémentine Preat. Assistant réalisation : Arthur Callegari. Numérique : Anouchka Renaud-Eck