7 sep 2020

And the best album of 2017 goes to… Sampha

Ce collaborateur de Drake, Solange, Kanye West et Frank Ocean s’impose comme un artiste majeur à part entière avec “Process”, premier opus entre soul bouleversante et électro éthérée. Le meilleur album de l’année jusqu’ici.

À 28 ans, Sampha a déjà posé sa voix, douce et tendue par l’émotion, sur quelques unes des plus belles réussites du R'n'B actuel. Repéré en 2011 sur le premier album du groupe électro SBTRKT, le Britannique est invité par Drake dès 2013 (les titres Too Much et The Motion). En 2016, tiercé gagnant. C’est au tour de Kanye West, Frank Ocean et Solange de faire appel à lui sur leur album respectif. La Sainte Trinité du R'n'B planant semble alors touchée par sa grâce.

 

En 2017, le jeune homme continue sa mue en star d'une soul solaire avec un premier opus brillant. Le Britannique y fait abstraction des catégories pour proposer une musique sensible mêlant résurgences trip hop, balade façon crooner R’n’B, morceau piano-voix à la pureté fragile, expérimentation digitale mutante façon Arca et instruments d’Afrique de l’Ouest. “C’est sans doute lié à ma manière de créer, très libre, concède Sampha. Je prends le micro, et je vois ce qu’il en sort. Ou je vais jouer au piano des heures durant. Les morceaux Blood On Me et Plastic 100°, par exemple, sont issues de la même séance d’improvisation.

 

 

Sampha propose une soul sensible mêlant résurgences trip hop, balade façon crooner R’n’B, morceau piano-voix à la pureté fragile et expérimentation digitale mutante.

Dénué de featurings prestigieux, éminemment personnel et intimiste, Process sublime le quotidien du chanteur (et ses affres : la maladie, la disparition) en histoires universelles bouleversantes. “Je suis très porté à l’introspection, acquiesce l’artiste, de passage à Paris. Je ne crois pas qu’on ait forcément besoin de dévoiler la vérité de ses sentiments sur le moment. Je me préfère me donner le temps de la réflexion.

 

En ouverture de l’album, l’aérien et délicat Plastic 100° a toutes les allures de la rêverie matinale baignée par les premiers rayons du soleil. Sampha s’y confronte pourtant à la maladie : l’apparition d’une grosseur dans sa gorge et les échos que cette découverte trouve dans son histoire familiale, l’agonie de sa mère, qu’il a accompagnée pendant tout l’écriture de l’album, par exemple. Figure central de (No One Knows Me) Like the Piano et plus généralement de la musique de Sampha, le piano évoque celui ramené par son père alors que l’artiste n’avait que 3 ans. Un père mort quelques années plus tard… 

 

 

L’aérien et délicat Plastic 100° a toutes les allures de la rêverie matinale baignée par les premiers rayons du soleil. Sampha s’y confronte pourtant à la maladie.

Là encore, loin de jouer sur un pathos plombant, le morceau élève, comme si les fantômes qui hantaient l’album l’emmener vers des cieux plus radieux. La fragilité de l’album et sa musicalité tout en nuances fines tiennent sans aucun doute à cette prise de conscience précoce de la mort – Sampha a écrit l’album entre ses 25 et 28 ans. “La mort est une expérience intense. On la ressent physiquement. L’album exprime ce type de sensations très physiques et d'expériences fortes”, confirme le musicien.

 

 

“La mort est une expérience intense. On la ressent physiquement. L’album exprime ce type de sensations très physiques et d’expériences fortes.” Sampha

 

 

Traversée par une spiritualité lumineuse, sa musique se dévoile en digne héritière de la musique noire d’église – version plus intimiste, comme en sourdine. La douleur de la disparition s’y exprime par une célébration de la vie plutôt que par le recueillement morbide. “Je ne parle jamais de spiritualité, commente Sampha. Mais si vous voulez dire que je m’intéresse à la part inconnue du monde, à l’inaccessible qui demeure dans chaque chose, alors oui, je suis intéressé par la spiritualité.

 

Chef-d’œuvre de catharsis et d’une musique hybride parfaitement actuel, Process réussit à faire muter la spiritualité et les peurs de Sampha en compositions solaires traversées par des beats enveloppants. Sa voix se fait d’ailleurs aussi bouleversante que bienveillante, comme si après avoir accompagné sa mère, Sampha veillait aujourd’hui sur nous. 

 

Process (Young Turks / Beggars), disponible.

 

 

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