20 juil 2020

L’artiste Petrit Halijaj fait son nid fleuri dans le palais de Cristal de Madrid

Pendant six mois, le palais de Cristal du parc Retiro à Madrid se transforme en immense nid peuplé de fleurs géantes et d'oiseaux saugrenus. Réalisée par l'artiste kosovar Petrit Halijaj, cette impressionnante installation in situ se fait l'écho d'un récit intime et autobiographique empli d'émotion. 

Au cœur du parc de Retiro, à Madrid, se trouve un joyau d’architecture de la fin du XIXe siècle : le palais de Cristal. Directement inspiré du Crystal Palace londonien, ce pavillon fait de fer et de multiples vitres de verre s’est longtemps destiné à accueillir de nombreuses plantes tropicales, baignées par la lumière du soleil madrilène. Mais depuis trente ans, celui-ci endosse une toute autre fonction : celle d’espace d’exposition pour des projets in situ imaginés par des artistes contemporains. Devenu l’un des lieux du musée Reina Sofia, il complète donc à quelques pas de son bâtiment principal sa programmation avec ces productions inédites.

 

Et en trois décennies, nombreux sont celles et ceux qui ont su faire vivre cet édifice avec leurs propositions audacieuses, inspirées aussi bien par son cadre que sa lumière exceptionnelle. Si le sculpteur espagnol Jaume Plensa y installait fin 2018 des visages géants et discrets en treillis d’acier, l'Iranienne Nairy Baghramian y exposait quelques semaines auparavant des fragments en résines teintée couleur chair semblables aux restes d’une mue humaine. D’autres grands noms de l’art contemporain sont passés entre ses murs, à l’instar de Roman Ondák, Doris Salcedo ou encore Charles Ray, qui disposait l’année dernière des corps sculptés à la taille maximisée intégralement blancs, comme pour recevoir au mieux les rayons du soleil.

Mais c’est un tout autre spectacle qui se déroule actuellement au sein du palais de Cristal. Le long des piliers gris clair qui soutiennent sa structure, un ensemble de fleurs géantes viennent colorer son décor : des lys blancs, forsythias jaunes, hibiscus oranges ou tulipes pourpres tombent au-dessus des visiteurs, de même qu’un immense coquelicot d’un rouge puissant. Leurs larges pétales ouverts semblent à la fois rassurants et menaçants, tels les soldats d’une nature qui donnerait à l’être humain une leçon d'humilité. Entre quelques haies d’arbres fins dressées du sol aux hautes fenêtres, on distingue des pattes d’oiseau dorées dont les jambes relient le sol au sommet du bâtiment.

 



Cet univers semblable à une séquence d’Alice au pays des merveilles, l’artiste d’origine kosovare Petrit Halijaj en est le créateur. Fasciné par la nature, sa faune et sa flore, et leur capacité à se faire l’allégorie de nos réalités humaines et notre histoire, le plasticien met en scène à travers ses installations des questions socio-politiques mais aussi mémorielles et intimes, liées à son propre vécu. Avec son conjoint, l’artiste Álvaro Urbano, Petrit Halijaj a façonné et peint ces fleurs, comme une manière poétique de faire éclore son union au grand jour. En composant ce gigantesque nid, le trentenaire réduit le visiteur à la taille d’une fourmi, amenant ce dernier à se sentir aussi bien protégé qu’enfermé dans cette cage de verre d’où s’envolent les oiseaux. Fidèle à son goût tout particulier pour le théâtre, Petrit Halijaj y intègre également la sculpture d’un corbeau blanc anthropomorphe, debout et doté de mains d’homme en train d’enlacer une branche d’arbre. Inspiré par un souvenir familial de l’artiste, ce protagoniste se fait alors ici un oracle bienfaiteur appelant à chérir les richesses offertes par notre sol avant que nos propres dérives nous rendent prisonniers de nous-mêmes.

 

Petrit Halilaj, To a raven and hurricanes that from unknown places bring back smells of humans in love, jusqu'au 28 février 2021 au palais de Cristal du parc Retiro, Madrid.