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Qui est Wei Libo, le jeune artiste qui ravive l’artisanat ancestral ?
Toujours à l’affût de la foisonnante scène artistique française, Numéro art s’arrête ici sur le travail du jeune plasticien Wei Libo. De la marqueterie à la céramique, l’artiste d’origine chinoise s’empare de techniques artisanales ancestrales pour explorer les souvenirs et esprits qui l’habitent depuis l’enfance, dans des œuvres sculpturales emplies de poésie.
Par Matthieu Jacquet.

Wei Libo, un artiste qui s’empare de l’artisanat avec poésie
En juin dernier, les milliers de visiteurs de la foire Art Basel croisent sur leur route une installation impressionnante. Sur le stand de la galerie parisienne Sans titre, une cimaise intégralement recouverte d’un grand panneau de bois révèle une nature morte en léger relief, tout en lignes courbes et en formes ovoïdes, où se discernent noisettes, cacahuètes, poires et assiettes, tandis que des mangues, des pastèques et des pommes d’un réalisme saisissant sont posées sur des étagères incurvées.
Devant, une table ovale accueille sept vases vert d’eau en forme de courge, dont la céramique, ajourée par endroits, révèle des morceaux de bois incrustés. Avec cet ensemble imprégné de poésie et saisissant de savoir-faire, inspiré aussi bien par la tradition chinoise que par la peinture flamande, Wei Libo fait, à 31 ans, une entrée remarquée dans le marché de l’art contemporain.

Courtesy of the artist and Sans titre, Paris.
© Jean-Christophe Lett

Courtesy of the artist and Sans titre, Paris. © Aurélien Mole.
Des Beaux-arts de Paris à Art Basel, une visibilité croissante
Principalement sculpturale, la pratique de l’artiste naît d’un besoin de réappropriation de son histoire familiale. Né dans les années 1990 au nord-ouest de la Chine, Wei Libo connaît l’urbanisation massive de son pays, qui cause notamment la destruction de sa maison familiale. Son abandon, et celui des nombreux objets qui la peuplaient, continuent de hanter l’esprit de l’artiste après son arrivée en France, pour ses études.
C’est ainsi qu’à l’École des beaux-arts de Paris, le jeune homme entreprend de reproduire intégralement une commode, jadis fabriquée par son grand-père. Pour ce faire, il se forme à la marqueterie pendant six mois, déterminé à s’approcher le plus possible du modèle qui habite sa mémoire. Début 2025, on découvrait au Frac Île-de-France le fruit de ce labeur, ponctué de nombreux détails, comme des poignées en forme de piment, ou encore un tigre, dont la silhouette se dessine sur la surface plane par la découpe des différents bois clairs.

Un amour pour le travail de la main
Passionné par le “rapport entre l’homme et la terre”, Wei Libo est de cette nouvelle génération, qui cherche à se réemparer de l’artisanat, longtemps dénigré par le monde de l’art contemporain. Outre le bois, le jeune homme apprend à maîtriser la céramique pour créer avec une grande précision des vases aux formes caractéristiques de la dynastie Song.
Enfant, l’artiste fut très marqué par une céramique chinoise ancienne, qu’il imaginait occupée par un petit animal : ce souvenir l’incite à intégrer dans ses terres cuites des éléments de marqueterie, évoquant des yeux ou le pourrissement d’un fruit, qui donnent à l’objet “l’air d’être habité”. Mû par son amour pour le travail à la main, Libo souhaite aujourd’hui explorer une autre technique, le métal, se laissant une fois de plus guider par le matériau, pour exalter tout son pouvoir d’enchantement.
