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Pablo Picasso, Cindy Sherman, Urs Fischer : la galerie Gagosian fête ses 10 ans
Pablo Picasso, Cindy Sherman, Urs Fischer, Huma Bhabha… Jusqu’au 19 décembre prochain, des portraits de femme réalisés par les plus grands artistes internationaux s’invitent chez Gagosian à l’occasion des 10 ans de la galerie parisienne. Sa directrice lève le voile sur cette exposition événement en forme de best of de la décennie écoulée.
Propos recueillis par Thibaut Wychowanok.
Numéro : En 2010, vous consacriez votre espace de la FIAC à une exposition collective ayant pour thème les portraits de femme. Dix ans plus tard, vous renouvelez l’expérience au sein de la galerie en faisant une nouvelle fois appel à une scénographie colorée de l’architecte India Mahdavi.
Serena Cattaneo Adorno : Les deux expositions sont très similaires, même si nous présentons beaucoup plus d’œuvres aujourd’hui. India associe chaque pièce exposée à une teinte fraîche et joyeuse issue de “Flowers”, sa gamme de couleurs lancée en 2019. J’ai toujours apprécié son goût raffiné des couleurs, qui lui vient sans doute de ses origines iraniennes. Rem Koolhaas avait réalisé une passionnante étude expliquant que la société moderne n’explorait plus les couleurs. Les nuances s’estompaient au profit du seul noir et blanc. Travailler avec India était une manière d’y remédier. De notre côté, la galerie a évolué en dix ans : nous représentons davantage de femmes artistes et plus de cultures différentes. L’exposition reflète ce changement. Des œuvres historiques de Cy Twombly, Richard Avedon, Pablo Picasso, Auguste Rodin ou Francis Picabia entrent en dialogue avec celles de Georg Baselitz, Jeff Koons, Urs Fischer, Cindy Sherman, Cecily Brown, mais aussi de la Brésilienne Adriana Varejão, du Béninois Romuald Hazoumé et de la Pakistano-Américaine Huma Bhabha.
Pourquoi avoir fait le choix de s’installer dans le 8ème arrondissement, alors que les galeries d’art contemporain étaient majoritairement dans le Marais ?
Le Marais ne nous correspondait pas. Nous voulions développer l’aspect plus moderne de la galerie et le quartier de l’avenue Matignon s’inscrivait dans cette histoire. Picasso avait beaucoup exposé dans les petites rues derrières. A cette époque, les galeries y étaient nombreuses. Notre objectif était également de toucher l’audience internationale du 8ème arrondissement, à proximité du Grand Palais…
Que retenez-vous des 61 expositions parisiennes de ces dix dernières années ?
Nous avons creusé le sillon des expositions historiques, aux côtés, par exemple, de la Fondation Giacometti ou de Diana Widmaier Picasso, petite-fille de l’artiste. Le projet centré sur la collection de sa mère, Maya Picasso, analysait le rôle de la muse. Tout ce que nous avions lu dans les livres prenait une dimension très concrète : le chapeau porté par Picasso, les chaussettes tricotées par la grand-mère… Ce fut sans doute l’un des moments les plus émouvants. Depuis longtemps, Larry Gagosian avait prouvé qu’une galerie commerciale peut présenter des expositions muséales, centrées sur un artiste ou une thématique, avec l’appui d’experts maison, d’historiens ou d’anciens directeurs de musée. Nous avons également présenté des artistes établis, mais plus jeunes, comme Dan Colen, qui avait fait recouvrir tous les murs de la galerie de gazon et de goudron. L’esprit très ouvert de Larry nous a permis de présenter des expositions inattendues. Je pense notamment au mouvement “neo concrete” brésilien qui, pour moi, sans doute parce que je suis italienne, est un pendant à l’arte povera qui me passionne. En refusant, dans les années 50, le rationalisme en vogue au profit de formes abstraites corporelles et de la sensualité, ce mouvement d’Amérique du Sud a magnifiquement redéfini la modernité.
“Bustes de femmes”, jusqu’au 19 décembre 2020 à la galerie Gagosian, Paris 8e.